Le Contrôle fédéral des finances veut un coup d’accélérateur sur les nouveaux médicaments
L’auditeur de la Confédération estime que les nouveaux traitements devraient arriver plus vite auprès des patients suisses. Parmi ses pistes d’amélioration, une meilleure coordination entre Swissmedic et l’OFSP, mais surtout davantage de réactions de la p
Plus d’une année: c’est en substance le temps qui pourrait être économisé pour les procédures d’homologation et de mise sur le marché des nouveaux médicaments en Suisse. Ce constat est révélé par un audit du Contrôle fédéral des finances (CDF) qui s’est penché sur l’efficience des procédures d’autorisation – aux mains de l’institut Swissmedic –, et de prise en charge des nouveaux médicaments par l’assurance obligatoire des soins (AOS) – conduite par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) –, laquelle conditionne le remboursement des médicaments par les assureurs maladie.
De fait, les nouveaux traitements apparaissent souvent sur le marché helvétique bien après avoir été mis à disposition des patients américains ou européens. Une situation qui n’est pas acceptable, selon Baptiste Hurni, président de la Fédération suisse des patients, «notamment lorsqu’il s’agit de médicaments uniques pour traiter d’une pathologie grave.»
S’il faut en moyenne 900 jours entre une demande de mise sur le marché d’un nouveau médicament par une entreprise pharmaceutique et son admission dans la liste de l’AOS, ce délai pourrait être réduit à 500 jours, estime le CDF. Pour cela, l’auditeur officiel de la Confédération préconise une meilleure coordination entre les procédures de Swissmedic et de l’OFSP, et appelle surtout à ce que l’industrie dépose ses demandes plus précocement auprès de l’administration.
Car le principal ralentissement constaté par le CDF incombe aux entreprises pharmaceutiques. En 2021, elles ont soumis leurs demandes d’autorisation de nouveaux principes actifs à Swissmedic 171 jours (valeur médiane) après les avoir déposées auprès de l’Agence européenne des médicaments. Par rapport à la Food and Drug Administration des Américains, le retard n’atteignait pas moins de 322 jours. «Si les délais de traitements de Swissmedic et de l’OFSP sont plutôt brefs en comparaison internationale, le retard de demande d’autorisation dépend uniquement et seulement de l’industrie, pour qui le marché suisse, d’une taille limitée, présente manifestement peu d’intérêt, commente Baptiste Hurni. L’industrie doit donc mieux collaborer avec l’OFSP et Swissmedic.»
Des négociations chronophages
Et les délais se creusent en cours de route, observe le Contrôle fédéral des finances, lorsque les entreprises attendent l’autorisation de mise sur le marché de leur produit pour demander, ensuite, sa prise en charge par l’assurance obligatoire des soins auprès de l’OFSP. «Pour les nouveaux principes actifs et les extensions des indications, elles peuvent déposer leur demande dès qu’elles disposent d’un préavis positif de la part de Swissmedic, soit une centaine de jours avant l’autorisation définitive», relève le CDF. Tout cela a pour conséquence que les procédures de Swissmedic et de l’OFSP se suivent, alors qu’elles pourraient se chevaucher et gagner un temps précieux pour les patients.
Autre point noir soulevé par l’auditeur de la Confédération, le temps passé par l’administration dans la négociation d’un prix de médicament avec les entreprises pharmaceutiques. «L’OFSP consacre la majeure partie du temps à négocier des prix plus bas, afin que le critère d’économicité des médicaments soit respecté, note le CDF. A la fin février 2023, l’OFSP avait 95 demandes en instance. Dans 92 d’entre elles, le critère d’économicité n’était pas encore rempli», précise son rapport.
La Suisse dispose d’une formule précise pour la fixation des prix, en observant notamment les prix pratiqués à l’étranger dans un panel de pays de référence. Mais cette observation «contient cependant souvent des «prix de vitrine» ou «prix indicatifs», ce qui signifie qu’elle se fonde sur des prix publiés trop élevés», indique le Contrôle fédéral des finances, poussant ainsi l’administration à tirer ensuite les prix vers le bas. «Cette négociation chronophage démontre la voracité de l’industrie pharmaceutique, puisque le prix proposé par l’OFSP repose sur des critères objectifs. La proposition de l’audit de rembourser immédiatement un prix imposé par l’OFSP – et plus faible que le prix définitif – paraît devoir être suivie, pour autant que l’industrie pharmaceutique joue le jeu», note Baptiste Hurni.
Pour pouvoir fixer rapidement le prix temporaire d’un nouveau médicament, l’OFSP pourrait à l’avenir s’inspirer de la procédure française, laquelle classe tous les nouveaux médicaments en cinq catégories de bénéfice par rapport aux médicaments déjà pris en charge, appelés «comparateurs». Ainsi, lorsqu’un nouveau produit est classé dans une catégorie de bénéfice moins bonne que son comparateur déjà pris en charge, son prix doit obligatoirement être inférieur.
Reste que certains efforts d’accélération des procédures sont d’ores et déjà déployés par Swissmedic et l’administration fédérale. «Un essai pilote mené par l’OFSP en collaboration avec Swissmedic et Roche a permis d’autoriser le remboursement du médicament anticancéreux Lunsumio en même temps que la mise sur le marché», illustre le CDF.
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