La Suisse rattrape le temps perdu
Comme s’il voulait rattraper le temps perdu, le Conseil fédéral a mis les bouchées doubles. Il a présenté en grande formation, le 15 décembre dernier, les documents de la politique européenne sur lesquels il travaille depuis dix-huit mois. Il déclare vouloir aboutir à un accord avec l’UE à fin 2024. Trois conseillers fédéraux, représentant les principaux partis du gouvernement – Mme Elisabeth Baume-Schneider, MM. Guy Parmelin et Ignazio Cassis – ont expliqué les grandes lignes du projet de mandat de négociation sur lequel le Conseil fédéral s’est mis d’accord. Ils ont également publié un rapport sur les multiples pourparlers exploratoires et le texte d’une déclaration politique agréée avec l’Union européenne qui définit les paramètres de la future négociation.
Le Comité Suisse-UE salue la détermination du Conseil fédéral, qui met ainsi fin à une période de relations troublées et de procrastination. Les pourparlers exploratoires qui se poursuivaient depuis le printemps de 2022 ont fini par produire des résultats prometteurs. Ils débouchent aujourd’hui sur l’ouverture probable de négociations, à la suite des consultations internes qui vont avoir lieu au cours des deux prochains mois. Le Comité Suisse-UE soutient pleinement les efforts du Conseil fédéral pour aboutir à un accord avec l’UE d’ici à la fin de l’année 2024, prenant en compte la situation géostratégique, les intérêts de l’économie suisse et l’appui qu’il a reçu de la Conférence des cantons.
Des obstacles subsistent sur la voie d’une négociation réussie. L’UDC maintient son opposition au règlement des questions institutionnelles. Les trois autres partis gouvernementaux sont divisés. La forme que prendra la protection des salaires dans le dispositif doit encore faire l’objet de précisions, d’abord entre les partenaires sociaux et les cantons. Le Comité relève que le Conseil fédéral procède par objectifs et non pas en définissant des lignes rouges, une approche qu’il conviendra de maintenir.
La Suisse a accepté des mécanismes de reprise du droit de l’Union européenne, comportant, en cas d’échec, des comités mixtes, une solution avec un système d’arbitrage déjà esquissé dans l’accord institutionnel, avec consultation de la Cour de justice de l’Union européenne. Les restrictions apportées à sa pratique en matière de protection des salaires ont été atténuées par rapport au projet d’accord institutionnel: le contrôle des chantiers où opèrent des travailleurs détachés pourra être exercé par des organismes privés tels que les syndicats, et le marché suisse du travail sera dispensé de l’obligation d’appliquer le droit de l’Union européenne si celle-ci devait réduire les avantages sociaux actuellement garantis. La Suisse s’engagera à apporter des contributions à la politique européenne de cohésion sociale, au lieu de versements à bien plaire comme jusqu’ici.
Pour sa part, l’Union européenne a accepté de limiter le champ d’application de la directive sur les droits des citoyens européens aux seuls travailleurs établis qui tomberaient au chômage après cinq ans d’activité. Le régime de surveillance des aides d’Etat a été assoupli. Le principe de nouveaux accords sur l’électricité et sur la sécurité alimentaire fait partie du nouveau concept. Une négociation séparée en vue de l’accès de la Suisse aux programmes de coopération scientifique et de recherche devrait se dérouler en parallèle de la négociation principale. L’UE a renoncé à établir un lien avec l’accord de libre-échange de 1972. Surtout, elle a admis le principe de négocier sept accords distincts, munis d’une clause institutionnelle identique, au lieu d’un seul accord chapeau.
Le Comité estime que les concessions réciproques, la position des cantons et l’intérêt général à des relations apaisées et sans heurt avec l’UE militent en faveur d’un accord, cette année encore, sur les modalités de notre partenariat. Il poursuivra son action à cette fin, dans l’optique très probable d’un scrutin populaire qui permettra au peuple suisse de se prononcer en dernier lieu. ■
Il conviendra de maintenir une approche par objectifs et non par lignes rouges