La Chine a-t-elle déjà pris l’ascendant militaire sur les Etats-Unis?
Attention, nous sommes dans le domaine de la guerre psychologique. Elle accompagne une militarisation spectaculaire de l’ouest du Pacifique qui met aux prises la Chine, ses voisins et les EtatsUnis. Il y a quelques jours, une revue scientifique chinoise (Journal of Test and Measurement Technology) publiait les résultats d’une simulation de conflit («war game») concluant à la vulnérabilité des porte-avions américains de dernière génération. Selon les chercheurs de l’armée chinoise, le porte-avions Gerald R. Ford, réputé invincible, serait «détruit avec certitude» par une salve de 24 missiles hypersoniques. Dans le scénario chinois, celui-ci refusait d’obtempérer aux mises en garde à l’approche d’une île revendiquée par Pékin en mer de Chine du Sud. Le fleuron de la flotte américaine – et les cinq navires qui l’accompagnent, dont un destroyer – est alors coulé par des armes tirées pour certaines depuis le désert de Gobi…
Les résultats de cette simulation ont été relatés cette semaine dans un article détaillé du South China Morning Post, principal journal anglophone de Hongkong désormais sous le contrôle de Pékin. C’est inhabituel. Tout comme l’annonce quelques jours plus tôt, dans le même média, que les missiles DF-27 – Vent d’Orient – étaient en service depuis plusieurs années déjà. Le DF-27, un missile hypersonique «tueur de porteavions», peut atteindre Hawaï (autrement dit Pearl Harbor) et transpercer les systèmes de défense américains, selon le Pentagone. Les Etats-Unis développent une arme semblable. Mais, de leur aveu même, ils auraient plusieurs années de retard. Faut-il parler d’un «moment Spoutnik», comme l’a évoqué il y a peu un responsable militaire américain en référence au lancement du premier satellite, au début de la guerre froide, attestant d’une supériorité technologique soviétique?
En 2019, un chroniqueur du New York Times révélait que les 18 dernières simulations d’un conflit à Taïwan entre Pékin et Washington s’étaient soldées par 18 défaites américaines. En début d’année, le think tank américain Center for Strategic and International Studies (CSIS), sur la base d’une simulation de conflit en 2026, concluait que les EtatsUnis l’emporteraient avec l’appui du Japon. Il s’agirait toutefois d’une victoire à la Pyrrhus, l’armée et les infrastructures de Taïwan étant détruites. Tous ces «jeux» – basé sur des logiciels et algorithmes brassant quantité de données – sont purement théoriques. Leurs résultats sont questionnés par de nombreux experts, mais pas leur pertinence. Car il s’agit autant d’évaluer les forces en présence que de faire passer des messages aux politiques.
Alors pourquoi la Chine, dont la stratégie – plus qu’ailleurs – est fondée sur la dissimulation de ses forces réelles, décide-t-elle de communiquer aujourd’hui? Est-ce un signal de force ou l’aveu d’une crainte? Face à la montée en puissance de son armée, à l’affirmation de ses prétentions territoriale et à ses menaces d’une conquête de Taïwan, ses voisins révisent un à un leur doctrine de défense. Alors que Washington parle de sursaut contre une puissance déstabilisatrice, Pékin évoque une politique d’encerclement comme en aurait été victime la Russie avec l’OTAN. Les EtatsUnis sont à la manoeuvre, multipliant les accords de sécurité. Les auteurs du «jeu de guerre» chinois justifient la publication de leur étude par souci d’une «plus grande transparence» afin d’éviter les «malentendus», les «faux calculs» et de réduire ainsi les risques de conflit. Il s’agit enfin «d’établir la confiance avec les pays de la région». En démontrant que leur allié américain est faillible? Cela peut aussi passer pour de la dissuasion: rangez-vous du bon côté. Cela s’inscrit dans tous les cas dans une course aux armements qui menace la paix de la région. ■