Rosa Feola envoûtante et inattendue dans Verdi
La soprano italienne a remplacé au pied levé Julie Fuchs au Concert de l’An des Amis de l’OSR, mercredi soir au Victoria Hall. Et elle a conquis l’assistance
On attendait avec impatience la soprano française Julie Fuchs pour le Concerto de l’An des Amis de l’OSR (Orchestre de la Suisse romande), mercredi soir à Genève. Mais déclarée souffrante le matin même du concert, elle a déclaré forfait. L’OSR a dû trouver en vitesse une autre cantatrice, arrivée en jet privé à 16h à Genève. Au final, la soprano italienne Rosa Feola s’en est remarquablement sortie au vu des circonstances. Et elle n’a changé qu’un seul air dans tout le programme.
De type généreux et expansif, le chef Antonino Fogliani dirige avec élan et instinct dramatique. De toute évidence, il aime bien le «grand son» et s’en donne à coeur joie avec des accents marqués, un peu lourds, là où un degré de raffinement supplémentaire – et de précision – ne ferait pas de mal. Antonino Fogliani et la cantatrice, au naturel envoûtant, ont partagé une belle complicité.
Rosa Feola affiche d’emblée une belle couleur de voix, ronde, chaleureuse – aux aigus lumineux – légèrement nimbée d’ombres quand il le faut. On y trouve une volupté qui tranche avec des timbres plus aériens et scintillants. La voix affiche une tenue de souffle et un contrôle constant sur le volume qui lui permettent de nuancer les dynamiques au sein de longues phrases.
Féminité candide et mutine
Elle se montre suave et sensuelle, sans trop en faire, dans l’air de Suzanne au quatrième acte des
Noces de Figaro. Elle compose une Musetta aguicheuse et dégourdie, le genre de femme coquette qui attise le désir des hommes en toute conscience. Plus tard, en bis, elle chantera le merveilleux air de Mimi, au premier acte de
La Bohème, avec ce même naturel, une sorte de candeur innocente, mais sur une note plus lyrique et soutenue qui correspond à la deuxième partie de l’air; on regrette d’ailleurs que l’accompagnement orchestral la couvre dans le grand crescendo. Le fameux O mio babbino caro complète ce bouquet d’airs pucciniens.
Rosa Feola domine le grand air de La Traviata au premier acte avec ses sections contrastées, tout comme elle illumine la
Valse de Juliette de Gounod. Seule ombre au tableau, l’air de Pamyra dans Le Siège de Corinthe de Rossini, chanté en italien, où l’on sent qu’elle déchiffre la musique à vue et où la ligne de chant est insuffisamment extatique. Côté orchestre, les cuivres et la percussion rougeoient dans l’ouverture Cavalerie légère de Franz von Suppé, et l’on savoure les différents pupitres dans le très beau Capriccio sinfonico du jeune Puccini. Une soirée réussie, donc, en dépit d’un remplacement dans des conditions sportives.
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