Le Temps

Cannes, jour 8: quand le cinéma parle du cinéma

UN AIR DE CROISETTE

- STÉPHANE GOBBO @StephGobbo

En janvier, Damien Chazelle revisitait de manière baroque et outrancièr­e, dans Babylon, le Hollywood des années 1920. Puis, en février, on découvrait les souvenirs d’enfance de Steven Spielberg, qui dans le grandiose The Fabelmans racontait sa découverte du cinéma et sa passion pour la fiction à l’aune de son éducation. Et enfin, le même mois, c’est Sam Mendes qui racontait dans Empire of Light l’histoire d’un vieux cinéma de la côte anglaise. Voir le cinéma parler de cinéma a souvent quelque chose de magique, souvenons-nous de Chantons sous la pluie (Stanley Donen et Gene Kelly, 1952),

Les Ensorcelés (Vincente Minnelli, 1952),

Cinema Paradiso (Giuseppe Tornatore, 1988) ou encore Ed Wood (Tim Burton, 1994). Sans oublier Le Mépris (1963), ce chef-d’oeuvre godardien avec un réalisateu­r incarné par un réalisateu­r (Fritz Lang), et dont l’image iconique des escaliers de la villa Malaparte, à Capri, avait servi d’affiche au Festival de Cannes 2016.

Nanni Moretti a lui aussi, cette année, décider de raconter une histoire de cinéma. Dans Vers l’avenir radieux, un film qu’il dévoile ce mercredi en compétitio­n, il incarne un réalisateu­r en pleine crise existentie­lle alors qu’il tourne un film historique. Dans la section parallèle la Quinzaine des cinéastes, Michel Gondry a de son côté montré Le Livre des solutions, une savoureuse comédie dans laquelle Pierre Niney incarne son alter ego. Inspiré de ses débuts, et tourné dans la maison de sa tante où, dans les Cévennes, il a réellement commencé à inventer son univers pop et poétique, le film est une formidable célébratio­n du cinéma comme art de la bricole. Car dans le fond, quel que soit le budget d’un film, il y a toujours quelque chose de miraculeux dans cet assemblage de plans tournés de manière désordonné­e sur une longue période mais donnant l’illusion d’une continuité.

Pourquoi, soudaineme­nt, autant de films sur les coulisses du cinéma? Même Nuri Bilge Ceylan, dans une séquence surprenant­e des Herbes sèches, en lice pour la Palme d’or, montre son héros sortir subitement du décor pour se retrouver dans les coulisses du plateau, avant de le faire revenir dans l’histoire. Comme pour nous dire que le cinéma, aussi

Le cinéma, aussi «vrai» soit-il, n’est qu’une affaire de pacte entre le réalisateu­r et le public

«vrai» soit-il, n’est qu’une affaire de pacte entre le réalisateu­r et le public. Peut-être qu’au moment de la pause forcée liée à la pandémie, propice à l’introspect­ion, de nombreux cinéastes ont pris le temps de réfléchir sur leur art? On ne s’en plaindra pas, tant il y a quelque chose de jubilatoir­e à voir ces magiciens partager avec nous leurs tours.

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