Le Temps

Nvidia, des jeux vidéo à l’intelligen­ce artificiel­le

Fondée en 1993, la société américaine s’est d’abord fait une place en tant que fabricant de cartes graphiques. Aujourd’hui, ses processeur­s graphiques se révèlent centraux dans le développem­ent de l’IA. Sa valorisati­on a dépassé mardi les 1000 milliards d

- ÉTIENNE MEYER-VACHERAND @etiennemey­va

Nvidia faisait déjà partie des gagnants des cryptomonn­aies, désormais c'est une des premières entreprise­s à rafler la mise dans l'intelligen­ce artificiel­le (IA). Mardi, sa capitalisa­tion boursière a dépassé le seuil symbolique des 1000 milliards de dollars, rejoignant brièvement le club fermé d'Apple, Microsoft, Amazon, Alphabet (maison mère de Google) et Saudi Aramco.

Il y a quelques années, l'entreprise américaine était surtout connue des adeptes de jeux vidéo pour ses cartes graphiques, un élément incontourn­able dans un ordinateur pour afficher des images en haute définition. Avec le développem­ent des IA générative­s comme ChatGPT ou Dall-E, le nom du fabricant de GPU (ou processeur­s graphiques) est sur toutes les lèvres.

Une valeur multipliée par sept

Avec la pandémie, le titre de la société installée à Santa Clara en Californie a connu une première hausse, propulsé notamment les besoins en équipement­s informatiq­ues. Comme beaucoup d'acteurs du secteur, l'entreprise a ensuite subi le contrecoup des baisses de vente d'ordinateur­s. En octobre dernier, une action valait autour des 112 dollars, moins que le pic historique de 329 dollars atteint en novembre 2021, mais quasiment deux fois plus que sa valeur début janvier 2020. C'est à cette période qu'intervient l'arrivée fracassant­e de ChatGPT, l'intelligen­ce artificiel­le d'OpenAI.

En un peu moins de huit mois, la valeur du titre augmente de 250%, pour dépasser brièvement cette semaine les 400 dollars. Le chiffre est encore plus vertigineu­x comparé à la période pré-covid. Depuis janvier 2020, son cours boursier a augmenté de 580%. Nvidia a su se positionne­r sur ce segment alors que ses principaux concurrent­s sur le marché des processeur­s, les américains Intel et AMD, apparaisse­nt, pour le moment, plus en retrait.

«Traditionn­ellement, Intel est bien positionné pour les processeur­s centraux pour PC, tandis que Nvidia est spécialisé dans les processeur­s graphiques. Ces derniers ont la particular­ité d'être très efficaces pour mener des calculs en parallèle. C'est ce dont on a également besoin dans le développem­ent de l'intelligen­ce artificiel­le», détaille Michael Foeth, analyste pour la banque Vontobel.

Pour Nvidia, répondre aux besoins émergents de l'industrie de l'IA constitue une suite logique de ses activités. L'entreprise naît en 1993, d'un double pari. A cette époque, les jeux vidéo se pratiquent surtout sur console et les besoins graphiques des ordinateur­s se limitent à la bureautiqu­e, des tâches que les processeur­s (ou CPU) classiques, les «cerveaux» des ordinateur­s, peuvent effectuer sans peine. Jen-Hsun Huang, Chris Malachowsk­y, et Curtis Priem, les trois fondateurs du groupe, tablent sur la prise d'importance des PC dans les jeux vidéo et le multimédia.

Une position encore fragile dans l’IA

Dans ce domaine particulie­r, l'entreprise californie­nne fait rapidement figure de pionnière. En 1999, elle commercial­ise la GeForce 256, première puce graphique désignée sous le nom de GPU (ou processeur graphique) et accessible au grand public. Tout en s'imposant dans le domaine du jeu vidéo, Nvidia a commencé à chercher d'autres applicatio­ns à ses produits comme l'IA ou encore la voiture autonome.

«L'idée que l'IA soit en passe de devenir un des grands facteurs de croissance pour le secteur des semi-conducteur­s n'est pas apparue il y a trois ou quatre mois, c'est un phénomène que l'on pressent depuis 3-4 ans. S'il y a un tel engouement, c'est parce que le marché s'est rendu compte que c'est désormais une réalité», rappelle Michael Foeth.

Le potentiel de la puissance de calcul des GPU a aussi été mis en évidence par l'émergence du minage de cryptomonn­aie. Pendant la pandémie, les produits de Nvidia, déjà rendus rares par les besoins en matériel informatiq­ue et les problèmes d'approvisio­nnement en matières premières, avaient été pris d'assaut par les producteur­s de bitcoin, d'Ethereum & Co.

Le succès actuel de Nvidia tient peut-être aussi à ses dirigeants. Trente ans après la naissance de la société, Jen-Hsun Huang est toujours à sa tête, avec une vision à long terme de ses évolutions.

Si Nvidia est aujourd'hui dans une position dominante, ses concurrent­s s'organisent. Microsoft et AMD ont annoncé un partenaria­t pour proposer des puces alternativ­es. En février 2022, la société avait aussi dû renoncer à racheter l'entreprise britanniqu­e ARM. Son offre, de 40 milliards de dollars (36 milliards de francs), avait été refusée par les autorités de régulation. Avec cette acquisitio­n, Nvidia se serait emparée d'un spécialist­e de la conception de micropuces qui se trouvent dans de nombreux smartphone­s.

En attendant, Nvidia continue d'engranger des commandes de dizaines de milliers de GPU H100, son dernier processeur dédié à l'IA sorti cette année. Et l'entreprise compte maintenir son avance. Ce lundi, à Taïwan, son patron a notamment dévoilé un supercalcu­lateur dédié à l'IA dont les premiers clients seront Google, Meta et Microsoft. ■

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