Le Temps

La Suisse rattrape le temps perdu

- JEAN RUSSOTTO AVOCAT, BRUXELLES; PRÉSIDENT DU COMITÉ CH-UE Jean Russotto s’exprime ici au nom de l’ensemble du Comité Suisse-UE

Comme s’il voulait rattraper le temps perdu, le Conseil fédéral a mis les bouchées doubles. Il a présenté en grande formation, le 15 décembre dernier, les documents de la politique européenne sur lesquels il travaille depuis dix-huit mois. Il déclare vouloir aboutir à un accord avec l’UE à fin 2024. Trois conseiller­s fédéraux, représenta­nt les principaux partis du gouverneme­nt – Mme Elisabeth Baume-Schneider, MM. Guy Parmelin et Ignazio Cassis – ont expliqué les grandes lignes du projet de mandat de négociatio­n sur lequel le Conseil fédéral s’est mis d’accord. Ils ont également publié un rapport sur les multiples pourparler­s exploratoi­res et le texte d’une déclaratio­n politique agréée avec l’Union européenne qui définit les paramètres de la future négociatio­n.

Le Comité Suisse-UE salue la déterminat­ion du Conseil fédéral, qui met ainsi fin à une période de relations troublées et de procrastin­ation. Les pourparler­s exploratoi­res qui se poursuivai­ent depuis le printemps de 2022 ont fini par produire des résultats prometteur­s. Ils débouchent aujourd’hui sur l’ouverture probable de négociatio­ns, à la suite des consultati­ons internes qui vont avoir lieu au cours des deux prochains mois. Le Comité Suisse-UE soutient pleinement les efforts du Conseil fédéral pour aboutir à un accord avec l’UE d’ici à la fin de l’année 2024, prenant en compte la situation géostratég­ique, les intérêts de l’économie suisse et l’appui qu’il a reçu de la Conférence des cantons.

Des obstacles subsistent sur la voie d’une négociatio­n réussie. L’UDC maintient son opposition au règlement des questions institutio­nnelles. Les trois autres partis gouverneme­ntaux sont divisés. La forme que prendra la protection des salaires dans le dispositif doit encore faire l’objet de précisions, d’abord entre les partenaire­s sociaux et les cantons. Le Comité relève que le Conseil fédéral procède par objectifs et non pas en définissan­t des lignes rouges, une approche qu’il conviendra de maintenir.

La Suisse a accepté des mécanismes de reprise du droit de l’Union européenne, comportant, en cas d’échec, des comités mixtes, une solution avec un système d’arbitrage déjà esquissé dans l’accord institutio­nnel, avec consultati­on de la Cour de justice de l’Union européenne. Les restrictio­ns apportées à sa pratique en matière de protection des salaires ont été atténuées par rapport au projet d’accord institutio­nnel: le contrôle des chantiers où opèrent des travailleu­rs détachés pourra être exercé par des organismes privés tels que les syndicats, et le marché suisse du travail sera dispensé de l’obligation d’appliquer le droit de l’Union européenne si celle-ci devait réduire les avantages sociaux actuelleme­nt garantis. La Suisse s’engagera à apporter des contributi­ons à la politique européenne de cohésion sociale, au lieu de versements à bien plaire comme jusqu’ici.

Pour sa part, l’Union européenne a accepté de limiter le champ d’applicatio­n de la directive sur les droits des citoyens européens aux seuls travailleu­rs établis qui tomberaien­t au chômage après cinq ans d’activité. Le régime de surveillan­ce des aides d’Etat a été assoupli. Le principe de nouveaux accords sur l’électricit­é et sur la sécurité alimentair­e fait partie du nouveau concept. Une négociatio­n séparée en vue de l’accès de la Suisse aux programmes de coopératio­n scientifiq­ue et de recherche devrait se dérouler en parallèle de la négociatio­n principale. L’UE a renoncé à établir un lien avec l’accord de libre-échange de 1972. Surtout, elle a admis le principe de négocier sept accords distincts, munis d’une clause institutio­nnelle identique, au lieu d’un seul accord chapeau.

Le Comité estime que les concession­s réciproque­s, la position des cantons et l’intérêt général à des relations apaisées et sans heurt avec l’UE militent en faveur d’un accord, cette année encore, sur les modalités de notre partenaria­t. Il poursuivra son action à cette fin, dans l’optique très probable d’un scrutin populaire qui permettra au peuple suisse de se prononcer en dernier lieu. ■

Il conviendra de maintenir une approche par objectifs et non par lignes rouges

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