«Terrorisme», «génocide» et autres charges explosives
Pendant des semaines, après le 7 octobre, il a été impossible de mentionner le mot «Hamas» sans y ajouter celui de «terroriste». Ne pas qualifier d’«atroce» ou de «sauvage» l’attaque dont le Hamas s’est rendu coupable en tuant 1200 Israéliens suffisait – et suffit encore bien souvent – à vous placer irrémédiablement dans le camp du mal absolu.
Place aujourd’hui à un autre terme, celui de «génocide». Trois mois et 23 000 morts palestiniens plus tard, la Cour internationale de justice de La Haye doit se pencher sur une question ardue entre toutes.
Les deux camps se renvoient la même accusation
Celle de savoir si Israël s’est rendu coupable d’actes de génocide contre la population de Gaza, ou d’incitations verbales qui pourraient faire craindre la mise en oeuvre ou la possibilité d’un tel acte. Comme en miroir, la situation s’est inversée: impossible, désormais, d’évoquer le sort des Palestiniens, chez leurs défenseurs les plus fervents, sans évoquer ce «crime des crimes», ce «fléau odieux», comme le qualifie la convention internationale qui le punit, et doit chercher coûte que coûte à le prévenir.
Les deux jours d’auditions qui se sont déroulés à La Haye et les réactions qui les ont accompagnés l’ont bien montré: quelle que soit la décision que prendront finalement les juges, cela ne réglera rien, ou si peu. Si tant est qu’il puisse être résolu, le conflit israélo-palestinien ne le sera pas par l’adoption d’un terme, aussi puissant et définitif soit-il.
Chercher à verrouiller encore plus le débat plutôt que de trouver – enfin – le moyen de l’ouvrir honnêtement? Les deux camps se renvoient la même accusation. Ici se mêlent les arcs de l’histoire la plus douloureuse: la Shoah, précisément à l’origine de la Convention sur le génocide, et le massacre de Sabra et Chatila, au Liban en 1982, largement comparable pour les Palestiniens à l’attaque du 7 octobre, pour ne prendre que celle-ci.
Depuis un demi-siècle, toutes les autres voies, politiques, amicales, bilatérales, internationales, ont été systématiquement bouchées. Mais celle d’un recours à la victimisation exclusive, de part et d’autre, ne pourra pas les remplacer. ■