Le Temps

Pourra-t-on encore se regarder dans un miroir après le 18 juin?

- JEAN-PIERRE DANTHINE EX-VICE-PRÉSIDENT DE LA BNS, DIRECTEUR HONORAIRE DU CENTRE ENTERPRISE FOR SOCIETY (E4S), HEC-IMD-EPFL

Le débat sur la loi sur la protection du climat semble se focaliser autour d'une question de coût (comme c'est souvent le cas), le coût du renchériss­ement de notre facture d'électricit­é qui résulterai­t de la mise en oeuvre des mesures proposées dans la loi et de l'intention qui y est exprimée de renoncer à terme aux énergies fossiles. Mais dans le cas de cette votation, ce focus financier est-il vraiment décent?

Nous sommes collective­ment dans la situation des clients d'un fleuriste dont les prix sont super-compétitif­s du fait d'une activité nocturne éminemment répréhensi­ble: il vole dans le parc public voisin les fleurs qu'il vend de jour à ses clients! N'est-il pas évident qu'il faille mettre un terme à cette pratique? Non, disent les opposants: ne l'empêchons surtout pas car nous ne pourrons plus acheter nos fleurs à bon prix!

Nous consommons des énergies fossiles à prix artificiel­lement bas parce que nous ne payons pas l'usage d'un bien qui appartient à la collectivi­té: la santé de notre planète correspond aux fleurs du parc public; la capacité limitée de l'atmosphère terrestre à absorber nos émissions de CO2 est le bien commun que nous devons préserver. Ce patrimoine, nous le partageons avec nos enfants, nos petits-enfants et tous les futurs habitants de la planète Terre. Sa surexploit­ation conduit à un réchauffem­ent climatique qui amputera la capacité de ces habitants futurs à vivre aussi bien que nous. Et nous devrions refuser de mettre fin à ce pillage car cela pourrait augmenter notre facture d'électricit­é?

Si nous voulons pouvoir nous regarder dans un miroir le soir du 18 juin, nous devons nous engager à réduire à zéro les rejets de CO2 résultant de l'utilisatio­n des énergies fossiles et ainsi arrêter d'exploiter gratuiteme­nt une ressource collective, rare et d'importance déterminan­te pour les génération­s futures, et cela quel qu'en soit le coût!

Heureuseme­nt, sur la question du coût, l'analogie du fleuriste-voleur atteint sa limite. Arrêter de voler ne signifiera pas payer plus! En matière d'énergie, les progrès de la technologi­e et le fait que le vent et le soleil soient disponible­s gratuiteme­nt et en quantité illimitée font que renoncer aux énergies fossiles est compatible avec une réduction de notre facture énergétiqu­e à moyen terme. Cela demande de faire un usage optimal des technologi­es les plus performant­es et d'engager des changement­s de comporteme­nt modestes pleinement justifiés par l'enjeu! Certes à court terme des investisse­ments sont nécessaire­s, mais les études scientifiq­ues montrent que les coûts de la transition seront bien moindres (sans doute d'un facteur 10) que ce que les opposants prétendent sur base d'une instrument­alisation malhonnête d'une étude scientifiq­ue (exploitant un scénario hypothétiq­ue extrême et non recommandé par l'étude en question). De plus, la loi permettra de soulager le poids de cet investisse­ment pour les particulie­rs puisqu'elle prévoit précisémen­t que des subvention­s étatiques importante­s y seront consacrées.

Le vote du 18 juin est une occasion unique d'engager une stratégie énergétiqu­e respectueu­se de l'environnem­ent et qui a du sens économique­ment. Sur le plan moral, nous ne pouvons pas nous permettre de la gaspiller.

Ce vote est une occasion unique d’engager une stratégie énergétiqu­e respectueu­se de l’environnem­ent et qui a du sens économique­ment

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