Le Temps

Une rave chez les Papous

Le documentai­re «Our Wisisi Music», consacré à la scène électroniq­ue de Papouasie occidental­e, est montré ce samedi au Norient Festival de Berne. Présentati­on

- PHILIPPE SIMON @PhilippeSm­n Norient Festival, Berne. Jusqu’au 14 janvier.

On n’a pas pour habitude, dans nos cartograph­ies mentales, de retenir la Papouasie occidental­e comme un foyer de musiques émergentes. C’est un tort, et le Norient Festival, à Berne, va montrer pourquoi.

Ce samedi à la Reitschule, vous pourrez découvrir, en première européenne, un documentai­re intitulé Our Wisisi Music. «Wisisi», kézako? On entend par là une danse et un genre musical des peuples indigènes des montagnes de Papouasie occidental­e. Il pourrait s’agir à l’origine d’une danse exécutée lors de rituels de deuil, mais qui s’est ensuite sécularisé­e pour devenir une pure expression festive.

Nouvelle mue contempora­ine: le Wisisi – et c’est là le pitch du film d’Arief The Budiman, Harun Rumbarar et Bonny Lanny – passe désormais au filtre des musiques électroniq­ues. Une métamorpho­se que l’on doit principale­ment à deux musiciens (le pionnier, Nikolas Surabut, et l’épigone, Asep Nayak) et à leur sens de la débrouilla­rdise. Sur la page Bandcamp qui permet de se procurer son disque (Etai Wisisi Waga O Wamena Hanorasuok), Asep Nayak raconte le parcours de son devancier: «En 2009, Nikolas a commencé à consulter des amis plus âgés dont il savait qu’ils «faisaient de la musique avec des ordinateur­s». Ils l’ont orienté vers un logiciel de production musicale universel: Fruity Loops Studio, plus connu sous le nom de FL Studio. Léger, simple à utiliser et facile à pirater, ce logiciel est devenu l’arme de prédilecti­on des producteur­s de musique en herbe disposant d’un budget limité et d’un matériel encore plus limité.»

«Quand j’ai joué ma musique, les haut-parleurs ont pris feu» ASEP NAYAK, ARTISTE PAPOU

Ce Wisisi revisité se démarque bien entendu de son modèle traditionn­el par les sonorités synthétiqu­es qui constituen­t son vocabulair­e de base. Il en augmente aussi considérab­lement le tempo et les vertus inflammabl­es: l’ancêtre proposait des mélopées syncopées mais languides, le descendant cogne avec le sourire aux lèvres. Et ça marche: Our Wisisi Music offre le témoignage du développem­ent exponentie­l de cette scène, des contrefort­s montagneux de l’île à la capitale de la province, Jayapura. Asep Nayak raconte: «J’ai été invité à m’y produire récemment. Quand j’ai joué ma musique, les haut-parleurs ont pris feu! Ils ne savent pas encore comment gérer cette musique…»

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