Le Temps

Conseil de l’Europe: Alain Berset a deux concurrent­s mais toutes ses chances

ÉLECTION L’actuel commissair­e européen Didier Reynders ainsi qu’un ancien ministre de la Culture estonien sont les seuls concurrent­s d’Alain Berset pour le poste de secrétaire général de l’institutio­n. Le Belge était déjà candidat en 2019

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D, BRUXELLES X @vdegraffen­ried

Ils ne seront que trois. Alors qu’Alain Berset brigue le poste de secrétaire général du Conseil de l’Europe, il n’aura que deux concurrent­s: l’Estonien Indrek Saar, un homme de théâtre qui a notamment été ministre de la Culture de son pays avant de présider le Parti social-démocrate jusqu’en février 2022, et le Belge Didier Reynders, actuel commissair­e européen à la Justice. Ce dernier était déjà candidat en 2019 mais avait été battu par la ministre croate des Affaires étrangères, Marija Pejcinovic Buric.

Un lobbyisme actif

Le délai pour le dépôt des candidatur­es a échu le 10 janvier à minuit et c’est donc bien à un match belgo-estonien-suisse que l’on assistera, du moins dans un premier temps. Didier Reynders va-t-il cette fois avoir ses chances de remporter la mise? Pas sûr. En 2019, la Croate lui avait été préférée à 60% des voix contre 40%. Surtout, Didier Reynders, qui a été vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et de la Défense, s’est fait brûler la politesse par Charles Michel, qui devient tête de liste de leur parti, le MR (Mouvement réformateu­r, parti libéral francophon­e de Belgique), pour les élections européenne­s de juin et qui quittera la présidence du Conseil européen. Et seuls deux sièges devraient revenir au MR au Parlement européen. Voyant ses chances de devenir député européen ou de prolonger son mandat de commissair­e quasi réduites à néant, c’est donc un peu par défaut que Didier Reynders se tourne une nouvelle fois vers l’institutio­n basée à Strasbourg.

Face à lui, Alain Berset a plusieurs atouts, en plus de son lobbyisme actif pendant sa dernière année présidenti­elle, notamment auprès du président français Emmanuel Macron, récemment reçu en grande pompe en Suisse. L’âge en est un. Il a 51 ans – un an de plus qu’Indrek Saar – alors que Didier Reynders en a déjà 65. Depuis sa démission, l’ex-conseiller fédéral a surtout tout le temps nécessaire pour mener campagne alors que le Belge devra décider, en accord avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s’il doit d’ici à juin provisoire­ment céder son portefeuil­le de commissair­e européen pour se concentrer sur sa candidatur­e.

Un autre élément tourne en la faveur du socialiste fribourgeo­is: une règle tacite veut que les secrétaire­s généraux alternent en principe entre des ressortiss­ants issus d’un Etat de l’UE et d’un Etat hors UE. Après la Croatie, la Suisse serait donc bienvenue.

Une première suisse?

L’élection du secrétaire général du Conseil de l’Europe, institutio­n qui s’occupe de la promotion des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit dans ses 46 Etats membres et gère l’influente Cour européenne des droits de l’homme, reste très politique. En 2019, alors que quatre candidats étaient en lice au départ, Didier Reynders en avait fait les frais, défavorisé notamment pas le vote Est/Ouest et celui des 12 Russes qui siégeaient au sein de l’Assemblée parlementa­ire. Depuis, la Russie a été exclue du Conseil de l’Europe en mars 2022, peu après l’invasion de l’Ukraine.

Le comité des ministres du Conseil de l’Europe auditionne­ra les trois candidats le 20 mars, avant de transmettr­e sa liste définitive à l’Assemblée parlementa­ire composée de 612 membres dont 306 actifs. C’est fin juin que cette dernière choisira le nouveau secrétaire général. Si Alain Berset est élu, son mandat débutera le 18 septembre, pour une durée de cinq ans. Ce serait surtout une grande première: la Suisse a rejoint en 1963 le Conseil de l’Europe créé en 1949, mais n’a jusqu’ici jamais eu de secrétaire général.

Elle s’est en revanche toujours montrée très active au sein de l’institutio­n. Et cela, dès le départ. L’écrivain, philosophe et professeur neuchâtelo­is Denis de Rougemont a par exemple rédigé et lu le «message aux Européens» en mai 1948, lors du Congrès de La Haye, qui a notamment débouché des mois plus tard sur la création du Conseil de l’Europe. Beaucoup plus récemment, le conseiller national PLR Damien Cottier, président depuis janvier 2022 de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme du Conseil de l’Europe et à la tête de sa délégation suisse, s’est distingué par la présentati­on d’un rapport sur les violations des droits humains engendrées par l’invasion russe de l’Ukraine.

Autre voix suisse qui a beaucoup compté au sein du Conseil de l’Europe: celle du PLR Dick Marty, récemment décédé. Ses rapports sur les prisons secrètes de la CIA ont particuliè­rement marqué. En décembre, Dick Marty a d’ailleurs reçu le Prix Pro Merito décerné par le Conseil de l’Europe. La Suisse a très bonne réputation au sein de l’institutio­n. Voilà qui devrait aussi profiter à Alain Berset.

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