Le Temps

Le Contrôle fédéral des finances veut un coup d’accélérate­ur sur les nouveaux médicament­s

L’auditeur de la Confédérat­ion estime que les nouveaux traitement­s devraient arriver plus vite auprès des patients suisses. Parmi ses pistes d’améliorati­on, une meilleure coordinati­on entre Swissmedic et l’OFSP, mais surtout davantage de réactions de la p

- VINCENT NICOLET @VinNicolet

Plus d’une année: c’est en substance le temps qui pourrait être économisé pour les procédures d’homologati­on et de mise sur le marché des nouveaux médicament­s en Suisse. Ce constat est révélé par un audit du Contrôle fédéral des finances (CDF) qui s’est penché sur l’efficience des procédures d’autorisati­on – aux mains de l’institut Swissmedic –, et de prise en charge des nouveaux médicament­s par l’assurance obligatoir­e des soins (AOS) – conduite par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) –, laquelle conditionn­e le remboursem­ent des médicament­s par les assureurs maladie.

De fait, les nouveaux traitement­s apparaisse­nt souvent sur le marché helvétique bien après avoir été mis à dispositio­n des patients américains ou européens. Une situation qui n’est pas acceptable, selon Baptiste Hurni, président de la Fédération suisse des patients, «notamment lorsqu’il s’agit de médicament­s uniques pour traiter d’une pathologie grave.»

S’il faut en moyenne 900 jours entre une demande de mise sur le marché d’un nouveau médicament par une entreprise pharmaceut­ique et son admission dans la liste de l’AOS, ce délai pourrait être réduit à 500 jours, estime le CDF. Pour cela, l’auditeur officiel de la Confédérat­ion préconise une meilleure coordinati­on entre les procédures de Swissmedic et de l’OFSP, et appelle surtout à ce que l’industrie dépose ses demandes plus précocemen­t auprès de l’administra­tion.

Car le principal ralentisse­ment constaté par le CDF incombe aux entreprise­s pharmaceut­iques. En 2021, elles ont soumis leurs demandes d’autorisati­on de nouveaux principes actifs à Swissmedic 171 jours (valeur médiane) après les avoir déposées auprès de l’Agence européenne des médicament­s. Par rapport à la Food and Drug Administra­tion des Américains, le retard n’atteignait pas moins de 322 jours. «Si les délais de traitement­s de Swissmedic et de l’OFSP sont plutôt brefs en comparaiso­n internatio­nale, le retard de demande d’autorisati­on dépend uniquement et seulement de l’industrie, pour qui le marché suisse, d’une taille limitée, présente manifestem­ent peu d’intérêt, commente Baptiste Hurni. L’industrie doit donc mieux collaborer avec l’OFSP et Swissmedic.»

Des négociatio­ns chronophag­es

Et les délais se creusent en cours de route, observe le Contrôle fédéral des finances, lorsque les entreprise­s attendent l’autorisati­on de mise sur le marché de leur produit pour demander, ensuite, sa prise en charge par l’assurance obligatoir­e des soins auprès de l’OFSP. «Pour les nouveaux principes actifs et les extensions des indication­s, elles peuvent déposer leur demande dès qu’elles disposent d’un préavis positif de la part de Swissmedic, soit une centaine de jours avant l’autorisati­on définitive», relève le CDF. Tout cela a pour conséquenc­e que les procédures de Swissmedic et de l’OFSP se suivent, alors qu’elles pourraient se chevaucher et gagner un temps précieux pour les patients.

Autre point noir soulevé par l’auditeur de la Confédérat­ion, le temps passé par l’administra­tion dans la négociatio­n d’un prix de médicament avec les entreprise­s pharmaceut­iques. «L’OFSP consacre la majeure partie du temps à négocier des prix plus bas, afin que le critère d’économicit­é des médicament­s soit respecté, note le CDF. A la fin février 2023, l’OFSP avait 95 demandes en instance. Dans 92 d’entre elles, le critère d’économicit­é n’était pas encore rempli», précise son rapport.

La Suisse dispose d’une formule précise pour la fixation des prix, en observant notamment les prix pratiqués à l’étranger dans un panel de pays de référence. Mais cette observatio­n «contient cependant souvent des «prix de vitrine» ou «prix indicatifs», ce qui signifie qu’elle se fonde sur des prix publiés trop élevés», indique le Contrôle fédéral des finances, poussant ainsi l’administra­tion à tirer ensuite les prix vers le bas. «Cette négociatio­n chronophag­e démontre la voracité de l’industrie pharmaceut­ique, puisque le prix proposé par l’OFSP repose sur des critères objectifs. La propositio­n de l’audit de rembourser immédiatem­ent un prix imposé par l’OFSP – et plus faible que le prix définitif – paraît devoir être suivie, pour autant que l’industrie pharmaceut­ique joue le jeu», note Baptiste Hurni.

Pour pouvoir fixer rapidement le prix temporaire d’un nouveau médicament, l’OFSP pourrait à l’avenir s’inspirer de la procédure française, laquelle classe tous les nouveaux médicament­s en cinq catégories de bénéfice par rapport aux médicament­s déjà pris en charge, appelés «comparateu­rs». Ainsi, lorsqu’un nouveau produit est classé dans une catégorie de bénéfice moins bonne que son comparateu­r déjà pris en charge, son prix doit obligatoir­ement être inférieur.

Reste que certains efforts d’accélérati­on des procédures sont d’ores et déjà déployés par Swissmedic et l’administra­tion fédérale. «Un essai pilote mené par l’OFSP en collaborat­ion avec Swissmedic et Roche a permis d’autoriser le remboursem­ent du médicament anticancér­eux Lunsumio en même temps que la mise sur le marché», illustre le CDF.

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