Le Temps

Pardonne-moi, Eole!

- NICOLAS FASEL, PAUDEX (VD)

IMon très cher Eole, l y a quelque temps, dans cette rubrique «Vous et Nous» je mettais en cause ton souffle court sur les paysages helvétique­s. Je ne voulais pas t’offenser mais je te sais conscient de ne pas pouvoir faire mieux. Dès lors comment te demander un effort supplément­aire lors des chaudes nuits d’été où tu nous abandonnes et qu’éoliennes et panneaux solaires ne peuvent être d’aucune utilité pour faire tourner les ventilateu­rs dans des villes surchauffé­es.

Bien malgré toi, tu te retrouves à attiser la braise d’un débat qui non seulement clive ville et campagne mais qui révèle la participat­ion de politicien­s dans des sociétés éoliennes et qui donnent la priorité à l’approvisio­nnement énergétiqu­e aux dépens de la protection de la nature. Quel camouflet pour la biodiversi­té et la protection de l’environnem­ent! Quelle arrogance par rapport à la nature!

Les grands professeur­s et docteurs, puits de science s’il en est, débarquent avec leur calculette et nous disent que tu générerais assez d’électricit­é pour garantir un approvisio­nnement suffisant si tu soufflais correcteme­nt dans des aéroréacte­urs qui ne seront remplacés à grands frais que dans vingt ans(?). A-t-on provisionn­é leur remplaceme­nt, démantèlem­ent et la remise en état des sols et le reboisemen­t des forêts? Si leurs calculs sont si justes, pourquoi doivent-ils donner mauvaise conscience à ceux qui ne sont pas au vent portant et leur faire croire qu’en étant contre vents et marées, ils mettent en péril les génération­s futures? D’ailleurs, comment peuvent-ils prévoir ta force et ta constance dans un système ouvert quand la théorie du chaos en météorolog­ie pose une question importante: «Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il déclencher une tornade au Texas? (Edward Lorenz, 1979)»

Mais toi, en Suisse, tu n’es ni tramontane, ni mistral, parfois bise noire, vaudaire ou joran mais seulement par intermitte­nce. Et quand tu te fâches et envoies tes forts vents d’ouest, on doit revoir nos ambitions et arrêter les ventilateu­rs. Es-tu conscient de l’énergie que nous allons encore dépenser pour extraire les différents composés métallique­s nécessaire­s à la constructi­on de ces gros ventilateu­rs? Combien de tonnes de cuivre pour produire un MWh d’électricit­é, et combien de terres rares pour que ta douce brise fasse gémir une pale?

Oui, nous devons quitter notre dépendance aux énergies fossiles! Merci de ton aide dans les régions venteuses! Mais est-ce raisonnabl­e de devenir dépendants de l’extraction du cuivre, et de tous ces composés rares et chers? Nous voulons vivre dans un monde d’énergies renouvelab­les mais cela nécessite des matières premières non renouvelab­les et certaineme­nt pas inépuisabl­es. Maintenir tes bises sur les pales suisses va nous faire tomber de Charybde en Scylla.

Je te vois déprimé quand tu réalises que nous ne savons pas stocker l’énergie que tu produis. Je te vois enfin compréhens­if pour qu’en Suisse l’on arrête de vouloir te domestique­r et que l’on se concentre sur d’autres approches de production énergétiqu­e.

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