Le créateur de ChatGPT menace de quitter l’Europe… puis se ravise
INFLUENCE Directeur d’OpenAI, Sam Altman poursuit une tournée mondiale. Il a effectué un lobbying intense pour que la régulation européenne soit la plus légère possible
Une audition devant les sénateurs américains, puis des rendez-vous avec les dirigeants, espagnols, polonais, français ou encore britanniques… C’est une tournée mondiale, qui l’a aussi emmenée au Nigeria et au Japon, que poursuit actuellement Sam Altman. Le directeur d’OpenAI, start-up qui édite le célèbre agent conversationnel ChatGPT, a lancé une vaste opération de séduction, avec un seul objectif: faire en sorte que les régulations à venir soient aussi douces que possible pour sa société.
Avec des menaces à la clé. Ainsi, mercredi, lors d’une séance publique organisée dans une université à Londres, Sam Altman a fait référence à la future réglementation européenne sur l’intelligence artificielle (IA), en cours d’élaboration. Et notamment aux dispositions prévues concernant l’IA, jugée à haut risque. «Nous serons capables de répondre à ces exigences, ou pas. Si nous pouvons nous y conformer, nous le ferons, et si nous ne le pouvons pas, nous cesserons nos activités… Il y a des limites techniques à ce qui est possible.»
Ces propos ont été largement perçus comme du chantage par de nombreux observateurs: soit l’Union européenne (UE) ne se montre pas trop exigeante envers des services comme ChatGPT, qui resteront alors disponibles, soit elle se montre trop ferme, et OpenAI cessera de les fournir aux Européens. Cette déclaration a fait bondir le commissaire européen Thierry Breton, très engagé dans le processus régulatoire. «Il ne sert à rien de tenter de faire du chantage en clamant qu’en élaborant un cadre clair, l’Europe retarde le déploiement de l’IA générative, a-t-il écrit sur Twitter. Au contraire! Avec le «Pacte IA» [qui doit précéder un règlement européen sur l’IA], nous visons à aider les entreprises dans leur préparation.» Il a accompagné son message d’une image portant les mots «est-ce une menace?».
Thierry Breton faisait notamment référence à l’annonce, faite mercredi, de la volonté de créer un pacte sur l’IA qui entrerait en vigueur avant la réglementation européenne. Un tel pacte aurait les faveurs de Google, dont le directeur, Sundar Pichai, venait justement de rencontrer le commissaire européen. Pour l’heure, ni OpenAI, ni son principal investisseur, Microsoft, n’ont annoncé leur intention de participer à ce pacte, dont les contours sont encore extrêmement flous.
Le chaud et le froid
Vendredi, semblant répondre à Thierry Breton, Sam Altman écrivait, toujours sur Twitter: «Semaine très productive de conversations en Europe sur la meilleure façon de réguler l’IA! Nous sommes ravis de continuer à opérer ici et n’avons bien sûr pas l’intention de partir.» Une manière très claire de souffler le chaud et le froid pour le directeur d’OpenAi et d’exercer une pression considérable sur les dirigeants européens. Plus tôt dans la semaine, le directeur d’OpenAI a plaidé pour une future réglementation «entre l’approche européenne traditionnelle et l’approche américaine traditionnelle». Tout en se gardant de préciser que l’approche américaine s’est jusqu’à présent caractérisée par du laisser-faire.
Rappelons que Google, de son côté, n’a pas encore permis aux Européens de tester son agent conversationnel Bard. Sans doute, estiment de nombreux experts, parce que la société veut ainsi faire pression sur l’UE en faisant comprendre à ses dirigeants que ses règlements sur les données, même actuels, vont déjà trop loin. ■