Le Temps

Lonza investit contre les cancers

- ÉTIENNE MEYER-VACHERAND @etiennemey­va

La société bâloise a annoncé hier un investisse­ment de plus de 90 millions de francs dans le domaine des conjugués anticorps-médicament. En rachetant la biotech néerlandai­se Synaffix, elle élargit ses capacités dans le développem­ent de ces nouveaux traitement­s contre les tumeurs

Comme les traitement­s contre le diabète, l’obésité, ou encore les maladies cardiovasc­ulaires, les anticancér­eux sont un des «graal» de l’industrie pharmaceut­ique. C’est dans ce domaine que Lonza a annoncé un investisse­ment de 100 millions d’euros (97 millions de francs) hier. Le groupe bâlois, spécialisé dans la fourniture de services à l’industrie pharmaceut­ique, a acheté la société de biotechnol­ogie néerlandai­se Synaffix. Cette somme initiale pourra être complétée par des versements additionne­ls allant jusqu’à 60 millions d’euros (58,5 millions de francs) en fonction des performanc­es de l’entreprise, indique Lonza dans son communiqué.

Dans le domaine de l’oncologie, plusieurs nouveaux types de traitement­s suscitent de l’espoir. Parmi eux, des vaccins contre le cancer reposant sur la technologi­e de l’ARN messager, remise au goût du jour par la pandémie. Des entreprise­s comme BioNtech ou Moderna, dont Lonza a produit le vaccin contre le covid, se sont positionné­es sur ce créneau. Avec cet investisse­ment, Lonza mise sur un autre axe: les conjugués anticorps-médicament­s (ou ADC).

Ce terme désigne des traitement­s associant un anticorps et une «charge utile», souvent une molécule cytotoxiqu­e (qui tue les cellules). «Ce sont des traitement­s extrêmemen­t innovants et prometteur­s, parce qu’ils arrivent à transporte­r une molécule hautement toxique et à l’amener précisémen­t dans la tumeur», explique le professeur Olivier Michielin, chef du départemen­t d’oncologie des HUG et du service d’oncologie de précision.

Une offre élargie

L’anticorps permet de cibler des récepteurs très précis exprimés par une cellule cancéreuse. Ces traitement­s peuvent donc délivrer la molécule cytotoxiqu­e dans les cellules des tumeurs, sans toucher celles qui sont saines. «On ne pourrait pas obtenir la même concentrat­ion de ces molécules toxiques avec une injection intraveine­use de chimiothér­apie. Le patient n’y survivrait pas», ajoute-t-il.

Pour autant, ces médicament­s ne sont pas sans effets secondaire­s pour le patient et ont une autre limite: pour fonctionne­r, il faut que les cellules cancéreuse­s expriment une protéine suffisamme­nt identifiab­le pour pouvoir servir de cible au traitement. «L’avantage, c’est que l’on peut créer un grand nombre d’ADC différents, dès lors que l’on peut identifier différents récepteurs à la surface des cellules cancéreuse­s, précise Olivier Michielin. Nous sommes en train d’assister à l’explosion de ce type de médicament, ce qui est une excellente nouvelle pour nos patients.»

Dès 2006, le groupe bâlois a investi le marché des traitement­s bioconjugu­és, dont font partie les ADC. Il dispose déjà de capacités de production d’anticorps adaptés aux antigènes ciblés, de charges utiles et de liants de ces deux éléments à Viège (VS) et au RoyaumeUni. En achetant Synaffix, il s’empare d’une plateforme technologi­que de développem­ent de ces traitement­s au stade clinique, étoffant donc son offre en amont de la production. Les activités de Synaffix seront maintenues sur son site d’Oss aux Pays-Bas.

«Peu de sociétés de sous-traitance pharmaceut­ique sont capables de produire des ADC, souligne Sibylle Bischofber­ger, analyste senior à la banque Vontobel, spécialisé­e dans le domaine de la recherche dans les sciences de la Vie. Il existe

«Ce sont des traitement­s innovants et prometteur­s. Ils arrivent à transporte­r une molécule hautement toxique et l’amener précisémen­t dans la tumeur»

OLIVIER MICHIELIN, CHEF DU DÉPARTEMEN­T D’ONCOLOGIE DES HUG

plusieurs manières de relier l’anticorps au médicament pour produire ces molécules. Lonza peut donc ajouter des technologi­es à son portefeuil­le. C’est une valeur ajoutée pour ses clients.» En février dernier, Lonza inaugurait sur le site de production de Viège deux nouvelles lignes de production pour les traitement­s bioconjugu­és annoncées en décembre 2020.

Selon une estimation publiée en mai, et relayée par la société bâloise, le marché des ADC devrait dépasser les 22 milliards de dollars d’ici à 2030. «ll s’agit d’un marché en expansion rapide, nous prévoyons une croissance annuelle de l’ordre de 10 à 20%», confirme Sibylle Bischofber­ger. «Lonza produit les traitement­s mais ne touche qu’une fraction des revenus de ce marché», rappelle-t-elle.

En 2013, Roche a mis sur le marché un des premiers traitement­s du genre, le Kadcyla, destiné à lutter contre une forme agressive du cancer du sein. En 2022, celui-ci a rapporté 2,1 milliards de francs au laboratoir­e bâlois, qui dispose désormais d’autres traitement­s de ce genre. «Roche fait partie des leaders dans ce domaine, ce qui est également l’une des raisons pour lesquelles Lonza a élargi son offre», souligne Fabian Wenner, analyste pour la banque Julius Baer. Roche n’est pas le

seul exemple en Suisse. En avril, 2021, ADC Therapeuti­cs, société spécialisé­e dans ces traitement­s établie à Epalinges (VD), obtenait une homologati­on de l’autorité de régulation du médicament américaine (FDA) pour le Zynlonta, destiné à lutter contre certaines formes de lymphomes, .

Avec cet investisse­ment, Lonza compte également se positionne­r sur une nouvelle génération de traitement­s bioconjugu­ée qui associent des anticorps avec d’autres molécules et destinés à traiter d’autres maladies que les cancers. Après l’annonce de cet achat, le titre de la société progressai­t d’un peu plus de 1% à 575 francs en fin de journée.

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(VIÈGE, 6 AOÛT 2020/JEAN-CHRISTOPHE BOTT/KEYSTONE) Lonza a récemment inauguré sur son site de Viège deux nouvelles lignes de production pour les traitement­s bioconjugu­és.

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