Transition énergétique: la Chine en pole position
Le champion chinois de la voiture électrique BYD (acronyme de Build Your Dream) a ravi à l’américain Tesla le titre de plus gros vendeur mondial au quatrième trimestre 2023. Pourquoi cette information, largement reprise par les médias, est-elle importante? Tout simplement parce qu’elle symbolise la suprématie, de plus en plus flagrante, de la Chine sur l’économie de la transition énergétique.
On le sait, les entreprises chinoises sont ultra-dominantes dans la fabrication de panneaux solaires. On estime qu’elles posséderont 80% des capacités mondiales de production au moins jusqu’à la fin de cette décennie! Elles tiennent aussi le haut du pavé pour la production de batteries. Elles sont enfin à l’avantgarde de la technologie de l’énergie éolienne. Elles s’apprêtent maintenant à affirmer leur primauté sur le marché mondial des véhicules électriques.
Pendant plusieurs années, l’Etat a soutenu le développement de la branche en finançant la recherche-développement, en accordant de fortes subventions à l’achat et des avantages fiscaux. Aujourd’hui, les constructeurs automobiles chinois sont entrés dans une ère nouvelle, après l’expiration des subventions en 2022, mais la production continue à croître de façon exponentielle; les ventes totales du pays sont estimées à 8,88 millions d’unités en 2023, alors qu’elles n’étaient que de 1,37 million d’unités en 2020.
Les économistes chinois estiment qu’après la floraison d’entreprises, caractéristique de la première phase des innovations industrielles, l’heure de la consolidation a sonné. Seules les entreprises capables de réduire leurs coûts survivront. Le seuil de rentabilité ne pourra être atteint qu’avec une production de 500 000 véhicules par an. Alors, tout naturellement, les grands constructeurs cherchent à exporter une partie de leur production.
Du point de vue de la lutte contre le réchauffement climatique, la déferlante chinoise est une excellente nouvelle. La Chine est le premier émetteur de CO2 et le développement accéléré des énergies renouvelables devrait lui permettre, dès 2024 selon certains experts, de réduire ses émissions. Elle a la capacité de produire l’ensemble des composants à très grande échelle ce qui lui permet d’abaisser les coûts. Elle ouvre ainsi l’accès à la transition énergétique aux pays émergents et aux pays en voie de développement.
La réussite chinoise met en revanche les pays occidentaux devant une alternative délicate. Soit ils acceptent la mainmise chinoise pour réaliser leur transition énergétique rapidement et à bon marché, soit ils adoptent une politique protectionniste pour se réindustrialiser et défendre leur souveraineté. Les Etats-Unis ont choisi la seconde solution en subventionnant massivement les activités industrielles liées aux énergies renouvelables sur sol américain. De son côté, l’Union européenne se montre plus hésitante mais déverse tout de même des milliards pour assurer son autonomie.
L’UE cherche maintenant à protéger ses constructeurs automobiles, convertis bien trop tardivement à la voiture électrique, en trouvant de bonnes raisons pour fermer l’accès au marché européen. En vain, sans doute, car BYD, dont les exportations ont explosé, a déjà trouvé la parade en ouvrant une usine en Hongrie; d’autres géants se préparent à imiter son exemple.
Nous sommes donc devant deux paradoxes. Le premier est bien connu: la Chine communiste a été la grande gagnante de la globalisation prônée par le néolibéralisme; l’allègement des barrières douanières lui a permis de devenir une puissance économique mondiale. Le second se révèle aujourd’hui: la Chine a connu une croissance prodigieuse de ses émissions de CO2 et une pollution de l’air et de l’eau dont nous n’avons même pas idée. Pourtant, c’est bien à elle que la transition énergétique va profiter, lui permettant de s’imposer comme la première puissance mondiale. ■