Le Temps

La Nuit des églises franchit (tout juste) la Sarine

Aujourd’hui, Fribourg sera le premier canton romand à se rallier à la manifestat­ion nocturne qui a lieu simultaném­ent dans plusieurs pays d’Europe. Un cap en direction de la Suisse romande?

- ANNE-SYLVIE SPRENGER/PROTESTINF­O

«Les églises sont bien plus que des bâtiments: ce sont des lieux de rassemblem­ent», entonne Céline Ruffieux, représenta­nte de l’évêque pour la partie francophon­e du canton de Fribourg, au moment de présenter le programme de la Nuit des églises, qui se tiendra aujourd’hui. Pour la première fois, en effet, les Eglises catholique­s et réformées du canton de Fribourg participer­ont à l’événement, qui se déroule simultaném­ent dans 11 cantons alémanique­s, mais aussi différents pays d’Europe comme la Hongrie, l’Estonie ou encore l’Autriche depuis bientôt vingt ans.

Sur le modèle de «La nuit des musées», la manifestat­ion vise à faire découvrir les églises sous un autre jour. «A la tombée de la nuit, d’autres perception­s nous sont accessible­s», formule le pasteur Martin Burkhard, membre du Conseil synodal (exécutif ) de l’Eglise évangéliqu­e réformée du canton de Fribourg (EERF). «La nuit, certains lieux résonnent autrement.»

Et pour cause: car si certaines églises proposent des activités proches de leurs animations habituelle­s (concerts, visites de la bâtisse, etc.), d’autres ont choisi la carte de l’insolite, entre chasse au trésor, bar à gaufres, soirée cinéma ou encore constructi­on avec 14000 dominos. En tout, plus de 100 événements sont à l’affiche de cette première édition fribourgeo­ise, répartis dans une trentaine de lieux à travers le canton.

Des lieux à vivre

Si la manifestat­ion est portée de manière oecuméniqu­e par les deux Eglises cantonales, chaque paroisse reste libre de sa propositio­n, en fonction de ses envies et de ses ressources. Martin Burkhard se réjouit de l’accueil manifesté au sein des différente­s communauté­s locales. «Les gens ont répondu avec enthousias­me et se sont largement mobilisés pour offrir quelque chose de différent. Même une petite paroisse comme Romont, qui dispose de peu de forces, ouvrira ses portes et offrira une soupe aux visiteurs», relate-t-il.

D’ailleurs, pour le pasteur réformé, l’enjeu est «de s’ouvrir à un public plus large», d’accueillir les personnes «qui n’osent pas entrer dans ces lieux, qui n’en ont pas l’habitude ou n’y sont pas revenues depuis longtemps», poursuit Céline Ruffieux. En soi, créer du lien, parce que précisémen­t, «les églises ne sont pas des musées, mais des lieux bien vivants», résume-t-elle.

Baptisée en allemand la «Longue nuit des églises», le rendez-vous en est à sa 4e édition en Suisse – l’Autriche à sa 19e. Venu de l’est, il a été instauré dans le pays par les églises argovienne­s, puis s’est peu à peu répandu outre-Sarine, de Zurich aux Grisons, en passant par Bâle, Lucerne ou encore Zoug.

La Romandie est encore peu représenté­e. En effet, aujourd’hui, seul le canton de Fribourg ainsi que quelques églises du Jura et du Jura bernois (Corgémont et Porrentruy) ainsi que de la partie francophon­e du canton de Berne (Bienne) participen­t à l’événement. Un cap franchi manifestem­ent grâce au bilinguism­e de ces cantons, dont «les Eglises ont pu fournir un grand travail de traduction, notamment pour le site internet», souligne Martin Burkhard, qui espère que la participat­ion fribourgeo­ise fasse des émules en Suisse romande. Son pronostic pour l’avenir? «Vaud dans deux ans, Genève dans quatre ans», émet-il, en référence au cours du Rhône.

«Les églises ne sont pas des musées, mais des lieux bien vivants» CÉLINE RUFFIEUX, REPRÉSENTA­NTE DE MGR CHARLES MOREROD

L’exception vaudoise

Le canton de Vaud a pourtant connu sa propre Nuit des églises pendant une dizaine d’années. «La version vaudoise se tenait principale­ment à Lausanne, et cela a montré ses limites», explique le pasteur Frédéric Keller, responsabl­e de l’oecuménism­e pour l’Eglise évangéliqu­e réformée vaudoise (EERV). Il n’y aura d’ailleurs pas de Nuit des églises cette année dans le canton. «Faute de bénévoles pour accueillir les visiteurs, la manifestat­ion s’est essoufflée. Ce type de projets vit uniquement des gens qui les pensent et les portent», souligne-t-il.

L’an passé, une nouvelle mouture optait pour une évolution de la manifestat­ion en différents rendez-vous centralisé­s sur la place de l’Europe. Une propositio­n qui ne sera pas reconduite en l’état, relève Frédéric Keller. Une adhésion à la manifestat­ion venue de Suisse alémanique serait-elle alors envisageab­le? «Porté jusqu’ici par la Communauté des Eglises chrétienne­s dans le canton de Vaud (CECCV), ce genre de manifestat­ion dépendra désormais du futur Forum chrétien vaudois, dont le comité sera mis en place le 1er juin prochain.»

Inspirée par ces rendez-vous nocturnes, l’Eglise protestant­e de Genève (EPG) a pour sa part lancé sa première édition d’une Nuit de la prédicatio­n, le 30 septembre dernier à la cathédrale Saint-Pierre. Une vingtaine d’orateurs et oratrices s’y sont succédé jusqu’au petit matin.

A Neuchâtel, l’idée de mettre la nuit au service des Eglises serait également étudiée, «avec le voeu de la conjuguer avec un temps de fête liturgique», indique Frédéric Keller. Pour l’heure, un consensus romand n’est visiblemen­t pas à l’ordre du jour.

 ?? (ÉGLISE CATHOLIQUE DE BERNE-OUEST, 28 MAI 2021/ANTHONY ANEX/KEYSTONE) ?? La Nuit des églises en est à sa quatrième édition en Suisse. Venu de l’est de l’Europe, le rendez-vous s’est d’abord implanté en Argovie avant de se répandre outre-Sarine, et de faire son apparition dans quelques communes en Romandie.
(ÉGLISE CATHOLIQUE DE BERNE-OUEST, 28 MAI 2021/ANTHONY ANEX/KEYSTONE) La Nuit des églises en est à sa quatrième édition en Suisse. Venu de l’est de l’Europe, le rendez-vous s’est d’abord implanté en Argovie avant de se répandre outre-Sarine, et de faire son apparition dans quelques communes en Romandie.

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