Le Temps

Un obscur comité prédit l’apocalypse en cas de oui

Un tout-ménage national met en garde contre les conséquenc­es qu’aurait une acceptatio­n de la loi climat. Son émetteur est un organisme zurichois proche de l’UDC

- MARC GUÉNIAT

Seuls les riches pourront conduire une voiture. La nature sera détruite, notre pays défiguré. Nous aurons froid en hiver. Des milliers d’emplois seront perdus. Pas moins de 400 milliards de francs seront engloutis dans l’aventure. C’est ce scénario apocalypti­que que les Suisses ont reçu dans leur boîte aux lettres ces derniers jours – le lundi 22 mai en ce qui concerne le soussigné. Dans ce tout-ménage d’une page en papier glacé, il est expliqué que tout ceci est la faute des «discours alarmistes» principale­ment tenus «par des milliardai­res américains qui font d’énormes bénéfices en propageant la peur», semant «la panique». Il ne faudrait pas non plus «imiter les Allemands dans toutes leurs absurdités». Bigre.

Bienvenue à Stäfa

Voilà la magnitude de la catastroph­e qui attend la Suisse si sa population approuve, le 18 juin prochain, la loi sur la protection du climat. C’est du moins ce que pensent les auteurs de ce texte, fédérés sous la mystérieus­e bannière du Comité pour le sauvetage de la place industriel­le suisse. Sur le site internet, aucun nom, mais un compte à la Banque cantonale de Zurich permettant de contribuer à la lutte contre la propagatio­n de «données falsifiées» sur l’histoire du climat, qui osent escamoter «l’optimum climatique médiéval».

Qui sont ces ardents défenseurs d’une vérité par trop cachée, à savoir que «des scientifiq­ues sérieux et renommés» estiment que le CO2 produit par l’homme a un «effet à peine mesurable» sur le réchauffem­ent de la planète? Le compte bancaire renvoie à la commune de Stäfa, située sur la rive est du lac de Zurich.

C’est dans cette commune paisible que réside Kurt Zollinger. L’animateur du Comité pour le sauvetage de la place industriel­le suisse, c’est lui, nous confirme le président de la section locale de l’UDC, Lukas Bubb. Lequel précise que son parti n’est pas affilié «directemen­t» à ce comité, même si certaines personnes sont membres des deux. C’est justement le cas de Kurt Zollinger. Par le passé, cet ingénieur à la retraite a d’ailleurs présidé l’UDC de Stäfa, tout comme une associatio­n de «retraités actifs», qui se déploie en Suisse alémanique.

En 2016, ce comité avait déjà fait parler de lui sur le même mode opératoire, dans le contexte du vote sur l’initiative dite de «mise en oeuvre» («Pour le renvoi effectif des étrangers criminels»), également soutenue par l’UDC. Dans son blog hébergé par Le Temps, l’historien genevois Michel Porret citait le comité, pointant des arguments qui ramenaient le droit pénal au régime «arbitraire qui a prévalu en Europe continenta­le de la fin du Moyen Age à la Révolution».

Sollicité, Kurt Zollinger n’a pas répondu à nos appels. Nous aurions souhaité savoir qui d’autre que le septuagéna­ire compose ce comité et si son tout-ménage a effectivem­ent été distribué dans toute la Suisse. Sans parler de son financemen­t, puisqu’une telle opération de communicat­ion s’avère fort coûteuse. Nous n’aurons que les «meilleures salutation­s» adressées au bas de cette ode au CO2, «principal facteur de croissance de toutes les plantes». Evitons de polluer le débat avec tous ces faits que les médias passent «sous silence».

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland