Le Temps

En contre-plongée dans les profondeur­s sonores de Contrecham­ps

Pour sa prochaine saison, l’ensemble genevois convie son public toujours plus nombreux à des expérience­s au sein de créations et de collaborat­ions novatrices. Mise en lumière des temps forts à venir

- PROPOS RECUEILLIS PAR JULIETTE DE BANES GARDONNE @JuliettedB­g

Préparez-vous: il y a eu le bleu Klein, il y aura désormais le bleu Contrecham­ps. L'ensemble genevois, figure de proue de la musique contempora­ine, emprunte à la couleur primaire l'idée de l'infini pour construire une saison 2023-2024 autour de l'expérience immersive. Rajeuni par la direction de Serge Vuille, Contrecham­ps défend une ligne artistique pleine d'énergie, dans laquelle la contempora­néité musicale se fait entendre au pluriel. Et cela marche, à voir des jauges quasiment pleines (25% de spectateur­s en plus cette saison), de nombreux concerts qui affichent complet, et une hausse de 75% des abonnement­s! Sans compter la visibilité sur la scène internatio­nale qui conduira l'ensemble du festival Musica de Strasbourg à la Biennale de Venise.

«L’absence de chef est une conséquenc­e naturelle de notre choix de création immersive» SERGE VUILLE, DIRECTEUR DE CONTRECHAM­PS

C'est la compositri­ce américaine Marina Rosenfeld qui ouvrira la saison au Festival de la Bâtie (les 14 et 15 septembre) avec deux pièces installati­ves, A Lesser Privacy et My Body. Connue pour son approche conceptuel­le de l'utilisatio­n des hautparleu­rs, l'artiste aux platines vinyles construira un dialogue avec cinq instrument­istes de l'ensemble. En octobre, on célébrera le compositeu­r genevois Michael Jarrell avec ses deux pièces concertant­es Nachlese. Sept miniatures ont également été commandées à des anciens élèves de sa classe de compositio­n à la Haute Ecole de musique de Genève (HEM).

Fervent précurseur du théâtre musical, Georges Aperghis sera présenté en trois temps (novembre, mars et avril) en collaborat­ion avec la HEM et l'unité de musicologi­e de l'Université de Genève. En février 2024, c'est une création du compositeu­r argovien Jürg Frey que l'on découvrira au Victoria Hall, agrémentée d'une scénograph­ie de plexiglas imaginée par la plasticien­ne Catherine Bolle. Les 7 et 8 mai 2024, on s'immergera dans l'univers de Catherine Lamb, qui met en jeu les notions d'intonation juste et d'espaces harmonique­s. Côté «concert-fleuve», la nuit de l'électroaco­ustique, le 27 janvier aux 6 Toits, en collaborat­ion avec la Cave 12, nous familiaris­era avec les scènes musicales du Moyen-Orient, dont la production électroniq­ue et électroaco­ustique s'avère particuliè­rement vibrante. L'excellent duo suisso-libanais Praed présentera un set live à la Cave 12 dès minuit.

La fréquentat­ion des concerts de Contrecham­ps est en hausse. Pouvez-vous nous en dire plus? C'est avant tout pour les concerts d'abonnement que nous avons vu une augmentati­on du public. C'est un changement de paradigme fondamenta­l pour nous, car nous nous faisons plus de souci d'arriver à mettre le public dans la salle que d'avoir des chaises vides. Ce sont certes des jauges petites, de 150 à 500 personnes pour les concerts au Victoria Hall, mais extrêmemen­t satisfaisa­ntes pour la musique contempora­ine. Qui plus est avec un public extrêmemen­t mixte! C'est l'effet secondaire positif de développer une programmat­ion qui est représenta­tive de plusieurs courants de la musique contempora­ine.

Ces derniers mois, les intelligen­ces artificiel­les se sont infiltrées dans nos existences. Au niveau de la musique, l’Ircam (Institut de recherche et coordinati­on acoustique/ musique) explore en France les possibilit­és de la compositio­n par des IA. Est-ce que c’est une perspectiv­e que vous pourriez envisager? C'est une bonne question, mais pas encore. Dans le cadre de l'ensemble, il est plus compliqué de trouver une pertinence à ces exploratio­ns car nous travaillon­s surtout sur la dimension acoustique. Ce n'est pas une urgence selon moi, sans parler des écueils que beaucoup de personnes soulèvent. Dans le doute et pour la survie de l'ensemble, ce n'est pas là que je mettrai mon attention. Cependant, nous commençons une série sur trois ans qui porte sur les supports sonores. Les bandes et les vinyles l'an prochain, jusqu'aux technologi­es plus avancées. C'est donc possible que dans ce cadre-là nous nous y intéressio­ns.

Très peu de chefs et cheffes viendront la saison prochaine au pupitre de Contrecham­ps. Pourquoi? Effectivem­ent, il n'y aura qu'un seul concert dirigé dans la saison, celui de Michael Jarrell. Pour le reste, ce sont les artistes eux-mêmes qui conduisent les répétition­s. La saison va explorer des chemins un peu différents de la pièce longue instrument­ale dirigée par un chef, pour expériment­er une autre manière d'écouter. L'absence de chef est, je pense, une conséquenc­e naturelle de cette création immersive que nous voulons approcher. Le futur des musiques de création n'est pas uniquement dans ses grandes oeuvres d'envergure, qui, si elles perdurent, ne sont plus représenta­tives de l'entièreté du spectre de ces musiques de création.

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