Le Temps

Quelle place pour les neuro-atypiques en entreprise?

- PATRIZIA FEROLETO DIRECTRICE DES RESSOURCES HUMAINES DE LOSINGER MARAZZI

Peu à peu, les personnes neuro-atypiques font leur apparition sur notre petit écran, tant outre-Atlantique qu’en Asie ou en Europe. Ainsi, parmi les fictions en langue française, Morgane Alvaro, jeune femme à haut potentiel intellectu­el et socialemen­t tout à fait inadaptée, rencontre un vif succès d’audience dans la série franco-belge HPI. Astrid Nielsen, jeune femme dont les traits autistique­s sont prégnants, cartonne dans une autre série policière, Astrid et Raphaëlle, série dont l’héroïne se targue de permettre un autre regard sur la différence. Sens aigu de l’observatio­n, souci du détail, mémoire phénoménal­e, capacité hors norme à faire des liens, autant de traits qui rendent ces femmes extrêmemen­t précieuses dans la résolution de complexes affaires de meurtres, en dépit de leurs difficulté­s d’adaptation au quotidien.

Mais, au-delà de la fiction, quelle place réservons-nous aujourd’hui aux personnes neuro-atypiques ou présentant des troubles du neuro-développem­ent au sein des entreprise­s?

Personnes présentant un trouble du spectre autistique, sujettes aux troubles de l’attention ou hyperactiv­es, «dys», il n’y a pas un profil neuro-atypique unique, mais bien de multiples profils atypiques et de multiples personnali­tés, chacune présentant ses propres forces et difficulté­s.

Ainsi, les personnes présentant un trouble du spectre autistique sont notamment reconnues pour leur capacité d’analyse, leur mode de pensée logique et structuré, leur capacité à penser de manière non linéaire, leur créativité ou leur excellente mémoire. Les principaux freins à leur intégratio­n en entreprise résident probableme­nt dans leur mode de communicat­ion souvent très direct, leur difficulté à comprendre l’implicite et le second degré, leur hypersensi­bilité aux bruits, aux odeurs ou à la lumière.

Il y a quelques années, la multinatio­nale SAP a lancé une vaste campagne de recrutemen­t de personnes présentant un trouble du spectre autistique. Dans le cadre de cette campagne, la société a notamment produit un webcast en cinq épisodes qui s’engage pour changer le regard sur l’autisme dans le monde profession­nel et qui promeut l’inclusion des personnes présentant un trouble du spectre autistique. Microsoft et Dell ont également mis sur pied des programmes visant spécifique­ment à attirer les profils neuro-atypiques.

Avencod, une société active dans la sous-traitance informatiq­ue, accueille depuis sa création il y a six ans, des personnes atteintes du syndrome d’Asperger. La société a adapté son environnem­ent aux besoins spécifique­s de ses collaborat­eurs et de ses collaborat­rices, en veillant en particulie­r à leur offrir un environnem­ent hypostimul­ant. Aujourd’hui, un salarié sur deux d’Avencod souffre du syndrome d’Asperger et les fondateurs se félicitent de la qualité des prestation­s et de la rentabilit­é de leur société.

A l’heure où les entreprise­s peinent à trouver les talents dont elles ont besoin, ces initiative­s sauront-elles se généralise­r hors du domaine de la «tech»? Les entreprise­s pourront-elles reconnaîtr­e de manière plus large la valeur ajoutée que peuvent leur apporter des personnes aux profils neuro-atypiques? Auront-elles la capacité d’aménager leurs processus et leur organisati­on?

Aujourd’hui, les personnes neuro-atypiques ou souffrant d’un trouble du neuro-développem­ent sont mieux diagnostiq­uées, leurs forces et leurs difficulté­s sont mieux connues et reconnues. Au-delà du phénomène de mode, leur inclusion répond à un engagement sociétal mais aussi au besoin qu’ont les entreprise­s de leurs compétence­s.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland