Les Etats-Unis s’activent pour confisquer les bonus des banquiers
FAILLITES Les dirigeants de SVB et de Signature, deux banques américaines tombées en mars, ont subi les foudres d’un comité sénatorial la semaine passée. Mais ils ont peu de chances de devoir rendre leurs gratifications
«Les employés subissent les conséquences, les cadres s’en vont tranquillement vers le soleil couchant…» «Lorsque vous mettez en péril l’argent d’autrui et l’économie dans son ensemble, vous devez rendre compte d’un tel niveau de mauvaise gestion…» Les sénateurs américains qui ont auditionné mardi passé Greg Becker, l’ancien directeur de Silicon Valley Bank (SVB), n’ont pas pris de gants pour exprimer leur colère envers celui qui a supervisé la banque californienne, tombée en faillite mi-mars. L’un des parlementaires s’est même demandé si l’ancien banquier était «stupide jusqu’à la moelle» ou si la cupidité l’avait rendu irresponsable.
La colère des élus est exacerbée par le fait que Greg Becker avait vendu pour 3,6 millions de dollars d’actions SVB juste avant l’effondrement de la banque, un pactole qui s’est ajouté aux quelque 38 millions de rémunération qu’il a reçus au cours des quatre dernières années. Depuis la chute de SVB, mais aussi de First Republic et de Signature Bank (dont le président a aussi subi les foudres des sénateurs), le monde politique américain est décidé à faire payer les patrons de banque qui ont conduit leurs établissements à la faillite. Comme après la crise financière de 2008. Des lois
Le monde politique américain est décidé à faire payer les patrons qui ont conduit leurs établissements à la faillite
avaient alors été créées à cet effet, mais elles semblent peu efficaces dans le cas présent. De nouveaux projets de loi allant dans ce sens ont donc été mis sur pied outre-Atlantique.
En Suisse, ce sont les bonus qui ne sont pas encore versés qui sont dans le collimateur des autorités après la chute de Credit Suisse. Les membres du comité exécutif de la banque en seront privés pour 2022 et 2023, a annoncé le Conseil fédéral le 5 avril. Les gratifications d’un millier de cadres sont aussi réduites de 25% à 50%. Mais celles des dirigeants passés sont hors d’atteinte. La Finma peut confisquer des bénéfices indus d’un établissement (générés par une activité illicite par exemple) ou prononcer des interdictions d’exercer pour des employés. Mais le surveillant des marchés financiers ne peut pas imposer le remboursement des bonus passés
Aux Etats-Unis, les autorités de surveillance du secteur financier ont théoriquement la possibilité de le faire grâce à la loi Dodd-Frank, adoptée après la grande crise financière afin d’éviter qu’elle se reproduise. Mais la SEC, l’autorité des marchés boursiers, ne peut obliger des entreprises à récupérer des bonus que si elles ont dû modifier leurs comptes. L’idée étant que les cadres ont dans ce cas reçu des gratifications basées sur des résultats faux, ou des objectifs qui n’ont en réalité pas été atteints. Or aucune des banques tombées en mars outre-Atlantique n’a revu sa copie.
Des projets de lois à l’examen
La FDIC, l’organisme qui assure la garantie des dépôts aux EtatsUnis, peut aussi faire rendre des bonus, mais seulement au sein de très grandes banques, un critère qui n’est pas rempli par SVB ou Signature. Pour ces établissements plus petits, cette autorité a quand même une carte à jouer puisqu’elle les a pris sous son contrôle. Et dans ce cas, elle peut décréter le remboursement de bonus en cas de malversations. Son enquête sur la chute de SVB n’en est qu’à ses débuts et n’a pas trouvé de traces de fraude pour le moment.
Plusieurs groupes de sénateurs ont récemment présenté des projets de loi visant à renforcer le pouvoir des autorités en matière de confiscation des bonus. L’un de ces textes, porté par la démocrate Elizabeth Warren, veut récupérer tout ou partie de la rémunération reçue par les dirigeants d’une banque durant les cinq années précédant sa chute. Un autre projet de loi imposerait un impôt de 90% sur les gratifications des cadres reçues dans les deux mois avant une faillite, et la confiscation de tout bénéfice généré par la vente d’actions de la banque en question pendant cette période. Cette approche serait rétroactive. Ces projets n’en sont qu’au tout début du processus parlementaire. Des lois similaires avaient été acceptées par la Chambre des représentants en 2009, mais ensuite refusées par le Sénat.
Mardi passé, les sénateurs américains ont aussi demandé à l’ex-patron de SVB et au président de Signature Bank s’ils comptaient rendre leurs bonus. Le premier a promis de coopérer avec les enquêteurs; le second a répondu d’un simple non.
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