Alerte! On annonce un trafic fluide sur l’A1
Vous aimez les campagnes sanglantes? Réjouissez-vous. 2024 va nous réserver une guerre des transports dont la Suisse a le secret. Nous voterons en effet «contre la folie autoroutière» – l’intitulé de ce référendum étant à lui seul particulièrement prometteur – grâce au bon sens d’une trentaine d’organisations de gauche. Un attelage conduit par l’Association transports et environnement ainsi que Actif-trafic, grand organisateur de manifs contre tout véhicule qui n’est pas un wagon, un vélo ou une trottinette.
En cause: les largesses du conseiller fédéral Albert Rösti, qui a eu le mauvais goût d’offrir 5,3 milliards de francs pour six projets d’extension autoroutière, un cadeau validé par les Chambres fédérales. Dans le lot, (Hosanna!) figure l’élargissement de l’A1 entre Nyon et Genève, tronçon qui ne date que de 1964 et dont les bouchons quotidiens ne se résorbent qu’entre 2 et 4h du matin. Imaginez le tableau épouvantable si les Suisses devaient accepter ce projet d’autoroute à six voies: une circulation fluide, les villages de Terre-Sainte retournés à la tranquillité, les abords des villes de Nyon, Genève et Gland, privés d’embouteillages.
Une issue cauchemardesque pour les associations militantes soutenues par la gauche qui caressent le rêve d’éradiquer la bagnole de leur espace public. Comme si l’espèce humaine était taillée pour le renoncement et la contrition. Comme si les habitants des campagnes avaient les mêmes contraintes que les urbains pris dans le maillage étroit des transports publics. Comme si nous étions tous persuadés d’une fin du monde imminente, de Pékin à Bursins.
Un rapide coup d’oeil à l’Office fédéral de la statistique devrait pourtant les faire douter, puisqu’en 2023, 6,4 millions de véhicules routiers à moteur étaient immatriculés en Suisse, en progression de 41% par rapport à l’an 2000. D’ailleurs, d’autres animaux prédateurs pourraient privilégier ce mode de transport polluant, comme rappelé par le président du gouvernement valaisan, Christophe Darbellay, au micro de la RTS cette semaine: «Il est possible que certains loups ne soient pas venus à pied.» Entendez: réintroduits sournoisement par les écolos dans le coffre des caisses qu’ils entendent mettre à la casse.
Mais revenons à nos moutons. Pour les opposants à l’extension du réseau routier, il s’agit de crier fort au nom de l’intérêt supérieur. L’autre partie de l’opinion, elle, se tait comme à l’accoutumée. Non pas qu’elle nie l’évidence des efforts à fournir en matière climatique – d’ailleurs elle prend davantage le train et couvre ses toits de panneaux solaires – mais parce qu’elle n’en fait pas une raison de vivre. Et qu’elle nuance, voyant que les investissements ne vont pas qu’à la route, mais aussi au rail, au transport ferroviaire des marchandises comme annoncé cette semaine, et à la mobilité douce.
A ce propos, le Conseil municipal de la ville de Genève, toujours fort aise quand il s’agit de dépenses excessives pour la Cause, a accepté en commission un crédit de 54 millions pour la passerelle piétonne du Mont-Blanc. A partager entre la ville, le canton, la Confédération et une fondation. Je partage l’enthousiasme pour ce projet, même si je trouve que ça fait cher la balade à pinces. Mais j’espère que les canards du lac ne lanceront pas un référendum contre les bipèdes qui se refusent à nager.
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D’ailleurs, d’autres animaux prédateurs pourraient privilégier ce mode de transport polluant