Une rave chez les Papous
Le documentaire «Our Wisisi Music», consacré à la scène électronique de Papouasie occidentale, est montré ce samedi au Norient Festival de Berne. Présentation
On n’a pas pour habitude, dans nos cartographies mentales, de retenir la Papouasie occidentale comme un foyer de musiques émergentes. C’est un tort, et le Norient Festival, à Berne, va montrer pourquoi.
Ce samedi à la Reitschule, vous pourrez découvrir, en première européenne, un documentaire intitulé Our Wisisi Music. «Wisisi», kézako? On entend par là une danse et un genre musical des peuples indigènes des montagnes de Papouasie occidentale. Il pourrait s’agir à l’origine d’une danse exécutée lors de rituels de deuil, mais qui s’est ensuite sécularisée pour devenir une pure expression festive.
Nouvelle mue contemporaine: le Wisisi – et c’est là le pitch du film d’Arief The Budiman, Harun Rumbarar et Bonny Lanny – passe désormais au filtre des musiques électroniques. Une métamorphose que l’on doit principalement à deux musiciens (le pionnier, Nikolas Surabut, et l’épigone, Asep Nayak) et à leur sens de la débrouillardise. Sur la page Bandcamp qui permet de se procurer son disque (Etai Wisisi Waga O Wamena Hanorasuok), Asep Nayak raconte le parcours de son devancier: «En 2009, Nikolas a commencé à consulter des amis plus âgés dont il savait qu’ils «faisaient de la musique avec des ordinateurs». Ils l’ont orienté vers un logiciel de production musicale universel: Fruity Loops Studio, plus connu sous le nom de FL Studio. Léger, simple à utiliser et facile à pirater, ce logiciel est devenu l’arme de prédilection des producteurs de musique en herbe disposant d’un budget limité et d’un matériel encore plus limité.»
«Quand j’ai joué ma musique, les haut-parleurs ont pris feu» ASEP NAYAK, ARTISTE PAPOU
Ce Wisisi revisité se démarque bien entendu de son modèle traditionnel par les sonorités synthétiques qui constituent son vocabulaire de base. Il en augmente aussi considérablement le tempo et les vertus inflammables: l’ancêtre proposait des mélopées syncopées mais languides, le descendant cogne avec le sourire aux lèvres. Et ça marche: Our Wisisi Music offre le témoignage du développement exponentiel de cette scène, des contreforts montagneux de l’île à la capitale de la province, Jayapura. Asep Nayak raconte: «J’ai été invité à m’y produire récemment. Quand j’ai joué ma musique, les haut-parleurs ont pris feu! Ils ne savent pas encore comment gérer cette musique…»
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