Migros est-il en train de faire sa révolution?
La réforme de la gouvernance du numéro un suisse du commerce de détail est un vieux serpent de mer. Le géant orange souffre encore d'une structure compliquée avec de nombreux doublons. Face aux blocages, toutes les velléités récentes de modifier l'organisation du groupe ont jusqu'à présent échoué.
Mais les choses sont enfin en train de bouger. En décembre dernier, les administrations de la Fédération des coopératives Migros (FCM) et des dix coopératives régionales ont lancé un projet afin de simplifier l'activité des supermarchés. Il y a trois semaines, la FCM a approuvé la nouvelle organisation. Une étape supplémentaire a été franchie mercredi dernier. Les administrations des coopératives ont elles aussi donné leur feu vert.
Actuellement, chaque région a son propre service logistique, informatique, financier et marketing. Une partie des achats passe par la FCM et une autre par les régions. Un véritable casse-tête. Dès l'an prochain, l'activité des supermarchés sera exploitée au moyen d'une société autonome. Cette nouvelle filiale, qui centralisera les achats, sera dotée d'un conseil d'administration et d'une direction spécifiques. Seuls le développement des marchés régionaux, la distribution opérationnelle et le réseau de points de vente resteront sous la responsabilité des coopératives régionales.
Sur les traces de Coop?
Celles-ci ne peuvent plus se permettre de faire cavalier seul. L'activité principale des supermarchés est en perte de vitesse depuis plusieurs années. Les ventes en Suisse ont reculé l'an dernier de 3,1% à 12,3 milliards de francs. La normalisation de la demande après les années de covid ne suffit pas à elle seule à expliquer ce recul. Toutes les coopératives ont vu leurs ventes diminuer, certaines de manière sensible, à l'image du Tessin, dont le chiffre d'affaires a chuté de 11%.
Des difficultés qui se reflètent également sur la rentabilité. Le bénéfice d'exploitation des dix coopératives a baissé en l'espace de cinq ans de 23%, soulignait fin mars le patron de la FCM, Fabrice Zumbrunnen, qui a entre-temps quitté ses fonctions. Le Neuchâtelois avait annoncé l'automne dernier sa démission à la surprise générale, sur fond de tensions entre la centrale et les coopératives. A l'inverse, la Banque Migros ou le domaine de la santé ont, durant la même période, amélioré leur résultat d'exploitation. Il y a donc nécessité d'agir.
Le détaillant est-il en train de suivre, avec beaucoup de retard, le chemin emprunté par son éternel rival, Coop? Le groupe bâlois a une structure nettement plus légère. Les coopératives régionales ont été supprimées il y a une vingtaine d'années. Depuis lors, la centrale peut gérer les affaires dans toute la Suisse de manière ciblée et agile. Migros n'a pas d'autre choix que d'alléger ses structures. Mais la solution choisie par Coop, soit la dissolution complète des coopératives, n'a jamais semblé, face aux résistances régionales, une option crédible pour Migros.
Des questions ouvertes
Si la transformation en cours n'est pas à proprement parler une révolution, Migros montre toutefois qu'elle n'est pas une entreprise sclérosée et qu'elle est consciente des défis à surmonter. Mais ce changement est-il véritablement utile? Certes, la centralisation des achats semble pertinente, mais la FCM va de fait créer une nouvelle société, qui viendra s'ajouter aux structures existantes. Le fonctionnement du géant orange n'en restera pas moins compliqué.
Par ailleurs, si les jalons sont posés, beaucoup de points restent à clarifier. A quoi ressemblera la nouvelle entité et qui la dirigera? Les arbitrages s'annoncent délicats et les luttes de pouvoir sont loin d'être terminées. Les «princes régionaux» n'ont pas dit leur dernier mot. Reste également à définir quelle sera la place, dans cette structure supplémentaire, de Mario Irminger, le nouveau patron de la FCM, aux commandes depuis seulement un mois. Le risque est que l'ex-directeur de la filiale Denner se trouve en quelque sorte mis à l'écart de ce qui constitue le coeur de l'activité de Migros.
Quant aux clients, peuvent-ils espérer des baisses de prix? Le géant orange semble avoir perdu ces dernières années son ADN de détaillant bon marché. La nouvelle organisation doit «permettre à la clientèle de profiter d'un rapport qualité-prix encore meilleur», affirme Migros. Le chemin est cependant encore long et incertain jusqu'à ce que cette transformation profite au porte-monnaie des consommateurs.
■