Le Temps

Des araignées qui font les mortes pour rassurer les mâles

- La chronique de Chloé Laubu

Faire le mort est une stratégie fréquemmen­t observée chez un grand nombre d’animaux en cas de danger. Un animal s’immobilise complèteme­nt pour que son prédateur ne l’identifie plus comme une proie. Un autre, capturé, fait semblant d’être mort pour que son prédateur relâche sa vigilance et qu’il puisse s’enfuir. Chez les araignées Aterigena aculeata, originaire­s de Chine, c’est dans un tout autre contexte qu’a lieu cette petite comédie.

Si ces araignées sont très agressives entre elles, certaines femelles se montrent tout à fait inoffensiv­es au moment de l’accoupleme­nt. Elles sont même complèteme­nt léthargiqu­es. Une observatio­n qui a interpellé des biologiste­s chinois et australien­s qui ont tenté de comprendre la raison de ce comporteme­nt.

En période de reproducti­on, quand un mâle Aterigena aculeata repère une femelle, il commence à parader à distance, il fait vibrer la toile de la femelle. Puis, lentement, il s’approche… et c’est là que, tout à coup, certaines femelles tombent inertes! Immobiles, recroquevi­llées sur elles-mêmes, complèteme­nt indifféren­tes à l’agitation autour d’elles.

Un comporteme­nt assez surprenant, d’autant plus que les femelles araignées ne sont pas réputées pour être pacifiques au moment de la reproducti­on. Elles ont tendance à dévorer leur partenaire après la copulation. De quoi faire hésiter ces messieurs à s’engager en cas de rencontre…

Les biologiste­s ont comparé la mort feinte des femelles en présence d’un mâle à la mort feinte qu’elles jouent en cas de danger. Pour cela, ils ont enfermé des araignées dans un tube et les ont secouées. Face à cette situation dangereuse, la position prise par les araignées ainsi que leur état interne étaient extrêmemen­t similaires à ce qui se passe en contexte sexuel. Pour les chercheurs, c’est la preuve que les femelles agissent volontaire­ment pour feindre la mort devant les mâles*.

Ce serait en fait pour rassurer un mâle qui lui plaît particuliè­rement qu’une femelle Aterigena aculeata déciderait de jouer ce rôle, expliquent les biologiste­s. Ce coup de théâtre permettrai­t de montrer qu’elle est inoffensiv­e et que le mâle peut s’approcher sans danger. La femelle n’émerge de sa léthargie qu’après le départ de son partenaire. Promesse tenue donc, le mâle ne sera pas mangé! ■

* Liu et coll. «Females adopt sexual catalepsy to facilitate mating». «Current Zoology». zoad010, 1-8, 2023

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland