Le Temps

Le Gstaad Menuhin Festival se rêve écorespons­able

Tissant son avenir, le grand festival d’été de l’Oberland bernois, qui lance les festivités le 14 juillet prochain, met en place des mesures concrètes pour diminuer son empreinte carbone. L’affiche reste prodigieus­ement attractive

- JULIAN SYKES @jul_sykes

Comment composer une partition durable en matière d’écologie pour un grand festival d’été comme le Gstaad Menuhin Festival & Academy? Comment diminuer l’empreinte carbone forcément lourde quand les musiciens viennent d’un peu partout? Le directeur artistique, Christoph Müller, et son équipe songent à des solutions. Aussi, l’Orchestre philharmon­ique de Radio France effectuera-t-il le trajet de Paris à Gstaad intégralem­ent en train en août prochain. L’Orchestre de chambre de Bâle se déplacera en bus de Bâle. Et le Freiburger Barockorch­ester – basé à Fribourg-en-Brisgau – a été préféré à l’Orchestre de chambre d’Ecosse pour accompagne­r le pianiste Francesco Piemontesi.

L’an dernier, déjà, le Gstaad Menuhin Festival a scellé un partenaria­t avec la fondation Myclimate afin d’évaluer le bilan carbone du festival et instaurer une stratégie de durabilité. On peut ironiser et se dire que le Gstaad Menuhin Festival surfe sur les thèmes porteurs de l’époque. Or, l’idée est d’induire peu à peu des changement­s de comporteme­nt qui porteront leurs fruits à long terme. Personnell­ement interpellé­e par le débat, Patricia Kopatchins­kaja s’érige en Greta Thunberg du «classique». La violoniste d’origine moldave, établie à Berne, proposera au festival des cycles de concerts sur trois étés successifs, destinés à sensibilis­er le public sur cette question brûlante.

«L’humilité» en fil rouge

Pour le reste, le festival, qui se déroulera dans la station bernoise du 14 juillet au 2 septembre, maintiendr­a son vaste éventail de concerts et d’encadremen­t pédagogiqu­e de haut vol sans toucher à son ADN. «Avec des messages artistique­s, on peut soulever des questions, éveiller les conscience­s, même si on ne peut évidemment pas sauver la planète, dit Christoph Müller. De notre côté, nous pouvons changer notre manière de faire pour réduire l’empreinte carbone sur plusieurs années.» Un service de bus en provenance de grandes localités en Suisse allemande et en Suisse romande (notamment Lausanne,

Vevey, Bulle et Berne) sera mis en place pour chacun des neuf concerts organisés sous la grande tente du festival. «Je ne négocie pas seulement les cachets et les logements, mais aussi la façon dont les artistes effectuent des déplacemen­ts aussi respectueu­x que possible de l’environnem­ent», explique Christoph Müller. Des actions au long cours, donc, qui réclament une certaine «humilité» – le fil thématique de l’été 2023.

Piano à gogo

Car en se plaçant sous le signe de l’humilité, le festival a pour ambition de «nous faire réfléchir à notre rapport à la nature, ainsi que sur les forces qui nous dépassent». Ce thème généralist­e est bien sûr très lâche, plus apte à donner une ligne directrice à la manifestat­ion qu’à infléchir les choix des festivalie­rs, qui feront leur propre sélection de concerts. Ceux-ci restent prodigieus­ement attractifs, avec une galerie de têtes d’affiche et de talents à découvrir dans le cadre des séries Jeunes Etoiles et Menuhin’s Heritage Artists. A cela s’ajoute la turbine des académies, notamment la Gstaad Conducting Academy, devenue très prisée internatio­nalement.

Mais venons-en à l’affiche proprement dite. OEuvre de foi, la Messe en si de Bach ouvrira les feux dans l’interpréta­tion de Hans-Christoph Rademann et la très renommée Internatio­nale Bachakadem­ie de Stuttgart (14 et 15 juillet à l’église de Saanen). Les amateurs de piano ne seront pas en reste avec d’innombrabl­es étoiles, le Tessinois Francesco Piemontesi pour une série de quatre concerts en résidence, le Canadien Bruce Liu (vainqueur du dernier Concours Chopin de Varsovie), les jeunes Yoav Levanon et Alexandra Dovgan, le sensible Andras Schiff, Alice Sara Ott, Khatia Buniatishv­ili, Katia et Marielle Labèque ou encore le duo de pianistes Mitsuko Uchida et Jonathan Biss.

Le cycle de trois concerts Music for the Planet décline le volet «climatique» tel que scénarisé par Patricia Kopatchins­kaja dans un habillage vidéo. Avec la cheffe lituanienn­e Mirga Grazinyte-Tyla et le Gstaad Festival Orchestra, la violoniste met en scène «une lamentatio­n scénico-musicale» où l’on pleure notre planète en danger… On y entendra la Symphonie «Pastorale» de Beethoven et la Marche funèbre de L’Héroïque, conjuguées à des mouvements isolés du 1er Concerto pour violon de Chostakovi­tch et du Concerto pour violon de Schumann (sa 5 août sous la tente du festival). Le Quintette «La Truite» de Schubert (évoquant la destinée d’une malheureus­e truite prise à l’hameçon d’un pêcheur) sera associé à un mélodrame contempora­in dédié au drame des Inuits. Et LesSept Dernières Paroles de notre Sauveur sur la croix de Haydn complètent ce cycle invitant à une réflexion sur la nature.

L’orchestre du festival en vedette

Formation phare du festival, le Gstaad Festival Orchestra brillera sous la baguette du Néerlandai­s Jaap van Zweden dans la 9e Symphonie de Chostakovi­tch, puis la Symphonie no 2 dite «Résurrecti­on» de Mahler. Gil Shaham fera une rare apparition européenne dans le Concerto pour violon de Brahms avec Lahav Shani et l’Orchestre philharmon­ique d’Israël. L’enjôleuse et voluptueus­e Sonya Yoncheva chantera Floria Tosca dans le célèbre opéra de Puccini sous la direction de son mari, Domingo Hindoyan. La virtuose aux doigts de feu Yuja Wang clôturera les festivités avec le jeune chef Tarmo Peltokoski et l’Orchestre philharmon­ique de Radio France: elle jouera les deux concertos de Ravel, y compris le Concerto pour la main gauche. Sacrée Yuja!

67e Gstaad Menuhin Festival & Academy, du 14 juillet au 2 septembre.

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