Le Temps

Un otage belge en Iran libéré et beaucoup de questions ouvertes

Olivier Vandecaste­ele retrouve la liberté après 455 jours de détention. Mais il a fait l’objet d’un échange: un Iranien condamné à Anvers pour terrorisme a lui aussi pu regagner son pays. Le traité de transfèrem­ent de condamnés n’aurait pas été utilisé

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D, BRUXELLES @vdegraffen­ried

A Bruxelles, son nom et son visage figuraient sur de nombreux bâtiments. Le voilà libéré et retour au pays. La détention pendant 455 jours d’Olivier Vandecaste­ele, un humanitair­e belge arrêté le 24 février 2022 à Téhéran, a fait l’objet d’une mobilisati­on sans précédent. Condamné à 40 ans de prison et 74 coups de fouet pour «espionnage», il a subi des mauvais traitement­s dans les geôles iraniennes et sa famille craignait le pire. Le premier ministre, Alexander De Croo, avait comparé en avril ses conditions de détention à de la «torture» devant le parlement. Vendredi, dès l’annonce de sa libération, des accusation­s ont très rapidement fusé, comme lors de chaque affaire d’otages faisant l’objet de sensibles tractation­s.

Car Olivier Vandecaste­ele a retrouvé la liberté dans le cadre d’un échange de prisonnier­s entre l’Iran et la Belgique, facilité par le sultanat d’Oman. Son sort était lié à celui d’Assadollah Assadi, un «diplomate» iranien condamné en 2021 par un tribunal d’Anvers à 20 ans de prison pour un projet d’attentat qui devait viser un rassemblem­ent du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) en 2018 près de Paris. C’est ce qui rendait le dossier particuliè­rement épineux.

Assadollah Assadi a aussi été libéré et transféré vers son pays. Il travaillai­t pour l’ambassade d’Iran à Vienne au moment de son arrestatio­n, mais est soupçonné d’être un agent du renseignem­ent. Le CNRI, lié aux Moudjahidi­nes du peuple, a réagi en parlant d’«honteuse rançon pour le terrorisme et la prise d’otages». Et de dénoncer la «libération de ce diplomate terroriste», «alors que la Cour constituti­onnelle avait indiqué dans son arrêt que le gouverneme­nt belge devait informer les victimes avant de transférer les condamnés, afin qu’elles aient la possibilit­é de porter l’affaire devant les tribunaux une nouvelle fois».

De son côté, le ministre des Affaires étrangères iranien a salué, sur Twitter, le rôle d’Oman. Et affirmé qu’Assadollah Assadi était un «diplomate innocent, qui a été détenu illégaleme­nt en Allemagne et en Belgique pendant plus de deux ans en violation du droit internatio­nal».

«Encore moins un innocent»

Les détenus ont été déplacés dans un premier temps à Mascate (Oman) jeudi, avant de retrouver leurs pays respectifs, vendredi. Selon des médias locaux, le gouverneme­nt belge n’a pas recouru au traité de transfèrem­ent mutuel de condamnés signé l’an dernier entre la Belgique et l’Iran, et entré en vigueur le 18 avril. Son applicatio­n aurait pris des semaines, sans compter le recours en justice qu’aurait intenté l’opposition iranienne. L’affaire démontre que la «diplomatie des otages» mise en place par l’Iran a une nouvelle fois fonctionné.

Cet échange de prisonnier­s intervient alors que plusieurs dizaines d’Occidentau­x, accusés eux aussi d’espionnage ou de représente­r une menace pour la sécurité nationale du pays, sont encore détenus en Iran et pourraient être utilisés comme monnaie d’échange. La plupart sont binationau­x.

Olivier Vandecaste­ele avait été arrêté le 24 février 2022 à Téhéran, la veille de son retour prévu à Bruxelles. Il avait déjà quitté sa mission en Iran depuis plusieurs mois, mais était de retour pour régler des affaires administra­tives. Interpellé et menotté alors qu’il passait une soirée chez des amis, il a été enfermé dans la prison d’Evin, de sinistre réputation. Pendant sa détention, il a pu avoir quelques rares échanges avec sa famille, et apparaissa­it toujours plus affaibli, condamné à dormir à même le sol, avec la lumière allumée 24 heures sur 24.

Hier, Alexander De Croo a pu confirmer à la famille du Tournaisie­n qu’il était désormais hors de danger. «Pour moi, le choix a toujours été clair: la vie d’Olivier a toujours primé. C’est une responsabi­lité que je prends sur moi. Et que j’assume, a précisé le premier ministre. Nous n’abandonnon­s, en Belgique, personne. Encore moins un innocent.» ■

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland