Lonza investit contre les cancers
La société bâloise a annoncé hier un investissement de plus de 90 millions de francs dans le domaine des conjugués anticorps-médicament. En rachetant la biotech néerlandaise Synaffix, elle élargit ses capacités dans le développement de ces nouveaux traitements contre les tumeurs
Comme les traitements contre le diabète, l’obésité, ou encore les maladies cardiovasculaires, les anticancéreux sont un des «graal» de l’industrie pharmaceutique. C’est dans ce domaine que Lonza a annoncé un investissement de 100 millions d’euros (97 millions de francs) hier. Le groupe bâlois, spécialisé dans la fourniture de services à l’industrie pharmaceutique, a acheté la société de biotechnologie néerlandaise Synaffix. Cette somme initiale pourra être complétée par des versements additionnels allant jusqu’à 60 millions d’euros (58,5 millions de francs) en fonction des performances de l’entreprise, indique Lonza dans son communiqué.
Dans le domaine de l’oncologie, plusieurs nouveaux types de traitements suscitent de l’espoir. Parmi eux, des vaccins contre le cancer reposant sur la technologie de l’ARN messager, remise au goût du jour par la pandémie. Des entreprises comme BioNtech ou Moderna, dont Lonza a produit le vaccin contre le covid, se sont positionnées sur ce créneau. Avec cet investissement, Lonza mise sur un autre axe: les conjugués anticorps-médicaments (ou ADC).
Ce terme désigne des traitements associant un anticorps et une «charge utile», souvent une molécule cytotoxique (qui tue les cellules). «Ce sont des traitements extrêmement innovants et prometteurs, parce qu’ils arrivent à transporter une molécule hautement toxique et à l’amener précisément dans la tumeur», explique le professeur Olivier Michielin, chef du département d’oncologie des HUG et du service d’oncologie de précision.
Une offre élargie
L’anticorps permet de cibler des récepteurs très précis exprimés par une cellule cancéreuse. Ces traitements peuvent donc délivrer la molécule cytotoxique dans les cellules des tumeurs, sans toucher celles qui sont saines. «On ne pourrait pas obtenir la même concentration de ces molécules toxiques avec une injection intraveineuse de chimiothérapie. Le patient n’y survivrait pas», ajoute-t-il.
Pour autant, ces médicaments ne sont pas sans effets secondaires pour le patient et ont une autre limite: pour fonctionner, il faut que les cellules cancéreuses expriment une protéine suffisamment identifiable pour pouvoir servir de cible au traitement. «L’avantage, c’est que l’on peut créer un grand nombre d’ADC différents, dès lors que l’on peut identifier différents récepteurs à la surface des cellules cancéreuses, précise Olivier Michielin. Nous sommes en train d’assister à l’explosion de ce type de médicament, ce qui est une excellente nouvelle pour nos patients.»
Dès 2006, le groupe bâlois a investi le marché des traitements bioconjugués, dont font partie les ADC. Il dispose déjà de capacités de production d’anticorps adaptés aux antigènes ciblés, de charges utiles et de liants de ces deux éléments à Viège (VS) et au RoyaumeUni. En achetant Synaffix, il s’empare d’une plateforme technologique de développement de ces traitements au stade clinique, étoffant donc son offre en amont de la production. Les activités de Synaffix seront maintenues sur son site d’Oss aux Pays-Bas.
«Peu de sociétés de sous-traitance pharmaceutique sont capables de produire des ADC, souligne Sibylle Bischofberger, analyste senior à la banque Vontobel, spécialisée dans le domaine de la recherche dans les sciences de la Vie. Il existe
«Ce sont des traitements innovants et prometteurs. Ils arrivent à transporter une molécule hautement toxique et l’amener précisément dans la tumeur»
OLIVIER MICHIELIN, CHEF DU DÉPARTEMENT D’ONCOLOGIE DES HUG
plusieurs manières de relier l’anticorps au médicament pour produire ces molécules. Lonza peut donc ajouter des technologies à son portefeuille. C’est une valeur ajoutée pour ses clients.» En février dernier, Lonza inaugurait sur le site de production de Viège deux nouvelles lignes de production pour les traitements bioconjugués annoncées en décembre 2020.
Selon une estimation publiée en mai, et relayée par la société bâloise, le marché des ADC devrait dépasser les 22 milliards de dollars d’ici à 2030. «ll s’agit d’un marché en expansion rapide, nous prévoyons une croissance annuelle de l’ordre de 10 à 20%», confirme Sibylle Bischofberger. «Lonza produit les traitements mais ne touche qu’une fraction des revenus de ce marché», rappelle-t-elle.
En 2013, Roche a mis sur le marché un des premiers traitements du genre, le Kadcyla, destiné à lutter contre une forme agressive du cancer du sein. En 2022, celui-ci a rapporté 2,1 milliards de francs au laboratoire bâlois, qui dispose désormais d’autres traitements de ce genre. «Roche fait partie des leaders dans ce domaine, ce qui est également l’une des raisons pour lesquelles Lonza a élargi son offre», souligne Fabian Wenner, analyste pour la banque Julius Baer. Roche n’est pas le
seul exemple en Suisse. En avril, 2021, ADC Therapeutics, société spécialisée dans ces traitements établie à Epalinges (VD), obtenait une homologation de l’autorité de régulation du médicament américaine (FDA) pour le Zynlonta, destiné à lutter contre certaines formes de lymphomes, .
Avec cet investissement, Lonza compte également se positionner sur une nouvelle génération de traitements bioconjuguée qui associent des anticorps avec d’autres molécules et destinés à traiter d’autres maladies que les cancers. Après l’annonce de cet achat, le titre de la société progressait d’un peu plus de 1% à 575 francs en fin de journée.
■