Pour faciliter la vie des PME, créons un statut officiel d’entreprise durable!
Alors que le World Economic Forum s’organise et que les panels autour de la durabilité vont se multiplier dans la station grisonne, une large alliance propose une étape concrète pour améliorer la compétitivité des entreprises suisses.
Les PME qui ont un agenda durable sont mieux positionnées vis-à-vis de leurs investisseurs, consommateurs, employés et clients. Pourtant, la plupart des PME suisses dénoncent un manque de clarté sur la voie précise à suivre. Nous souhaitons l’officialisation du statut d’entreprises durables, comme d’autres pays le font.
Prenons quelques exemples. Située à Villeneuve, Biscuits Agathe, entreprise familiale suisse, développe, fabrique et vend des petits biscuits depuis 1954. Aujourd’hui, cette entreprise, comme beaucoup d’autres dans le secteur, fait face à des demandes spécifiques concernant les emballages et à des exigences sur l’origine des ingrédients. Dans un autre secteur, celui de la microtechnique et de l’horlogerie, nombreuses sont les PME qui doivent désormais respecter une liste de critères de durabilité qui couvrent la traçabilité des matières et les conditions de travail dans leur chaîne d’approvisionnement. Confrontées à des contrats de plusieurs millions, elles sont en difficulté si elles ne peuvent pas établir un positionnement solide et clair. Les normes deviennent pour elles un élément stratégique.
Une identification juridique officielle possible est une demande de longue date et la Suisse doit combler ce retard. Cinq cents chef·fe·s d’entreprise se sont fédérés dans l’Alliance pour les entreprises durables, une coalition qui inclut des fédérations économiques et des organisations de la société civile de toute la Suisse. De nombreux autres pays ont suivi cette voie avec des changements législatifs. Società benefit, «entreprise à mission», sociedades de beneficio e interés común… L’Italie, la France, l’Espagne, le RoyaumeUni, tous ont adopté des cadres réglementaires reconnaissant les entreprises qui concilient planète, population et profit.
Pour de nombreuses PME suisses, répondre aux exigences en matière environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) n’est pas un choix mais une nécessité pour survivre, continuer à être concurrentielles par rapport aux pays voisins. Or, il y a un paradoxe au coeur de la réponse de notre pays à ce défi. Le Conseil fédéral a montré une réticence à articuler une vision claire pour l’avenir de notre économie, en particulier pour guider les PME à travers cette transformation. Pourtant, les normes internationales et européennes de durabilité, peuvent présenter des opportunités d’innovation et de leadership au lieu d’être perçues comme des nécessités encombrantes.
Les soussignés attendent du Conseil fédéral qu’il agisse dans l’intérêt de nos entreprises. Une initiative parlementaire dans ce sens a été déposée au Conseil national. Elle vise à introduire un cadre juridique facultatif et volontaire pour les entreprises durables, qui pourrait changer la donne. Elle permettrait aux entreprises qui mettent en oeuvre des stratégies de durabilité – à travers des engagements concrets, mesurables et comparables – de se distinguer en adoptant le statut d’ «entreprise durable». Cette possibilité devra être introduite dans le Code des obligations. Ce sera aussi un moyen pour une PME d’y voir plus clair dans la jungle des standards et réglementations et de démontrer son engagement à son échelle. Cette approche permet de concilier la tradition libérale suisse et la nécessité de répondre aux nouveaux impératifs du marché. Il s’agit de stimuler – non d’imposer –, d’inspirer les PME suisses à se préparer pour l’avenir sans les contraindre.
Tandis que le Conseil des Etats vient d’accepter le postulat participant de la même stratégie et demandant une vue d’ensemble des nouvelles directives européennes et internationales en matière de durabilité pour les PME suisses, ainsi que des pistes pour les accompagner en Suisse. Ce faisant, la Suisse a l’opportunité de redéfinir la «Swissness» au XXIe siècle – non seulement comme symbole de qualité et de précision, mais aussi comme emblème de durabilité et de vision pour l’avenir. Le secteur privé a un vrai potentiel de transformation des défis posés par la durabilité, ils peuvent représenter ainsi des opportunités d’innovation et de leadership sur la scène mondiale. ■
Les normes internationales de durabilité peuvent présenter des opportunités d’innovation et de leadership