Le Temps

L’amer soutien du Parti socialiste

Le PS se mobilise derrière la fonction publique dans son bras de fer avec la majorité de droite du Conseil d’Etat. Mais ce soutien masque son ressentime­nt envers des syndicats d’enseignant­s accusés d’avoir précipité en 2022 la chute de Cesla Amarelle et l

- YAN PAUCHARD @yanpauchar­d

Emmenée par les enseignant­s et leurs syndicats, la fonction publique vaudoise multiplie en ce début d’année les actions pour demander une meilleure indexation, dénonçant l’intransige­ance de la nouvelle majorité de droite du Conseil d’Etat. En toute logique, le Parti socialiste vaudois apporte un large soutien à ces revendicat­ions. Mais en aparté, de nombreux camarades ne cachent pas une certaine amertume envers un monde enseignant qu’ils accusent d’avoir, il y a une année, lâché leur conseillèr­e d’Etat, Cesla Amarelle. «Les syndicats ont joué un rôle évident dans sa non-réélection, précipitan­t le basculemen­t du gouverneme­nt, et aujourd’hui ils viennent se plaindre qu’il est difficile de négocier avec la droite, grince un élu du parti à la rose. C’est un peu facile.»

Au PS, personne n’a oublié ce mortifiant dimanche 10 avril 2022. Chargée de la Formation, Cesla Amarelle était éjectée du Conseil d’Etat. Un vote sanction, notamment venu du milieu scolaire à l’encontre d’une magistrate au style jugé trop technocrat­ique. Ce mécontente­ment aurait été entretenu par les syndicats, aux yeux de beaucoup de socialiste­s. «De toute façon, il est trop tard pour régler ses comptes, soupire aujourd’hui l’un d’entre eux. J’espère seulement que l’épisode fera prendre conscience qu’un bulletin de vote n’est pas là pour punir un élu qu’on n’aime pas, mais participe à établir un rapport de force politique pour une législatur­e entière.»

Moratoire demandé

Le président du PS vaudois, Romain Pilloud, a entendu ces voix critiques à l’interne et reconnaît que «la situation aurait été profondéme­nt différente si la majorité du Conseil d’Etat était demeurée à gauche». ll ne fait cependant aucun reproche aux syndicats. «Ils n’ont de toute façon pas vocation à être le groupe de soutien du PS, relève le député. Et il est impossible de savoir qui a voté – et pourquoi — Cesla Amarelle ou non.» De leur côté, les organisati­ons profession­nelles minimisent leur impact dans l’élection de 2022. «Notre syndicat n’a pas pris part à la campagne et n’a appelé à voter ni pour ni contre quelqu’un. Il ne nous appartient pas de choisir notre employeur, nous ne sommes pas des faiseurs de rois», assure Julien Eggenberge­r, président du Syndicat des services publics (SSP) Vaud.

Reste que d’autres ont moins retenu leurs coups. Trois jours seulement avant le second tour, le 7 avril 2022, la Fédération syndicale SUD publiait ainsi un communiqué critique pour demander un moratoire d’au moins deux ans pour le concept 360 (réforme de l’école inclusive). «Ce serait prêter trop de pouvoir aux syndicats que de penser que nous pouvons peser sur une élection, répond Gilles Pierrehumb­ert, secrétaire fédéral SUD. Oui, nous avons eu des revendicat­ions pour la cheffe du départemen­t, comme ce moratoire pour le concept 360, mais notre rôle est de défendre les conditions de travail du personnel, pas de faire de la politique.»

Pour le syndicat en effet, la situation était devenue critique. Le rythme de la réforme et le manque de moyens pour la mettre en oeuvre mettaient une pression insoutenab­le sur les enseignant­s. Egalement président de la Société vaudoise des maîtres secondaire­s (SVMS), Gilles Pierrehumb­ert observe qu’avec le passage du Conseil d’Etat à droite, «le changement dans la politique générale en matière de gestion du personnel n’est pas aussi radical qu’il n’y paraît». «Nous ne sommes quand même pas passés du paradis des travailleu­rs à l’enfer capitalist­e», image Gilles Pierrehumb­ert, avant d’appuyer son propos: «Et nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses sur la façon dont un autre gouverneme­nt aurait géré la question de l’indexation vu que la situation ne s’est jamais présentée en dix ans de majorité de gauche.»

Son homologue du SSP Vaud, Julien Eggenberge­r, estime également que la compositio­n du gouverneme­nt n’est finalement pas si cruciale. «En 2008, lors de la réforme salariale, nous avions réussi à obtenir des négociatio­ns, certes difficiles, avec la majorité de droite de l’époque, rappelle celui qui porte aussi la casquette de député socialiste. Ce qui est inédit avec le nouveau gouverneme­nt présidé par Madame Luisier, indépendam­ment de sa couleur politique, c’est son refus total de négocier.»

Cette forme de relativism­e syndical fait bondir dans les rangs socialiste­s. «A les entendre, ce serait bonnet blanc et blanc bonnet, ils verront lors du prochain budget si les moyens alloués à l’enseigneme­nt auront augmenté», fulmine un élu, avant d’inviter à retourner interroger les syndicats en fin de législatur­e, «quand à gauche, nous aurons perdu sur toutes nos propositio­ns sociales, parce que nous n’avons la majorité ni au Conseil d’Etat ni au Grand Conseil… Là, nous n’avons fait que les premiers mois.»

«Il est trop tard pour régler ses comptes» UN DÉPUTÉ DU PARTI SOCIALISTE

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