Des actionnaires veulent pousser la BNS à être plus verte
L’assemblée générale de la Banque nationale suisse devra voter sur trois résolutions, demandant à l’institution d’adapter sa politique monétaire et de placement à la crise climatique
La prochaine assemblée générale de la Banque nationale suisse (BNS) devrait compter trois votes inhabituels. Une centaine de petits porteurs, réunis par l’Alliance climatique suisse, ont déposé cette semaine trois propositions à soumettre aux actionnaires le 28 avril prochain au Kursaal de Berne. «Ces résolutions demandent une BNS respectueuse de l’environnement et responsable face à la crise climatique», résume Myriam Grosse, collaboratrice spécialisée dans «la place financière et le climat» pour l’Alliance climatique suisse.
Réuni en un mois, provenant de toute la Suisse, le groupe «montre le grand intérêt de nombreuses personnes de participer au changement de notre place financière», se félicite Myriam Grosse. L’institution est l’une des rares à être cotée et une action coûte 48o0 francs (cours de clôture de vendredi).
S’aligner sur l’Accord de Paris
Dans le détail, la première résolution concerne avant tout la politique monétaire et de placement. Les actionnaires demandent que la BNS l’aligne notamment sur l’Accord de Paris (qui veut limiter le réchauffement à 1,5 degré) et sur la Convention sur la diversité biologique, que la Suisse a ratifiés. Ils souhaitent donc que la banque centrale élabore un plan de transition pour elle-même d’ici la fin de l’année avec des «objectifs clairs, quantifiables et vérifiables», et qu’elle en exige également des banques. Les objectifs de réductions d’émissions de CO2 doivent être fixés tout au long de la chaîne (scope 1, 2 et 3). Un «comité scientifique indépendant» doit vérifier les plans et leur mise en oeuvre.
Dans sa deuxième proposition, le groupe mené par l’Alliance climatique demande des mesures réglementaires pour le secteur financier de façon à intégrer les risques liés au climat et à la biodiversité. La BNS devrait notamment réaliser des tests de résistance et adapter les exigences de fonds propres aux risques climatiques. Cela implique par exemple «une couverture complète en capital pour les investissements, les crédits et les assurances dans les entreprises pétrolières, gazières et charbonnières». Si la stabilité financière fait partie du mandat de la BNS, la réglementation des banques est néanmoins, en principe, le rôle de la Finma. Mais l’Alliance climatique se réfère au «memorandum of understanding» des deux institutions, qui répartit les tâches entre elles, pour pousser la BNS à agir, précise Myriam Grosse.
Dans sa troisième résolution, l’Alliance climatique propose la mise en place d’un «conseil d’éthique» pour définir les «normes et valeurs fondamentales» de la Suisse auxquelles se réfère la BNS et qui l’ont notamment conduite à arrêter d’investir dans l’armement ou le charbon. Elle demande en outre que l’institution joue un rôle plus actif dans
L’Alliance climatique demande que la BNS joue un rôle plus actif dans l’exercice de ses droits de vote dans les AG des sociétés dans lesquelles elle a investi
l’exercice de ses droits de vote dans les assemblées générales des entreprises dans lesquelles elle a investi. Selon son site internet, la BNS explique qu’elle «exerce ses droits de vote, en se concentrant sur des entreprises européennes à moyenne ou à grande capitalisation» et «se limite aux aspects relatifs à la bonne gestion».
Enfin, les militants préconisent une «révision de la stratégie de politique monétaire, avec la participation de la société civile et d’experts externes». Pour ce faire, la banque centrale peut s’inspirer des travaux récents de la Réserve fédérale américaine et de la Banque centrale européenne, ajoutent-ils.
Contactée, la BNS n’a pas souhaité faire de commentaires. Toujours dans sa documentation en ligne, à la question de la protection du climat, elle précise qu’elle «ne mène pas de politique structurelle en procédant à une sélection positive ou négative de certaines branches dans le but de les soutenir ou de les pénaliser, ou d’entraver ou de promouvoir des mutations économiques, politiques ou sociétales». En revanche, elle exclut les placements dans les entreprises qui «enfreignent gravement des principes largement reconnus au niveau sociétal». Les «graves dommages à l’environnement» en font partie et c’est pour cette raison qu’elle exclut notamment les producteurs de charbon.
Soumise à des règles particulières
Les règles pour déposer une résolution peuvent différer d’une entreprise cotée à l’autre, même si la loi fournit des indications. Dans le cas de la BNS, c’est possible dès lors que 20 actionnaires se mettent ensemble. L’institution n’est pas soumise au même cadre que les autres sociétés cotées en bourse. Les votes des actionnaires privés, par exemple, sont limités à 100 actions. Les cantons disposent de la majorité des voix avec près de 60% des actions, selon le rapport de gestion de 2021. Ils sont suivis par les banques cantonales (18,3%). Selon le même document, 2320 actionnaires privés étaient enregistrés et se partageaient 21,8% des droits de vote. ■