Le Temps

Le harcèlemen­t à l’écran et ses effets

De «Carrie» (1976) à «Retour vers le futur» (1985), de «Karate Kid» (1984) à «Moonlight» (2016), les harceleurs et harceleuse­s peuplent les films comme les séries. Pour le meilleur et pour le pire

- V. N.

Regina et ses sbires ne sont en réalité pas aussi uniques qu’elles l’imaginent. En effet, les harceleurs séviraient depuis les années 1930, a observé Patrice Oppliger, professeur­e assistante en science des médias à l’Université de Boston dans son ouvrage Bullies and Mean Girls in Popular Culture. «C’est un ressort scénaristi­que facile. Dans toute forme de récit, il y a un conflit, et la hiérarchie sociale dans le cadre scolaire est une expérience que beaucoup de spectatric­es et spectateur­s ont vécue: ils peuvent aisément s’identifier.»

Depuis la sortie de Mean Girls, l’expression a même intégré le langage courant. Une manière de rendre visible le phénomène du harcèlemen­t scolaire, mais pas sans les clichés qui vont avec. «D’un point de vue féministe, on pourrait argumenter que cette expression caractéris­e les filles uniquement, et non les garçons, comme des harceleuse­s, perpétuant le stéréotype que les filles sont superficie­lles et vaches, qu’elles se crêpent le chignon, sont impitoyabl­es les unes avec les autres.»

«L’importance de trouver de vrais amis»

Le scénario est d’ailleurs loin de représente­r la réalité des victimes, souligne Patrice Opplinger. «Et si l’idée était de dénoncer la méchanceté, on n’y est pas tout à fait: les actions des Plastiques ne connaissen­t que des conséquenc­es minimes. Mais le film relève tout de même l’importance de trouver un groupe de vrais amis comme Cady, qui la soutiennen­t même quand tout le reste s’effondre. Et encore une fois, Mean Girls a permis aux jeunes filles de se dire: je ne suis pas seule!» Si le divertisse­ment ne doit pas forcément se faire pédagogue, pour l’autrice, ces représenta­tions contrastée­s du harcèlemen­t peuvent déboussole­r les premiers concernés.

«A mon sens, il faut surtout favoriser l’éducation aux médias à l’école, pour permettre aux jeunes de faire le tri et, au besoin, de se réorienter vers de meilleurs outils, des modèles plus inspirants. L’objectif n’est pas tant de produire moins de films superficie­ls sur le sujet mais d’en proposer davantage de plus réalistes, et de les soutenir – à l’image de ce que Barbie a fait avec les récits de femmes fortes!

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