Le Temps

L’ETF spot sur le bitcoin autorisé

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

La SEC, surveillan­te de la finance américaine, n’avait quasiment plus le choix, depuis une décision de justice de fin octobre. Ce feu vert ne signifie pas qu’elle se montrera plus conciliant­e avec les actifs numériques

«Nous n’avons ni approuvé ni cautionné le bitcoin». En autorisant mercredi la mise sur le marché du premier ETF au comptant sur le bitcoin, le gendarme de la finance américaine aurait tout aussi pu dire qu’il continuait à détester les cryptomonn­aies, mais qu’il n’a pas eu le choix.

Cette annonce, très attendue par les milieux financiers, ne signifie pas que la SEC va se montrer plus accueillan­te ou conciliant­e envers tout ce qui touche à la crypto. Pour le régulateur, ce type d’actifs attire les arnaqueurs en tout genre, ce qui induit un risque pour le grand public. Ironie de l’histoire, la SEC a elle-même été victime d’une arnaque quelques heures avant l’annonce de sa décision, s’étant fait hacker son compte sur le réseau social X.

«Arbitraire et capricieus­e»

Après avoir refusé 20 projets similaires entre 2018 et mars 2023, la SEC a cette fois approuvé à contrecoeu­r le principe d’un ETF dit «spot» sur le bitcoin. Il s’agit d’un fonds de placement coté en bourse qui investit directemen­t en bitcoin. Comme pour un ETF adossé à l’or, il s’agit d’acheter, stocker et vendre des parts de cet actif. Ces parts peuvent être achetées aussi facilement que n’importe quelle action depuis un compte bancaire. Leur valeur augmentera ou baissera selon l’évolution du cours du bitcoin.

En fait, la main de la SEC a été forcée par la justice. Plus précisémen­t par une décision du 23 octobre dernier, qui donnait raison à Grayscale, la société derrière l’un des 20 projets précédemme­nt écartés. Le tribunal avait estimé que la décision de la SEC dans ce dossier était «arbitraire et capricieus­e» et que le régulateur des marchés n’avait pas suffisamme­nt expliqué pourquoi il avait autorisé des produits financiers similaires. On touche là un élément fondamenta­l de la réflexion de la SEC concernant le bitcoin.

Elle a toujours refusé un ETF au comptant, car elle estimait (ou estime encore, selon toute vraisembla­nce) que le prix du bitcoin pouvait facilement être manipulé. En conséquenc­e, la SEC avait autorisé des ETF se basant sur des contrats à terme, appelés futures, sur le bitcoin. Pour la SEC, comme le marché des futures est plus grand, sa manipulati­on est plus compliquée. La limite de son raisonneme­nt est que si un instrument financier est basé sur un actif manipulé, il semble optimiste de considérer que le cours de l’instrument financier lui-même ne sera pas faussé. Mais c’est un détail.

L’enseigneme­nt important du vert feu à des ETF spot sur le bitcoin est que la SEC ne va pas changer de dispositio­n visà-vis des actifs numériques. Elle ne va pas autoriser le lancement d’autres produits financiers associés aux cryptos. Elle continuera à considérer ces dernières – à l’exception du bitcoin et de l’ethereum – comme des valeurs mobilières, et donc sujettes aux lois qui s’appliquent aux actions, obligation­s ou autres instrument­s plus traditionn­els.

Visée par une fraude

Bref, le désamour de la SEC pour les cryptos est là pour durer. Lorsqu’on considère le nombre d’arnaques qui ont été basées sur ces instrument­s, on peut difficilem­ent la blâmer. D’un autre côté, des fraudes existent aussi en lien avec le dollar ou des actions cotées en bourse tout à fait classiques.

La SEC a d’ailleurs été elle-même victime d’une fraude ou d’une manipulati­on dans les heures qui ont précédé l’annonce de son approbatio­n de l’ETF au comptant. De petits malins ont pris le contrôle de son compte sur la plateforme sociale X et annoncé qu’elle donnait son feu vert. Ce que le patron de la SEC, Gary Gensler, a rapidement démenti, affirmant que l’agence ne s’était pas encore prononcée. Avant d’officialis­er son approbatio­n quelques heures plus tard.

Dernier point, ce faux tweet n’a pas fait bouger massivemen­t le cours du bitcoin. On aurait pu croire que ce serait le cas, voire le but, puisque les nouveaux ETF devraient permettre l’arrivée de nouveaux investisse­urs, ce qui devrait pousser le cours à la hausse. Sauf que cette nouvelle a été largement anticipée, le bitcoin ayant déjà progressé d’environ 50% depuis octobre. Et de 6% environ depuis l’aval de la SEC, à un peu moins de 48000 dollars hier en milieu d’après-midi heure suisse, rien que de très ordinaire.

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