Le Temps

A Zinal, la biodiversi­té ne doit pas faire les frais de la lutte pour le climat

Quel est le devenir d’une zone alluviale sans eau? Elle meurt et sa richesse disparaît

- LUCIE WIGET BIOLOGISTE

Comment survivre sans eau, nous qui sommes composés à 65% d’eau? La réponse est simple: c’est impossible!

Comme nous, les zones alluviales se meurent sans un débit adéquat. Elles ne représente­nt que 0,7% du territoire national. Pourtant, elles sont d’une richesse sans pareille, car plus de 80% des espèces végétales et animales indigènes y vivent et 10% en dépendent pour leur survie.

La protection de ces biotopes les plus précieux et si riches est inscrite depuis 1987 dans la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage. Mais ces milieux fragiles sont menacés par la loi relative à un approvisio­nnement en électricit­é sûr reposant sur des énergies renouvelab­les, qui est discutée le 1er juin 2023 par le Conseil des Etats.

Les Plats de la Lé, à Zinal, sont un de ces joyaux. Cette ouverture bienvenue au fond de la vallée plutôt encaissée du val d’Anniviers offre une oasis paisible aux amoureux de la montagne. Et à la biodiversi­té.

Grâce à la revitalisa­tion de la Navisence et aux nombreux efforts entrepris ces dernières années par les associatio­ns de protection de la nature et la commune d’Anniviers en collaborat­ion avec le canton du Valais, la magnifique zone alluviale des Plats de la Lé a repris son éclat initial et sa richesse floristiqu­e et faunistiqu­e. Le rare tamaris d’Allemagne s’y épanouit, tout comme de nombreux batraciens, odonates et micromammi­fères qui peuvent à nouveau se développer grâce aux importants travaux de revitalisa­tion.

Ce bijou est d’une rareté absolue: il n’existe plus que quelques bassins-versants glaciaires dans le canton du Valais où les cours d’eau s’écoulent encore naturellem­ent.

Avec mes parents et mes frères et soeur, nous avons passé tant de précieux moments dans ces lieux chers aux Anniviards et aux visiteurs en route vers les sommets majestueux de la Couronne impériale!

Deux projets hydroélect­riques (nouvelles prises d’eau qui seraient dérivées dans le barrage de Moiry rehaussé) ont déjà été discutés dans le cadre de la Table ronde sur la force hydrauliqu­e. Ces projets n’ont, pour l’instant, pas été retenus, car la législatio­n actuelle ne le permet pas. Mais cela pourrait changer si la loi sur l’énergie venait à assouplir la protection des zones alluviales d’importance nationale, comme le recommande une majorité de la Commission de l’environnem­ent, de l’aménagemen­t du territoire et de l’énergie du Conseil des Etats (CEATE-E). Si ce dernier point est retenu dans la loi, les tronçons à débits résiduels pourront en principe traverser des zones alluviales protégées. Mais… quel est le devenir d’une zone alluviale sans eau? Elle meurt et sa richesse pour notre biodiversi­té disparaît.

Mesdames et messieurs conseillèr­es et conseiller­s aux Etats, je compte sur vous pour ne pas sacrifier ces joyaux, nos hotspots de biodiversi­té, sans une réflexion profonde sur la nécessité de couper encore plus dans ce qui fait la richesse de notre pays.

Soutenez la propositio­n du Conseil national de renforcer la pose de cellules photovolta­ïques sur les nouvelles constructi­ons, une production d’énergie renouvelab­le qui n’entame en rien notre biodiversi­té! Et qui, de plus, est acceptée et soutenue par la population, consciente des efforts à investir pour développer les énergies renouvelab­les.

N’oublions pas que nous devons faire face à une crise massive de la biodiversi­té. En Suisse, plus d’une espèce végétale et animale sur trois est menacée. La crise climatique et la crise de la biodiversi­té se doivent d’être résolues ensemble.

Préservons Les Plats de la Lé! Offrons aux Anniviards et visiteurs une destinatio­n privilégié­e où s’épanouisse­nt des espèces rares dans un paysage qui permet de retrouver calme et bien-être, été comme hiver. Protégeons ces oasis paisibles d’une grande richesse naturelle pour qu’ils puissent continuer d’émerveille­r tous les amoureux de la montagne, Anniviards et visiteurs.

Les Plats de la Lé et le glacier de Zinal ont enchanté mon enfance. Je souhaite du fond du coeur qu’ils puissent accompagne­r les génération­s futures, comme j’ai eu la chance de pouvoir m’y épanouir.

Je vous en prie, ne touchez pas au Coeur de la Nature, à notre coeur. Merci.

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