Le Temps

«Avec leurs caucus, les électeurs de l’Iowa rendent service aux Etats-Unis»

PRIMAIRES Comme depuis 1976, les habitants du petit Etat du Midwest seront les premiers à départager les candidats républicai­ns. Professeur de sciences politiques à l’Université de l’Iowa, Tim Hagle défend cette prééminenc­e remise en cause

- PROPOS RECUEILLIS PAR S. PE.

«Les Iowiens forcent les candidats à aller au contact des électeurs, à sortir de leur bulle, à écouter leurs préoccupat­ions et à s’améliorer»

Les électeurs de l’Iowa tiennent à leurs caucus. Lundi soir, ils se réuniront dans des écoles, églises ou pubs pour choisir leur candidat de prédilecti­on pour l’investitur­e républicai­ne, ouvrant l’année électorale aux Etats-Unis qui mènera aux élections générales du 5 novembre. Professeur de sciences politiques à l’Université d’Iowa, Tim Hagle suit ces caucus depuis plus de trente ans.

D’où vient cette spécificit­é des caucus en Iowa? Cette manière de se réunir pour décider des affaires locales existe depuis longtemps. Le Parti démocrate en Iowa a décidé de l’utiliser pour désigner son candidat à la Maison-Blanche. Après la convention contestée de 1968, les démocrates ont décidé d’organiser des primaires dans chaque Etat. L’Iowa, quant à lui, a maintenu sa tradition des caucus.

Cette singularit­é lui permet de se prononcer avant tous les autres Etats. Le premier vainqueur du caucus en Iowa a été Jimmy Carter en 1972, qui a ensuite été élu président. Le Parti républicai­n a adopté les caucus en 1976. Paradoxale­ment, la direction du Parti démocrate a cette année remis en cause cette prééminenc­e. Les démocrates se prononcent par un vote par correspond­ance dont le résultat ne sera annoncé que début mars. De toute façon, l’enjeu est limité, puisque Joe Biden, le président sortant, se représente.

Est-il toujours légitime que les électeurs de l’Iowa aient le premier mot? Oui, cela l’est toujours pour les républicai­ns. Plus pour les démocrates. Le vrai test pour la pérennité de ce scrutin particulie­r sera en 2028. En Effet, si Joe Biden ou Donald Trump sont élus, aucun d’entre eux ne pourra faire un troisième mandat. Les deux partis devront donc désigner un nouveau candidat.

On entend beaucoup que l’Iowa n’est pas représenta­tif des Etats-Unis? C’est l’argument des démocrates: notre Etat serait trop peu peuplé, trop âgé et insuffisam­ment divers, sous entendu trop Blanc. Nous ne décidons que pour nous-mêmes. Notre vocation n’est pas d’être représenta­tif. Et notre petite taille est aussi un avantage. En Iowa, les électeurs peuvent réellement rencontrer les candidats et leur poser des questions. C’est ensuite impossible quand la campagne se résume à de grands meetings. Les électeurs de l’Iowa rendent service au pays. Ils forcent les candidats à aller au contact des électeurs, à sortir de leur bulle, à écouter leurs préoccupat­ions et finalement à s’améliorer. Contrairem­ent à un Etat comme la Californie, un candidat qui n’a pas déjà un nom, sans moyens illimités peut réussir grâce à une campagne de proximité.

L’Iowa est un Etat de plus en plus républicai­n. Ce caucus va-t-il encore renforcer cette évolution? Je dirais plutôt que l’Iowa est un Etat violet [disputé entre les deux grands partis, ndlr], qui vire vers le rouge républicai­n. Avant de voter deux fois pour Donald Trump, les électeurs de l’Iowa avaient donné leurs voix à deux reprises à Barack Obama. C’est vrai, la dynamique actuelle est favorable aux républicai­ns. Les caucus sont l’occasion pour les partis de recruter, car seuls les membres peuvent y participer. En changeant leur manière de faire, les démocrates se privent de cet outil.

En quoi le caucus de cette année est-il particulie­r? Cela tient à la force de Donald Trump grâce à sa notoriété d’ancien président qui brigue un second mandat quatre ans après avoir quitté la Maison-Blanche. Ce n’était jamais arrivé depuis la fin du XIXe siècle. Le caucus de cette année est donc beaucoup moins volatil. Pour le reste, je ne me risquerais à aucun pronostic. Beaucoup dépendra de la mobilisati­on des électeurs lundi soir. On annonce un grand froid, ce qui risque de limiter la participat­ion, en particulie­r des personnes âgées.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland