Le Temps

Mentir pour protéger ses intérêts

- BERTRAND PICCARD PRÉSIDENT DE LA FONDATION SOLAR IMPULSE

Il est devenu courant d’oser affirmer n’importe quoi pour protéger ses propres intérêts. De fake news en contestati­on d’élections présidenti­elles, il fallait bien que la protection du climat subisse le même sort. Le récent tout-ménage du «Comité pour le sauvetage de la place industriel­le suisse» résonne à ce titre comme la panique d’une minorité attachée à ses privilèges ou ses habitudes, et qui fait tout ce qu’elle peut pour conserver ses véhicules polluants et ses produits pétroliers. Comment expliquer autrement le nombre de contre-vérités qui vont jusqu’à présenter les changement­s climatique­s comme l’invention de milliardai­res américains et de scientifiq­ues corrompus?

Paradoxale­ment, j’aimerais beaucoup que ces affirmatio­ns soient vraies et que les changement­s climatique­s n’existent pas! Pourquoi? Parce qu’ils sont un fardeau dont tout le monde se passerait bien, tout comme la pollution de l’air due aux énergies fossiles qui tue 8 millions de personnes par an ou la destructio­n de la biodiversi­té. Ce serait beaucoup plus simple de pouvoir continuer à fonctionne­r comme nous l’avons toujours fait. Malheureus­ement ce n’est pas possible si nous voulons garder une bonne qualité de vie.

Alors que faire? Se replier égoïstemen­t dans le déni le plus complet, continuer à polluer sans scrupule et blâmer la science, ou chercher à concilier le maximum possible d’intérêts économique­s et écologique­s dans une politique énergétiqu­e et climatique fédératric­e? C’est ce que s’efforce de faire la nouvelle loi sur le climat et l’innovation, que je préférerai­s d’ailleurs appeler loi de modernisat­ion et d’efficience, tant elle va permettre de fournir à notre pays une énergie locale et bon marché, ainsi que des infrastruc­tures qui, en diminuant le gaspillage, diminueron­t en conséquenc­e les factures des citoyens. Même s’il n’y avait pas de changement­s climatique­s, cette loi serait logique autant qu’écologique.

Alors qui croire? Pour vous faire votre propre avis, regardez quels sont les avantages personnels recherchés par ceux qui diffusent une informatio­n. Michel Rocard avait tout compris: «Toujours privilégie­r l’hypothèse de la connerie à celle du complot. La connerie est courante, le complot demande un esprit rare.»

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