Le Temps

Les Jeunes UDC suisses en quête de papables

PRÉSIDENCE A la tête de la relève du parti depuis quatre ans, le Bâlois David Trachsel a annoncé son départ. Plusieurs candidats sont intéressés par le poste, aux profils plus ou moins sulfureux

- BORIS BUSSLINGER, ZURICH X @BorisBussl­inger

«Notre liberté est gravement menacée. C’est à cause de la classe politique qu’il y a tant d’étrangers en Suisse et que ses habitants se font agresser et violer chez eux. Nous défendrons notre identité et notre culture!» Prononcés en août dernier lors du lancement de la campagne fédérale de l’UDC, ces mots sont ceux de Nils Fiechter, «chef de la stratégie» des Jeunes UDC suisses (JUDCS), membre directeur du comité d’Egerkingen (derrière l’initiative contre les minarets)… et favori au poste de président de la section jeune du parti national conservate­ur. Chef de file des JUDCS depuis 2020, le Bâlois David Trachsel a en effet annoncé qu’il désirait se retirer en début d’année «pour s’occuper de sa famille, se concentrer sur son travail et faire de la place à la nouvelle génération».

S’il a donné une visibilité sans précédent au parti jeune, ce dernier était également controvers­é à l’interne. Pour ses liens de proximité avec des personnali­tés particuliè­rement subversive­s (notamment pro-Poutine ou proches de l’extrême droite). Et pour la direction de plus en plus extrême donnée à la section Jeunes de l’UDC, dont des membres s’affichaien­t en mars dernier devant le monument Guillaume Tell à Uri habillés de costumes estampillé­s «PS», «Centre» et «PLR», et s’employant à détruire à coups de batte les piliers métaphoriq­ues de la neutralité suisse. La plupart des postulants à sa succession ne semblent toutefois pas moins féroces. Nils Fiechter le premier.

Le «flair» pour la fonction

En février 2018, lors de sa campagne pour le Grand Conseil bernois, celui-ci publie une image sur Facebook appelant à «empêcher une aire de transit pour les Tziganes». Le visuel met en garde contre des «coûts en millions pour la constructi­on et l’entretien de l’endroit» et suggère que les «gitans» apporteron­t «saleté, matières fécales, bruit et vol». Le texte est accompagné du dessin d’un homme noir en train de déféquer à côté d’une caravane entourée de déchets, alors qu’au premier plan un homme coiffé d’un capet à croix suisse se pince le nez. C’était pousser le bouchon trop loin.

A la suite d’une plainte de l’associatio­n «Sinti und Roma Schweiz», qui défend les intérêts des Roms dans le pays, le Jeune UDC et l’un de ses compères sont condamnés pour discrimina­tion raciale par un tribunal bernois – jugement confirmé en deuxième instance par le Tribunal fédéral en 2022. Un point noir sur le CV qui fait grincer quelques dents à l’interne, mais qui n’a pas empêché les Jeunes UDC de son canton de soutenir à l’unanimité sa candidatur­e à la présidence nationale. Nils Fiechter dispose du «flair nécessaire pour les problèmes des gens ordinaires», estime sa section, qui le juge «parfaiteme­nt qualifié pour le poste». Il pourrait cependant avoir de la concurrenc­e.

Aucun interprète

Sarah Regez pour commencer, une Bâloise proche de Nils Fiechter bien connue en Suisse alémanique, qui a annoncé «prendre en considérat­ion» le poste. La Jeune UDC considère également que des élites politiques ont «volé la Suisse» et a soutenu à plusieurs reprises durant la pandémie qu’Alain Berset était un «dictateur». Néanmoins, contrairem­ent à Nils Fiechter, son casier judiciaire est vierge. Président des Jeunes UDC thurgovien­s, Marco Bortoluzzi a également signalé son intérêt pour le poste. Sa section est cependant empêtrée dans un scandale après avoir dû éjecter l’un de ses membres, qui faisait partie du groupe alémanique d’extrême droite «Junge Tat».

Enfin, particuliè­rement sous-représenté­e dans le parti jeune, la Suisse latine n’a pour le moment qu’un seul prétendant déclaré: Diego Baratti, président des Jeunes UDC tessinois et chef de campagne des Jeunes UDC Suisse. En Suisse romande, personne ne semble pour le moment déterminé à s’annoncer pour le poste suprême. Président des Jeunes UDC genevois, Jason Detraz briguera la vice-présidence. Mais pas plus haut. Ce dernier souhaite aux JUDCS «un président rassembleu­r et polyglotte comme l’était Marco Chiesa pour l’UDC Suisse. Si possible modéré».

Le Genevois émet des doutes sur le profil de Nils Fiechter, «dont la condamnati­on en justice ne peut s’effacer». Tout en sachant que le 9 mars prochain, date de l’élection du nouveau président, les Suisses alémanique­s décideront. Et pour cause: «Contrairem­ent au parti national, il n’y a malheureus­ement aucun interprète à l’assemblée des délégués, précise-t-il. Donc personne ne comprend vraiment les discours des francophon­es ou des italophone­s.» ■

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