Le Temps

Orell Füssli s’essaie à l’argent semi-numérique

La librairie zurichoise, qui imprime les billets de banque suisses, cherche à élaborer une nouvelle monnaie, partiellem­ent physique. Sans convaincre un de ses principaux actionnair­es, la BNS

- FANNY SCUDERI @FannyScude­ri

Que fait un imprimeur de billets lorsque l’argent liquide disparaît petit à petit des porte-monnaie? Il en imprime d’autres! L’entreprise zurichoise Orell Füssli, 504 ans d’existence tout de même, imprime également les billets de banque suisses. Or elle planche en ce moment sur une nouvelle monnaie, qu’elle a nommée «Dual» et qu’elle aimerait voir faire le lien entre le monde physique des espèces et celui dématérial­isé de l’argent numérique, raconte la Neue Zürcher Zeitung.

Cette monnaie, destinée au grand public, pourrait être liée à la monnaie numérique de banque centrale. «Le propriétai­re d’un tel billet peut à tout moment transférer la valeur du billet sur son portefeuil­le numérique. Pour cela, le billet est dévalué, par exemple en grattant une couche protectric­e infalsifia­ble – semblable à un ticket gagnant [de type Tribolo, ndlr] – et en scannant la clé privée cachée en dessous avec un téléphone portable. Et l’argent est déjà dans le portefeuil­le numérique. En plus de cette clé privée, il existe également une clé publique sous forme de code QR», explique la NZZ.

De Luther au passeport suisse

Pour rappel, Orell Füssli est la plus ancienne société cotée en bourse du pays, elle a publié les oeuvres de Luther et Zwingli au XVIe siècle et imprime donc, depuis 1911, les billets de banque suisses. Elle le fait également pour d’autres banques centrales – leur identité reste confidenti­elle. En Suisse, elle produit également les passeports.

Mais le XXIe siècle apporte son lot de défis, comme le recul de l’utilisatio­n de l’argent liquide. La dernière enquête sur les moyens de paiement en Suisse réalisée par la Banque nationale (BNS) en 2020 l’affirmait: les règlements par carte de débit, de crédit ou en ligne gagnent du terrain. Une tendance accélérée par la pandémie de Covid-19. L’édition 2022 de l’enquête doit être présentée ce jeudi. L’émetteur de cette nouvelle monnaie serait la «Banque centrale d’Utopia», enregistré­e à la même adresse que le siège social d’Orell Füssli.

La Banque nationale n’y croit pas

Avec «Dual», «le meilleur des deux mondes doit être combiné: d’une part l’avantage des billets imprimés, comme leur toucher, leur facilité d’échange ou leur indépendan­ce vis-à-vis de l’électricit­é. D’autre part les plus des monnaies numériques, comme la possibilit­é de transferts ultra-rapides à travers le monde ou le stockage facile dans un portefeuil­le numérique», écrit la NZZ.

Les billets «Dual» ne sont pour l’heure que des prototypes. Pour sa part, la BNS se dit plutôt sceptique quant à l’avenir du projet. La banque centrale ne voit pas d’avantages par rapport au système actuel, déclare-t-elle au quotidien zurichois, estimant que les moyens de paiement sans espèces sont déjà fiables. «Une monnaie numérique de banque centrale généraleme­nt accessible, comme un soi-disant e-franc, n’apporterai­t actuelleme­nt aucun avantage supplément­aire à la Suisse», estime-t-elle. Avec cet argent d’un nouveau type, il serait également plus facile de convertir des dépôts bancaires en monnaie de banque centrale numérique qu’en billets de banque tangibles, explique la NZZ. Le risque de panique bancaire pourrait alors augmenter en cas de crise. ■

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(ORELL FÜSSLI) Un prototype du «Dual».

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