Le Temps

Suisse-UE: Berne temporise

A Bruxelles, la négociatri­ce en chef dans le dossier des relations avec l’Europe, sur le départ, n’a pas annoncé la fin des «entretiens exploratoi­res». Au contraire, il est probable qu’un délai soit prévu pour approfondi­r certains points

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D, BRUXELLES @vdegraffen­ried

Dans une thérapie de couple, on pourrait dire que le pire est derrière. La rupture du 26 mai 2021, avec l’abandon du projet d’accord-cadre, n’est pas digérée, mais presque. La confiance se reconstrui­t, sur un socle fragile. Les deux partenaire­s avancent l’un vers l’autre à petits pas – dix «rondes d’entretiens exploratoi­res» déjà, sans compter les nombreux autres contacts –, avec un nouveau défi: la perspectiv­e d’un nouveau mandat de négociatio­n. Mais comme dans une thérapie de couple, les moments d’apaisement peuvent très vite laisser place à des nuages noirs, voire à des psychodram­es. Et ce que dit l’un n’est pas forcément ce que pense l’autre. Ainsi vont les relations entre la Suisse et l’Union européenne.

«Des questions restent encore ouvertes»

LIVIA LEU, SECRÉTAIRE D’ÉTAT AUX AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Fenêtre d’opportunit­é courte

La venue ce mardi de Livia Leu à Bruxelles n’a pas vraiment permis d’en savoir plus sur la «dynamique positive» qu’elle affirme avoir insufflée aux relations Suisse-UE. Seule certitude: la secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères et négociatri­ce en chef dans le dossier Suisse-UE démissionn­aire n’a pas encore fait ses adieux officiels à son homologue de la Commission européenne, Juraj Nociar. Les entretiens exploratoi­res ne sont pas terminés.

Peut-être qu’elle reviendra à Bruxelles avant de quitter son poste fin août, peut-être pas. Aucune date n’a été fixée. «Cela peut aussi se poursuivre via vidéoconfé­rence», a-t-elle souligné devant les médias. «Des questions restent encore ouvertes. Nous devons approfondi­r certains points, notamment sur les trois nouveaux accords dans les domaines de l’électricit­é, de la santé et de la sécurité alimentair­e.» Et quid de la déclaratio­n commune écrite, qui permettrai­t de confirmer un nouvel élan? Là aussi, la réponse est vague: peutêtre qu’il y en aura une, peutêtre pas. Rien n’est programmé. Livia Leu confirme sa prudence extrême. Et ne s’engage à rien.

Pour plus de clarté, il faut se tourner vers la Commission européenne. «Nos homologues suisses ont demandé un délai supplément­aire, jusqu’à la fin du mois d’octobre, afin d’être en mesure de parvenir à une compréhens­ion commune de toutes les questions structurel­les et de conclure les discussion­s exploratoi­res. Nous respectons cette demande», fait savoir un porte-parole. En d’autres termes: Livia Leu quittera très probableme­nt son poste fin août sans avoir clôt ces entretiens exploratoi­res.

Les prochaines étapes? Le Conseil fédéral devrait esquisser les «grands axes» d’un éventuel futur mandat de négociatio­n d’ici à fin juin, en se basant sur les résultats des entretiens exploratoi­res. Mais, apparemmen­t, alors que ces entretiens se poursuiven­t en parallèle. Il ne reste donc plus que quelques semaines pour qu’un signal politique émane du Conseil fédéral avant la pause d’été.

Manque de transparen­ce

Il restera ensuite, si la volonté est toujours là, à rédiger un mandat de négociatio­n, ce qui ne se fera qu’après les élections fédérales d’octobre. Avec, à partir de là, une «fenêtre de tir» très courte: les milieux concernés doivent pouvoir être consultés et Bruxelles veut parvenir à un accord avant les élections européenne­s de juin 2024.

Le successeur de Livia Leu n’a toujours pas été nommé. Mais comme l’affirme l’eurodéputé autrichien Lukas Mandl, rapporteur sur la Suisse pour le Parlement européen, davantage que le pedigree du nouveau négociateu­r, c’est bien la volonté politique qui importe dans ce dossier. Or les relations Suisse-UE se distinguen­t par un manque de «confiance mutuelle et de transparen­ce.»

Même analyse du côté du Comité CH-UE présidé par Jean Russotto, avocat suisse établi à Bruxelles. «A ce stade le doute subsiste – sur la flexibilit­é nécessaire des deux côtés, sur la volonté claire du Conseil fédéral de s’engager, et sur le soutien que lui apporterai­t la majorité de la population», écrivait-il récemment dans nos colonnes. Mardi, Livia Leu n’a pas vraiment permis de dissiper ces doutes. ■

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