Le Temps

La venue de députés taïwanais divise

Des députés craignent que l’invitation d’une délégation de Taïwan au parlement cantonal ne provoque des réactions des autorités de Pékin

- CÉLINE ZÜND @celinezund

Dans le hall d’entrée de pierre et de béton, ils photograph­ient les imposants escaliers qui mènent à la salle des débats. Mardi, jour de séance au Grand Conseil vaudois, des députés taïwanais en visite en Suisse se promenaien­t dans l’hémicycle du parlement cantonal, à l’invitation de la présidente verte Séverine Evéquoz, tandis que les débats suivaient leurs cours à l’étage.

Mais l’architectu­re du siège du pouvoir législatif vaudois n’est pas l’objectif premier de la venue de ces élus taïwanais sur les bords du Léman. Arrivés en fin de semaine dernière à Genève, ils font partie d’une délégation dépêchée à l’occasion de l’Assemblée mondiale de la santé (AMS), qui s’est ouverte dimanche dernier. Taipei ne peut pas y siéger mais tient à être représenté, même en marge, pour continuer de plaider pour son retour au sein de cet organe.

«On risque d’être instrument­alisés»

«Les députés sont venus pour donner du poids à notre exécutif dans ses efforts pour participer à l’Assemblée mondiale de la santé», explique un membre de la représenta­tion taïwanaise à Berne, qui souhaite garder l’anonymat.

Ils profitent du voyage pour rencontrer des députés locaux. Après Genève et Lausanne, deux d’entre eux se rendront ce mercredi à Berne, où ils échangeron­t avec des conseiller­s nationaux, à l’invitation du groupe d’amitié parlementa­ire Suisse-Taïwan. «Sans but précis, si ce n’est de renforcer les échanges entre élus», ajoute le représenta­nt de Taipei à Berne.

«C’est une invitation personnell­e de ma part sans portée politique, comme j’en fais régulièrem­ent en tant que présidente du Grand Conseil. J’ai à coeur de montrer notre bâtiment et notre travail», explique de son côté Séverine Evéquoz.

Dans les couloirs du parlement vaudois toutefois, cette visite de courtoisie suscite des interrogat­ions. «Nous sommes surpris. On connaît la susceptibi­lité de la Chine sur le sujet» se demande ainsi Yvan Pahud, président du groupe UDC. Marc Vuilleumie­r estime lui aussi que cette invitation n’est «pas très heureuse» dans le contexte actuel. «On risque d’être instrument­alisés dans un dossier qui dépasse largement les enjeux cantonaux. Ce type de rencontres doivent se faire à des niveaux politiques similaires», ajoute le député POP.

«Nous sommes surpris. On connaît la susceptibi­lité de la Chine sur le sujet» YVAN PAHUD, DÉPUTÉ UDC

Car cette visite intervient dans un climat sensible. En février dernier, la présidente Tsai Ing-wen recevait cinq députés suisses à Taïwan, provoquant des protestati­ons de la part de Pékin. Début mai, l’ambassade de Chine en Suisse avait vivement réagi, suite à l’adoption d’une motion au Conseil national appelant à renforcer les relations entre la Chambre basse et le parlement de Taïwan.

Pour Nicolas Walder, conseiller national vert genevois et membre du groupe d’amitié parlementa­ire Suisse-Taïwan, ces rencontres en marge de l’AMS à Genève s’inscrivent aussi dans cette volonté de rapprochem­ent: «Nous avons décidé d’intensifie­r les échanges du Conseil national avec le parlement taïwanais. Nous devons désormais réfléchir à la forme que prendra cette collaborat­ion. Et si la Chine réagit, nous lui rappellero­ns que dans notre démocratie, les parlements sont indépendan­ts et les cantons sont autonomes.»

Le DFAE, qui était informé de la venue d’une délégation taïwanaise au Grand Conseil vaudois, indique de son côté que «ce type de visite est conduit de manière indépendan­te par les autorités cantonales».

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