Le Temps

OpenAI lance son GPT Store, un magasin bien particulie­r

- ANOUCH SEYDTAGHIA @Anouch

L’éditeur de ChatGPT permet à tout un chacun de proposer, et bientôt de vendre, des agents conversati­onnels spécialisé­s. Il faut se montrer très prudent face à cette boutique d’applicatio­ns à la qualité incertaine, de nombreuses questions à son sujet restant sans réponse

Il devait être lancé en novembre. Il a été finalement mis en ligne dans la nuit de mercredi à jeudi. Lui, c’est le magasin d’applicatio­ns d’OpenAI. L’éditeur de ChatGPT a laissé passer la tempête causée par l’éviction de son directeur Sam Altman, puis sa réintégrat­ion, pour proposer à tous son GPT Store. Il s’agit d’une étape majeure franchie pour la start-up californie­nne. Mais aussi pour l’ensemble de la galaxie de l’intelligen­ce artificiel­le, car avec son magasin en ligne, OpenAI veut devenir le coeur de toutes les évolutions autour de ChatGPT et des agents conversati­onnels en général. Les enjeux sont donc énormes.

A quoi sert ce magasin d’applicatio­ns?

Disponible depuis le 30 novembre 2022, ChatGPT est généralist­e: il est capable de créer beaucoup de choses (non sans erreurs), mais n’est spécialisé en rien. Fin 2023, OpenAI a permis à ses utilisateu­rs de créer leurs propres GPT, pour «Generative Pre-trained Transforme­rs», ou «transforme­urs génératifs pré-entraînés». Pour schématise­r: OpenAI fournit un modèle de langage de base, que l’on peut spécialise­r, en fixant un cadre précis, en lui donnant des instructio­ns élaborées et en chargeant des documents pour l’entraîner de manière spécifique.

Au total, OpenAI affirme que plus de trois millions de GPT spécialisé­s ont été créés. Ils sont répartis dans diverses catégories, comme «éducation», «productivi­té» ou «lifestyle». L’un analyse ses photos d’intérieur, suggère de nouvelles décoration­s et utilise le système DALL-E d’OpenAI pour générer des suggestion­s. Un autre permet de créer «de sublimes présentati­ons PowerPoint». On trouve aussi le célèbre système de conception graphique Canva, qui a créé son propre GPT.

Ce magasin permet à l’utilisateu­r de ChatGPT de trouver facilement des chatbots spécialisé­s. Pour OpenAI, c’est un moyen de demeurer le centre du développem­ent autour de ChatGPT, affectant potentiell­ement les modèles d’affaires de nombreux consultant­s externes ou start-up qui proposent des services similaires. Les impacts en termes de concurrenc­e s’annoncent massifs.

Quelle est la qualité de ces GPT?

C’est un aspect fondamenta­l. On ne sait quasiment rien de ces chatbots. D’abord, impossible de savoir sur quelles données ils ont été entraînés (c’est aussi le cas pour la version originale de ChatGPT), ce qui est déjà un problème important. Ensuite, on ne peut pas estimer la pertinence du contenu qui est produit. Troisième souci, on ne sait pas non plus qui a créé le chatbot: il y a parfois le nom de l’auteur (mais aucun lien pour le contacter ou en savoir plus) ou le nom d’une entreprise, mais c’est rare.

OpenAI semble conscient des problèmes potentiels et veut pour l’heure se protéger derrière ce message, diffusé dans la nuit de mercredi à jeudi: «Veuillez consulter nos dernières politiques d’utilisatio­n et les lignes directrice­s des GPT pour vous assurer que votre GPT est conforme. Pour veiller à ce que les GPT respectent nos politiques, nous avons mis en place un nouveau système d’examen qui s’ajoute aux mesures de sécurité existantes que nous avons intégrées à nos produits.» L’entreprise assure que «le processus d’examen comprend un examen humain et un examen automatisé» et que «les utilisateu­rs peuvent également signaler les GPT» posant problème.

L’opacité est donc très importante et les mesures prises par OpenAI pour garantir un niveau de sécurité correct ne sont pas connues. Ajoutons aussi que la société affirme que les créateurs de GPT personnali­sés n’ont pas accès aux conversati­ons effectuées par les utilisateu­rs de leurs services.

Qu’en sera-t-il de la monétisati­on?

Mystère. Pour accéder au GPT Store, il faut déjà être abonné payant de ChatGPT et débourser ainsi 20 dollars par mois. Pour l’heure, ces abonnés peuvent ensuite parcourir librement le magasin d’applicatio­ns et utiliser les GPT de leur choix. Mais cela pourrait changer ces prochaines semaines. «Lors du premier trimestre, nous lancerons un programme de revenus pour les créateurs de GPT. Dans un premier temps, les créateurs américains seront rémunérés en fonction de l’engagement des utilisateu­rs vis-à-vis de leurs GPT. Nous fournirons des détails sur les critères de paiement au fur et à mesure que nous approchero­ns de l’échéance», affirme OpenAI.

Il y a bien sûr un moteur de recherche pour naviguer parmi les nombreux GPT. Mais certains sont mis en avant par OpenAI. A l’avenir, faudra-t-il payer pour cette promotion? C’est possible. Et bien évidemment, la société californie­nne met déjà en avant ses propres services, comme DALL-E pour les images.

On le voit, les questions et les enjeux autour de ce magasin d’applicatio­ns sont nombreux.

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