Pourra-t-on encore se regarder dans un miroir après le 18 juin?
Le débat sur la loi sur la protection du climat semble se focaliser autour d'une question de coût (comme c'est souvent le cas), le coût du renchérissement de notre facture d'électricité qui résulterait de la mise en oeuvre des mesures proposées dans la loi et de l'intention qui y est exprimée de renoncer à terme aux énergies fossiles. Mais dans le cas de cette votation, ce focus financier est-il vraiment décent?
Nous sommes collectivement dans la situation des clients d'un fleuriste dont les prix sont super-compétitifs du fait d'une activité nocturne éminemment répréhensible: il vole dans le parc public voisin les fleurs qu'il vend de jour à ses clients! N'est-il pas évident qu'il faille mettre un terme à cette pratique? Non, disent les opposants: ne l'empêchons surtout pas car nous ne pourrons plus acheter nos fleurs à bon prix!
Nous consommons des énergies fossiles à prix artificiellement bas parce que nous ne payons pas l'usage d'un bien qui appartient à la collectivité: la santé de notre planète correspond aux fleurs du parc public; la capacité limitée de l'atmosphère terrestre à absorber nos émissions de CO2 est le bien commun que nous devons préserver. Ce patrimoine, nous le partageons avec nos enfants, nos petits-enfants et tous les futurs habitants de la planète Terre. Sa surexploitation conduit à un réchauffement climatique qui amputera la capacité de ces habitants futurs à vivre aussi bien que nous. Et nous devrions refuser de mettre fin à ce pillage car cela pourrait augmenter notre facture d'électricité?
Si nous voulons pouvoir nous regarder dans un miroir le soir du 18 juin, nous devons nous engager à réduire à zéro les rejets de CO2 résultant de l'utilisation des énergies fossiles et ainsi arrêter d'exploiter gratuitement une ressource collective, rare et d'importance déterminante pour les générations futures, et cela quel qu'en soit le coût!
Heureusement, sur la question du coût, l'analogie du fleuriste-voleur atteint sa limite. Arrêter de voler ne signifiera pas payer plus! En matière d'énergie, les progrès de la technologie et le fait que le vent et le soleil soient disponibles gratuitement et en quantité illimitée font que renoncer aux énergies fossiles est compatible avec une réduction de notre facture énergétique à moyen terme. Cela demande de faire un usage optimal des technologies les plus performantes et d'engager des changements de comportement modestes pleinement justifiés par l'enjeu! Certes à court terme des investissements sont nécessaires, mais les études scientifiques montrent que les coûts de la transition seront bien moindres (sans doute d'un facteur 10) que ce que les opposants prétendent sur base d'une instrumentalisation malhonnête d'une étude scientifique (exploitant un scénario hypothétique extrême et non recommandé par l'étude en question). De plus, la loi permettra de soulager le poids de cet investissement pour les particuliers puisqu'elle prévoit précisément que des subventions étatiques importantes y seront consacrées.
Le vote du 18 juin est une occasion unique d'engager une stratégie énergétique respectueuse de l'environnement et qui a du sens économiquement. Sur le plan moral, nous ne pouvons pas nous permettre de la gaspiller.
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Ce vote est une occasion unique d’engager une stratégie énergétique respectueuse de l’environnement et qui a du sens économiquement