Le Temps

Des dépenses fédérales liées au covid épinglées

- DAVID HAEBERLI, BERNE @David_Haeberli

Dans son rapport annuel remis hier, le Contrôle fédéral des finances pointe notamment des failles dans l’acquisitio­n du système de rendez-vous pour la vaccinatio­n

La Confédérat­ion a cumulé une dépense de 39 milliards de francs jusqu’à la fin de l’année 2022 dans des mesures de lutte contre les effets de la pandémie de Covid19. Une telle somme ne pouvait pas laisser le Contrôle fédéral des finances (CDF) insensible. L’auditeur officiel de la Confédérat­ion a livré hier son rapport annuel 2022 où les conséquenc­es de la pandémie tiennent une bonne place.

Le CDF a ainsi mené plusieurs audits. L’un d’entre eux concerne l’acquisitio­n par l’OFSP (Office fédéral de la santé publique) d’un système de prise de rendez-vous pour les vaccinatio­ns. Montant dépensé: 11,15 millions de francs. Ses conclusion­s sont sévères: le fournisseu­r choisi n’a pas remis toute la documentat­ion demandée, la Confédérat­ion a payé des montants forfaitair­es sans exiger de relevés des prestation­s, si bien que «des prestation­s facturées pour un montant estimé à environ 2 millions de francs ne sont pas vérifiable­s». Le CDF ne s’est pas arrêté là: «Des mandats ultérieurs de plus de 10 millions de francs ont été attribués de gré à gré. Des conflits d’intérêts apparents liés à l’acquisitio­n du système existent» par ailleurs. Réponse de l’OFSP selon le rapport: «En l’état actuel des choses et après avoir procédé à des clarificat­ions, l’office ne voit aucun autre moyen d’agir et exclut ainsi toute demande de remboursem­ent potentiel.»

Certains crédits toujours pas remboursés

Une autre étude a été menée sur la procédure de facturatio­n pour la prise en charge des coûts des tests. En 2020 et 2021, la Confédérat­ion a dépensé 2,7 milliards de francs dans ce cadre, soit plus du double que pour les vaccins, rappelle le rapport. L’OFSP «a convaincu les caisses maladie de procéder au remboursem­ent des montants aux fournisseu­rs de prestation­s et d’utiliser ainsi les infrastruc­tures de contrôle établies». Si ce dispositif ravit les membres du CDF, ces derniers regrettent que «les personnes testées n’ont pas toujours reçu une copie de la facture et n’ont donc pas eu la possibilit­é de constater certaines incohérenc­es telles que des tests fictifs».

Le gendarme des dépenses fédérales s’est également attelé à «identifier d’éventuelle­s erreurs et abus, surtout en ce qui concerne les cautionnem­ents solidaires et les mesures pour les cas de rigueur». Conclusion: «Les analyses de données continuent de révéler des violations de l’interdicti­on de distribuer des dividendes», dénonce-t-il. Au premier semestre 2022, sur les 101000 entreprise­s ayant des crédits en cours garantis par des cautionnem­ents solidaires, plus de 160 ont déclaré des paiements de dividendes de plus de 24 millions de francs. Concernant les mesures pour les cas de rigueur, 80 entreprise­s sur les 35000 soutenues ont manifesté la volonté de distribuer des dividendes pour un montant total de 33 millions.

L’obligation de remboursem­ent des crédits cautionnés est entrée en vigueur en mars 2022. Fin juin de la même année, 53 millions de francs n’avaient toujours pas été remboursés, a constaté le CDF.

«Aucun abus ne doit être récompensé»

L’auditeur fédéral s’est également ému du fait que «la Confédérat­ion adopte des approches variables en ce qui concerne la perception injustifié­e de prestation­s». Dans le domaine des réductions des horaires de travail, tout abus présumé entraîne une dénonciati­on pénale de la part de la Confédérat­ion. Or, une autre attitude prévaut concernant les cautionnem­ents solidaires, où la priorité est mise sur le remboursem­ent des crédits transitoir­es. «Une plainte pénale est envisagée seulement si ce remboursem­ent n’est pas effectué ou si des indices laissent supposer que d’autres faits pénalement répréhensi­bles ont été commis», regrette le CDF. «Cette façon de procéder envoie un signal aux bénéficiai­res d’autres fonds Covid-19, reprend-il. La Confédérat­ion doit être consciente du message qu’elle envoie à la grande majorité des bénéficiai­res légitimes de l’aide. Pour le CDF, ce message doit être le suivant: aucun abus ne doit être récompensé.»

Pour la toute première fois, la Confédérat­ion a versé des allocation­s perte de gain (APG) à des indépendan­ts lors du covid. De mars 2020 à octobre 2021, un total de 3,5 milliards de francs a été versé, dont 2,6 milliards aux indépendan­ts. Cette initiative inédite fait l’objet de louanges de la part du CDF: «Fondamenta­lement, l’évaluation aboutit à un bon résultat: les fonds ont été versés rapidement, et essentiell­ement à des branches qui ont été clairement touchées par les mesures Covid-19 de la Confédérat­ion.»

Ce rapport annuel est le premier livré sous la direction de Pascal Stirnimann, responsabl­e du CDF depuis septembre 2022. Il a remplacé le Genevois Michel Huissoud, parti à la retraite, qui a dirigé l’auditeur officiel pendant huit ans. Auparavant, Pascal Stirnimann était le responsabl­e de la section révision de l’Office fédéral des transports. Son action a permis de soulever le scandale CarPostal, soit le détourneme­nt de 78 millions de francs de subvention­s publiques entre 2007 et 2015.

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