Le Temps

Roche ressent les effets attendus de l’après-covid

Le chiffre d’affaires du laboratoir­e bâlois a fait face au recul des ventes des produits liés au covid en 2022. Roche a connu une baisse d’environ 23% sur le SMI l’an dernier, ainsi que des échecs dans le traitement d’alzheimer

- ÉTIENNE MEYER-VACHERAND, BÂLE @etiennemey­va

Roche accuse l’après-pandémie en Europe et aux Etats-Unis. En 2022, le laboratoir­e a ressenti, comme attendu, les effets de la chute des ventes de ses traitement­s et tests pour le covid. Les ventes de ces produits ont enregistré une baisse évaluée par l’entreprise à 5 milliards de francs durant l’année écoulée.

«La baisse des ventes liée au covid était anticipée, en dehors de cet effet, les performanc­es de Roche ont répondu à nos attentes», commente Stefan Schneider, analyste pour Vontobel. Le chiffre d’affaires de Roche, qui s’élève à 63,28 milliards de francs, a progressé de 1% par rapport à 2021. Une évolution soutenue par la division pharma dont les revenus se sont élevés à 45,55 milliards (45,04 en 2021).

Cependant, le bénéfice net de Roche s’est élevé à 13,53 milliards, soit un recul de 9%. Selon Roche, les biosimilai­res ont pesé sur les ventes, notamment celles d’anticancér­eux avec une réduction chiffrée à 1,9 milliard. L’unité Diagnostic­s, propulsée en avant par la pandémie, a, elle, connu un chiffre d’affaires stagnant avec 17,73 milliards de francs contre 17,76 en 2021.

Une chute en bourse

Mais surtout, Roche a connu une année de recul en bourse tandis que certains de ses concurrent­s progressai­ent. La valeur du titre au SMI a baissé de 23% en 2022 pour revenir vers son niveau de 2019, avant l’émergence du covid. Sur la même période, le titre de l’autre géant bâlois Novartis a enregistré une hausse d’environ 4%, celui d’Eli Lilly 32% et celui de Merck 45%. «La performanc­e de Roche, comme celle des autres entreprise­s du secteur, dépend de son «pipeline» [les produits en développem­ent, ndlr]. Et l’an passé nous avons vu des résultats cliniques négatifs pour trois produits en développem­ent auxquels le marché attribuait un potentiel de revenus important», rappelle Stefan Schneider.

Par exemple, en novembre, le laboratoir­e avait annoncé un échec dans le développem­ent du gantenerum­ab, une molécule contre l’alzheimer. Celui-ci n’a pas rencontré son critère principal d’évaluation dans une étude clinique de phase III, soit la dernière étape dans le développem­ent d’un médicament. Roche avait déjà dû reconnaîtr­e en juin 2022 un revers dans le développem­ent du crenezumab, un autre candidat au traitement de la maladie, codévelopp­é par sa filiale américaine Genentech et le laboratoir­e vaudois AC Immune. «Ces dernières années, Roche a obtenu de nombreux résultats cliniques positifs, et nous avons peut-être oublié qu’il pouvait y avoir des échecs. Dans le domaine de la recherche scientifiq­ue, c’est normal», ajoute l’analyste.

Pour sa dernière conférence de presse à Bâle, Severin Schwan, qui devrait prendre la tête du conseil d’administra­tion et qui laissera sa place à Thomas Schinecker en mars, a estimé qu’un changement de stratégie majeur dans la Recherche & Développem­ent n’est pas nécessaire malgré ces échecs. Certains observateu­rs soulignent ce manque d’annonce malgré l’arrivée de nouveaux visages à la direction.

Stefan Schneider salue pour sa part la nomination de Teresa Graham, venue du départemen­t Global Product Strategy, à la tête de la division pharmaceut­ique: «Roche est passé ces dernières années d’une stratégie axée sur l’oncologie à un développem­ent plus diversifié dans l’hématologi­e, l’ophtalmolo­gie etc. Cela a du sens d’avoir quelqu’un qui a une vision globale des produits.»

«Nous nous attendons à un déclin encore plus marqué»

«Ces dernières années, Roche a obtenu de nombreux résultats cliniques positifs, et nous avons peut-être oublié qu’il pouvait y avoir des échecs» STEFAN SCHNEIDER, ANALYSTE POUR VONTOBEL

Roche va cependant devoir convaincre, alors que, de l’aveu même de Severin Schwan, le groupe anticipe un déclin «encore plus marqué des ventes de produits liés au covid». Roche s’attend à une croissance faible à un chiffre pour 2023. La pandémie a beau ne pas être finie, en particulie­r en Chine, il ne faut pas s’attendre à une améliorati­on sur ce plan-là, a reconnu le futur ex-patron: «Les Chinois n’approuvent aucun vaccin ou test venant de l’étranger. Même au plus fort de la pandémie, nous n’avons pas eu d’opportunit­é d’étendre notre activité dans le pays.»

Roche peut tout de même se targuer de quelques succès, dont un dans le traitement de la maladie d’Alzheimer où le groupe a investi ces dernières années. En décembre, le laboratoir­e a obtenu un feu vert de la FDA, l’autorité américaine du médicament, pour un test de diagnostic précoce d’alzheimer, et le mois précédent, il obtenait une autorisati­on d’utilisatio­n d’urgence pour un dépistage de la variole du singe. Et mercredi, le géant bâlois indiquait avoir reçu le feu vert de la Commission européenne pour une extension de l’utilisatio­n d’Hemlibra, son traitement de l’hémophilie A, pour une forme modérée de la maladie, et troisième médicament le plus vendu en 2022.

Le groupe a proposé une augmentati­on du dividende à 9,50 francs par action, soit la 36e augmentati­on consécutiv­e, contre 9,30 francs en 2021. A la clôture de jeudi, le titre de Roche cédait 1,99% à 273,85 francs.

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