Alléluia, Marie Kondo ne range plus
Le maréchal Pétain jugé coupable d’intelligence avec l’ennemi, l’agent britannique Kim Philby à la botte du KGB, la fausse tournée d’adieu d’Eddy Mitchell… Vous croyiez voir là les plus grandes trahisons du siècle? Moi aussi. Jusqu’à ce que j’apprenne cette semaine que Marie Kondo avait retourné sa veste – et rangé ses théories au placard. Car le sien, de placard, est désormais en vrac.
Marie Kondo. Ce nom fait partie de notre vocabulaire courant depuis la publication de son livre La Magie du rangement, traduit du japonais en 2014, dans lequel l’autrice enseignait l’art du tri. Huit millions d’exemplaires vendus. Huit millions d’humains qui se sont mis à contempler si ce Psychologies ou ce top en élasthanne de 2008 leur inspiraient «une étincelle de joie» – sinon, raus. Suivront des téléréalités dédiées sur Netflix, un shop en ligne (boîtes et porte-éponges design) puis aujourd’hui, l’aveu. «Ma maison est en désordre, mais à ce stade de ma vie, c’est la bonne façon de gérer mon temps», admettait Marie Kondo, 38 ans, lors d’un webinaire relayé la semaine dernière par le Washington Post. «Maintenant, je comprends que ce qui est important pour moi, c’est d’apprécier de passer du temps avec mes enfants à la maison.» Confession certes calculée, puisque alignée avec la parution de son nouveau livre, prônant une méthode moins rigide et une routine adaptée aux rythmes de chacun. Il n’empêche, on se sent un peu floué. Il fallait donc que la Sainte Mère du tri soit débordée pour obtenir des conseils enfin réalistes?
Marie Kondo n’est pas seule à embrasser le bazar. Alors que les réseaux nous inondent traditionnellement d’intérieurs minimalistes et harmonieux, bougie parfumée sur fond de guirlandes lumineuses, sur TikTok, des utilisateurs se sont mis à montrer l’envers du décor. Leurs tables de chevet en particulier – amoncellement chaotique de tasses, câbles et autres livres jamais terminés. Je scrolle, satisfaite, en regardant la mienne qui prend la poussière et semble se renouveler à cet endroit précis avec une ténacité admirable. Des incursions de fouillis salutaires. Bien sûr, je crois dur comme fer qu’une maison rangée contribue à un esprit en paix. Et y a-t-il plus grand bonheur que la contemplation de plaques rutilantes? Mais c’est inéluctable, son chez-soi ne peut pas (toujours) ressembler à un showroom La Redoute. Et plutôt que le signe d’un échec, j’y vois un choix sain de priorités: comme Marie Kondo, on peut décider que le temps passé à repasser ce linge de cuisine ou à ranger ce tiroir à épices serait mieux investi ailleurs. A prendre le soleil, soigner son manque de sommeil ou ses amitiés – des photos souvenirs qui viendront rejoindre la collection peu esthétique sur l’étagère. Le nettoyage de printemps, c’est aussi dans la tête. ■