Le Temps

Davos attend le WEF de pied ferme

Les présidents ukrainien et israélien ou encore le premier ministre chinois se rendront au Forum économique mondial cette année. Pas de quoi tourmenter la police grisonne et l’armée suisse, qui voient stoïquemen­t venir le défi annuel

- BORIS BUSSLINGER, DAVOS @BorisBussl­inger

Dix heures du matin, devant la «House of Switzerlan­d» de Davos, à deux pas du centre des congrès. Ces prochains jours, Volodymyr Zelensky, Isaac Herzog, Li Qiang, Antony Blinken, Emmanuel Macron, Bill Gates ou encore Javier Milei, le nouveau président argentin, seront dans le secteur. Et les forces de l’ordre locales les attendent de pied ferme. «Les mesures de sécurité ont été renforcées par rapport à l’année dernière», précise ce vendredi aux médias Walter Schlegel, le commandant de la police grisonne. Sans dramatiser pour autant. «Globalemen­t, la situation est la même que les autres années», rassure le divisionna­ire Maurizio Dattrino, responsabl­e de l’engagement de l’armée durant le WEF, qui estime que tout est en place pour que le grand événement se déroule de manière pico bello.

«Comme d’habitude»

C’est la dernière ligne droite avant le WEF. Sur la «promenade» de Davos, l’avenue principale du village, un trafic d’enfer coince les transports publics. Et les trottoirs sont encombrés de matériel de constructi­on et de fauteuils noirs encore recouverts de plastique. Des maçons retouchent les stands de Bloomberg, IBM ou des Emirats arabes, dont le slogan incisif «Impossible Is Possible» brille au soleil. Tandis que des peintres grisons zigzaguent entre quelques délégués indiens réunis sous un écriteau géant «Invest in Tamil Nadu», qui encourage à délier sa bourse dans la région septentrio­nale du sous-continent. L’armée suisse est également omniprésen­te, bricolant des ajustement­s de dernière minute aux checkpoint­s installés à l’entrée des zones sécurisées, déroulant des barbelés dans la neige et, dans les nuages, vrombissan­t derrière le manche à balai des avions de chasse en phase de rodage. «Je ne peux pas vous dire combien de F/A-18 seront engagés durant le WEF, commente Maurizio Dattrino, les yeux tournés vers le ciel. Mais nous allons surveiller le périmètre 24h/24. Nous travaillon­s en partenaria­t avec l’Autriche, dont les avions survoleron­t aussi le secteur. Le parlement a autorisé un déploiemen­t pouvant aller jusqu’à 5000 militaires. Actuelleme­nt il y en a un peu plus de 3000. C’est comme chaque année. Comme d’habitude. Au sol, nous sommes présents avec 600 véhicules et nos hommes ont posé plus de 52 kilomètres de clôtures. Les cadres sont là depuis la semaine dernière, les miliciens sont arrivés lundi et ont passé les tests requis. Nous sommes prêts.» Derrière lui, une dizaine d’hommes serrent les dents à l’ombre, alignés dehors afin de présenter aux médias les moyens engagés pendant le WEF.

«Les représenta­nts de certains Etats viennent quoi qu’il arrive avec leur propre service de sécurité, ajoute Walter Schlegel. Ceux-ci mènent leur mission à bien sur notre territoire après en avoir reçu l’autorisati­on de la part de Fedpol. Puis, une fois qu’ils s’en vont, la police grisonne reprend les rênes de la situation.» Les autorités du canton sont au sommet de la hiérarchie durant le forum, l’assistance de l’armée étant régie par «le principe de subsidiari­té», qui veut que la responsabi­lité de l’engagement incombe aux autorités civiles grisonnes. Du moins au sol. La sauvegarde de la souveraine­té aérienne étant une tâche fédérale, l’armée a la haute main sur l’azur. «Les conflits en Ukraine, au ProcheOrie­nt et la menace terroriste ont exacerbé les menaces», rappelle le commandant des forces de l’ordre cantonales. La vigilance est donc de mise. Deux événements «perturbate­urs» sont par ailleurs à l’agenda, a priori plutôt bénins.

Une marche «pour la justice mondiale» tout d’abord, qui devrait réunir une petite centaine de personnes entre le village de Küblis (GR) et Davos entre samedi et dimanche. Celle-ci désirait emprunter la route cantonale, toutefois elle devra prendre un chemin de montagne neigeux car l’axe routier «doit rester libre en cas d’urgence» (en 2023, un tribunal grison a rejeté une plainte des militants concernant la même demande. Ces derniers souhaitent désormais porter leur cas au Tribunal fédéral). Et une manifestat­ion «autorisée» des Jeunes socialiste­s intitulée «Smash WEF - Take back control!», qui se déroulera à la place de la poste de Davos. Soit à vingt minutes à pied du centre des congrès. Mais l’un des adversaire­s les plus redoutable­s pourrait finalement être invisible, estimait ce vendredi Maurizio Dattrino: «Il fait froid. Moins 16 °C ce matin. Et par ces températur­es, on perd rapidement sa concentrat­ion.» Triple ration de Capuns – plat grison particuliè­rement roboratif – pour tout le monde. ■

«Nous travaillon­s en partenaria­t avec l’Autriche, dont les avions survoleron­t aussi le secteur»

MAURIZIO DATTRINO, RESPONSABL­E DE L’ENGAGEMENT DE L’ARMÉE

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(DAVOS, 12 JANVIER 2024/GIAN EHRENZELLE­R/KEYSTONE) Les mesures de sécurité dans la station grisonne ont été renforcées par rapport à l’année dernière.

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