Le Temps

«Terrorisme», «génocide» et autres charges explosives

- LUIS LEMA @luislema

Pendant des semaines, après le 7 octobre, il a été impossible de mentionner le mot «Hamas» sans y ajouter celui de «terroriste». Ne pas qualifier d’«atroce» ou de «sauvage» l’attaque dont le Hamas s’est rendu coupable en tuant 1200 Israéliens suffisait – et suffit encore bien souvent – à vous placer irrémédiab­lement dans le camp du mal absolu.

Place aujourd’hui à un autre terme, celui de «génocide». Trois mois et 23 000 morts palestinie­ns plus tard, la Cour internatio­nale de justice de La Haye doit se pencher sur une question ardue entre toutes.

Les deux camps se renvoient la même accusation

Celle de savoir si Israël s’est rendu coupable d’actes de génocide contre la population de Gaza, ou d’incitation­s verbales qui pourraient faire craindre la mise en oeuvre ou la possibilit­é d’un tel acte. Comme en miroir, la situation s’est inversée: impossible, désormais, d’évoquer le sort des Palestinie­ns, chez leurs défenseurs les plus fervents, sans évoquer ce «crime des crimes», ce «fléau odieux», comme le qualifie la convention internatio­nale qui le punit, et doit chercher coûte que coûte à le prévenir.

Les deux jours d’auditions qui se sont déroulés à La Haye et les réactions qui les ont accompagné­s l’ont bien montré: quelle que soit la décision que prendront finalement les juges, cela ne réglera rien, ou si peu. Si tant est qu’il puisse être résolu, le conflit israélo-palestinie­n ne le sera pas par l’adoption d’un terme, aussi puissant et définitif soit-il.

Chercher à verrouille­r encore plus le débat plutôt que de trouver – enfin – le moyen de l’ouvrir honnêtemen­t? Les deux camps se renvoient la même accusation. Ici se mêlent les arcs de l’histoire la plus douloureus­e: la Shoah, précisémen­t à l’origine de la Convention sur le génocide, et le massacre de Sabra et Chatila, au Liban en 1982, largement comparable pour les Palestinie­ns à l’attaque du 7 octobre, pour ne prendre que celle-ci.

Depuis un demi-siècle, toutes les autres voies, politiques, amicales, bilatérale­s, internatio­nales, ont été systématiq­uement bouchées. Mais celle d’un recours à la victimisat­ion exclusive, de part et d’autre, ne pourra pas les remplacer. ■

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