Le Temps

Les Etats-Unis s’activent pour confisquer les bonus des banquiers

FAILLITES Les dirigeants de SVB et de Signature, deux banques américaine­s tombées en mars, ont subi les foudres d’un comité sénatorial la semaine passée. Mais ils ont peu de chances de devoir rendre leurs gratificat­ions

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

«Les employés subissent les conséquenc­es, les cadres s’en vont tranquille­ment vers le soleil couchant…» «Lorsque vous mettez en péril l’argent d’autrui et l’économie dans son ensemble, vous devez rendre compte d’un tel niveau de mauvaise gestion…» Les sénateurs américains qui ont auditionné mardi passé Greg Becker, l’ancien directeur de Silicon Valley Bank (SVB), n’ont pas pris de gants pour exprimer leur colère envers celui qui a supervisé la banque californie­nne, tombée en faillite mi-mars. L’un des parlementa­ires s’est même demandé si l’ancien banquier était «stupide jusqu’à la moelle» ou si la cupidité l’avait rendu irresponsa­ble.

La colère des élus est exacerbée par le fait que Greg Becker avait vendu pour 3,6 millions de dollars d’actions SVB juste avant l’effondreme­nt de la banque, un pactole qui s’est ajouté aux quelque 38 millions de rémunérati­on qu’il a reçus au cours des quatre dernières années. Depuis la chute de SVB, mais aussi de First Republic et de Signature Bank (dont le président a aussi subi les foudres des sénateurs), le monde politique américain est décidé à faire payer les patrons de banque qui ont conduit leurs établissem­ents à la faillite. Comme après la crise financière de 2008. Des lois

Le monde politique américain est décidé à faire payer les patrons qui ont conduit leurs établissem­ents à la faillite

avaient alors été créées à cet effet, mais elles semblent peu efficaces dans le cas présent. De nouveaux projets de loi allant dans ce sens ont donc été mis sur pied outre-Atlantique.

En Suisse, ce sont les bonus qui ne sont pas encore versés qui sont dans le collimateu­r des autorités après la chute de Credit Suisse. Les membres du comité exécutif de la banque en seront privés pour 2022 et 2023, a annoncé le Conseil fédéral le 5 avril. Les gratificat­ions d’un millier de cadres sont aussi réduites de 25% à 50%. Mais celles des dirigeants passés sont hors d’atteinte. La Finma peut confisquer des bénéfices indus d’un établissem­ent (générés par une activité illicite par exemple) ou prononcer des interdicti­ons d’exercer pour des employés. Mais le surveillan­t des marchés financiers ne peut pas imposer le remboursem­ent des bonus passés

Aux Etats-Unis, les autorités de surveillan­ce du secteur financier ont théoriquem­ent la possibilit­é de le faire grâce à la loi Dodd-Frank, adoptée après la grande crise financière afin d’éviter qu’elle se reproduise. Mais la SEC, l’autorité des marchés boursiers, ne peut obliger des entreprise­s à récupérer des bonus que si elles ont dû modifier leurs comptes. L’idée étant que les cadres ont dans ce cas reçu des gratificat­ions basées sur des résultats faux, ou des objectifs qui n’ont en réalité pas été atteints. Or aucune des banques tombées en mars outre-Atlantique n’a revu sa copie.

Des projets de lois à l’examen

La FDIC, l’organisme qui assure la garantie des dépôts aux EtatsUnis, peut aussi faire rendre des bonus, mais seulement au sein de très grandes banques, un critère qui n’est pas rempli par SVB ou Signature. Pour ces établissem­ents plus petits, cette autorité a quand même une carte à jouer puisqu’elle les a pris sous son contrôle. Et dans ce cas, elle peut décréter le remboursem­ent de bonus en cas de malversati­ons. Son enquête sur la chute de SVB n’en est qu’à ses débuts et n’a pas trouvé de traces de fraude pour le moment.

Plusieurs groupes de sénateurs ont récemment présenté des projets de loi visant à renforcer le pouvoir des autorités en matière de confiscati­on des bonus. L’un de ces textes, porté par la démocrate Elizabeth Warren, veut récupérer tout ou partie de la rémunérati­on reçue par les dirigeants d’une banque durant les cinq années précédant sa chute. Un autre projet de loi imposerait un impôt de 90% sur les gratificat­ions des cadres reçues dans les deux mois avant une faillite, et la confiscati­on de tout bénéfice généré par la vente d’actions de la banque en question pendant cette période. Cette approche serait rétroactiv­e. Ces projets n’en sont qu’au tout début du processus parlementa­ire. Des lois similaires avaient été acceptées par la Chambre des représenta­nts en 2009, mais ensuite refusées par le Sénat.

Mardi passé, les sénateurs américains ont aussi demandé à l’ex-patron de SVB et au président de Signature Bank s’ils comptaient rendre leurs bonus. Le premier a promis de coopérer avec les enquêteurs; le second a répondu d’un simple non.

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(WASHINGTON DC, 16 MAI 2023/ MANDEL NGAN/AFP) La Commission des banques, du logement et des affaires urbaines du Sénat américain a passé, mardi dernier, Greg Becker, l’ancien directeur de la Silicon Valley Bank, sur le gril.

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