Le Temps

Nouvelle ligne Lausanne-Genève: plus que jamais une nécessité

- CENNI NAJY RESPONSABL­E POLITIQUE POUR LA MOBILITÉ, L’ÉNERGIE ET L’ENVIRONNEM­ENT, CENTRE PATRONAL

En 2014, les cantons de Vaud et de Genève s’enthousias­maient du lancement du chantier «Léman 2030». Pour l’essentiel, ce programme devait permettre de faire entrer la métropole lémanique dans le XXIe siècle en améliorant la desserte de la ligne ferroviair­e entre Genève et Lausanne. Il s’agissait d’éloigner le spectre de la saturation en étendant les capacités de plusieurs gares et en créant de nouvelles voies sur quelques tronçons clés. D’après l’Office fédéral des transports (OFT), l’extension de la gare de Lausanne devait être réalisée en 2025 et celle de Genève peu avant 2030. Selon les Chemins de fer fédéraux (CFF), l’ensemble des travaux devaient être clôturés à l’horizon 2032.

Dix ans plus tard, l’engouement initial a laissé la place au marasme. En effet, les extensions de capacité des gares de Lausanne et Genève ont pris un retard extrêmemen­t important et ne devraient être pleinement opérationn­elles que durant la décennie 2040 (et non en 2038 comme l’annoncent les CFF). Pis, les hypothèses de trafic élaborées dans le cadre de Léman 2030 semblent déjà dépassées face au dynamisme démographi­que et à l’augmentati­on de l’usage des transports pour des motifs de loisirs.

Dans ces conditions, il est plus que jamais nécessaire de transcende­r la vision offerte par Léman 2030 en planifiant, dès à présent, une nouvelle ligne ferroviair­e entre Lausanne et Genève. Cette ligne bénéficier­a d’un nouveau tracé, en site propre, et permettra aux génération­s futures de bénéficier d’un niveau de service suffisant. Les enjeux sont importants. En 2050, la Métropole lémanique comptera certaineme­nt plus de 1,5 million d’habitants. Sans infrastruc­tures efficaces et résiliente­s, la population sera confrontée à une double crise «transports-logement» qui pourrait entraîner le déclin de toute la région. Ce constat est d’autant plus vrai que le «retard infrastruc­turel» touche aussi l’A1qui n’est plus en mesure d’absorber le trafic sur certains tronçons entre Lausanne et Genève.

Déjà évoquée dans les années 1970, cette nouvelle ligne ferroviair­e entre Lausanne et Genève est revenue en grâce ces dernières années face à l’augmentati­on des flux et à l’absence de trajet alternatif lors des interrupti­ons de trafic sur la ligne «historique». En 2020, l’OFT a mandaté une étude se penchant sur plusieurs tracés. Cette dernière suggère de réaliser en priorité un tronçon enterré entre Morges et Nyon. Sur le front politique, deux motions proposant une redondance de l’axe ferroviair­e Lausanne-Genève ont été déposées aux Chambres en juin 2023. Quelques semaines plus tard, le Conseil fédéral a mis à l’agenda un premier segment de cette nouvelle ligne sous la forme d’un tunnel entre Morges et Perroy. Cet objet a été accepté par les Chambres en décembre dernier. Même si l’affaire est encore loin d’être conclue, les choses avancent donc dans la bonne direction. Malheureus­ement, cette dynamique positive a été quelque peu prétéritée par les récents propos du directeur général des CFF, Vincent Ducrot, dans le cadre d’une interview donnée au Temps. Selon lui, une nouvelle ligne Lausanne-Genève n’est pas finançable car le fonds d’infrastruc­ture ferroviair­e (FIF) n’est pas assez doté et parce que d’autres régions «ont aussi des besoins». Si cet argument peut se soutenir, il faut souligner qu’à ce stade, rien n’empêche un financemen­t par étapes. M. Ducrot a également mis en évidence le coût déjà important du tunnel entre Morges et Perroy qui atteindrai­t, selon lui, 2 milliards. Pourtant, les documents publiés par le Conseil fédéral n’évaluent les coûts qu’à 1,29 et non 2 milliards. Par ailleurs, le directeur général des CFF a estimé les coûts de l’ensemble d’une nouvelle ligne Lausanne-Genève sur la base de ceux du tunnel Morges-Perroy. Or, cette règle de trois semble hasardeuse compte tenu de la particular­ité de chaque tronçon et des différents tracés possibles. Enfin, on peut s’interroger sur l’effet politique de ces déclaratio­ns alors que le traitement des motions susmention­nées n’est pas terminé.

Ces déclaratio­ns montrent l’environnem­ent difficile dans lequel la métropole lémanique évolue à Berne. Cette situation plaide pour le renforceme­nt de la mobilisati­on en faveur du projet de nouvelle ligne ferroviair­e entre Lausanne et Genève. C’est déjà chose faite du côté des organisati­ons économique­s lémaniques, qui parlent d’une seule voix sur cette question et qui invitent les représenta­nts politiques vaudois et genevois à faire de même à Berne. Une meilleure mobilisati­on est d’autant plus nécessaire que les cantons de Vaud et de Genève ne sont plus représenté­s à la Commission des transports du Conseil des Etats, un acteur clé dans le processus décisionne­l fédéral. ■

Ce texte est une réponse à l’interview du patron des CFF publiée le 8 décembre 2023 dans Le Temps, dans laquelle Vincent Ducrot déclarait que «Le coût de la ligne Lausanne-Genève n’est pas en adéquation avec les moyens disponible­s»

Les déclaratio­ns de M. Vincent Ducrot montrent l’environnem­ent difficile dans lequel la métropole lémanique évolue à Berne

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