Pardonne-moi, Eole!
IMon très cher Eole, l y a quelque temps, dans cette rubrique «Vous et Nous» je mettais en cause ton souffle court sur les paysages helvétiques. Je ne voulais pas t’offenser mais je te sais conscient de ne pas pouvoir faire mieux. Dès lors comment te demander un effort supplémentaire lors des chaudes nuits d’été où tu nous abandonnes et qu’éoliennes et panneaux solaires ne peuvent être d’aucune utilité pour faire tourner les ventilateurs dans des villes surchauffées.
Bien malgré toi, tu te retrouves à attiser la braise d’un débat qui non seulement clive ville et campagne mais qui révèle la participation de politiciens dans des sociétés éoliennes et qui donnent la priorité à l’approvisionnement énergétique aux dépens de la protection de la nature. Quel camouflet pour la biodiversité et la protection de l’environnement! Quelle arrogance par rapport à la nature!
Les grands professeurs et docteurs, puits de science s’il en est, débarquent avec leur calculette et nous disent que tu générerais assez d’électricité pour garantir un approvisionnement suffisant si tu soufflais correctement dans des aéroréacteurs qui ne seront remplacés à grands frais que dans vingt ans(?). A-t-on provisionné leur remplacement, démantèlement et la remise en état des sols et le reboisement des forêts? Si leurs calculs sont si justes, pourquoi doivent-ils donner mauvaise conscience à ceux qui ne sont pas au vent portant et leur faire croire qu’en étant contre vents et marées, ils mettent en péril les générations futures? D’ailleurs, comment peuvent-ils prévoir ta force et ta constance dans un système ouvert quand la théorie du chaos en météorologie pose une question importante: «Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il déclencher une tornade au Texas? (Edward Lorenz, 1979)»
Mais toi, en Suisse, tu n’es ni tramontane, ni mistral, parfois bise noire, vaudaire ou joran mais seulement par intermittence. Et quand tu te fâches et envoies tes forts vents d’ouest, on doit revoir nos ambitions et arrêter les ventilateurs. Es-tu conscient de l’énergie que nous allons encore dépenser pour extraire les différents composés métalliques nécessaires à la construction de ces gros ventilateurs? Combien de tonnes de cuivre pour produire un MWh d’électricité, et combien de terres rares pour que ta douce brise fasse gémir une pale?
Oui, nous devons quitter notre dépendance aux énergies fossiles! Merci de ton aide dans les régions venteuses! Mais est-ce raisonnable de devenir dépendants de l’extraction du cuivre, et de tous ces composés rares et chers? Nous voulons vivre dans un monde d’énergies renouvelables mais cela nécessite des matières premières non renouvelables et certainement pas inépuisables. Maintenir tes bises sur les pales suisses va nous faire tomber de Charybde en Scylla.
Je te vois déprimé quand tu réalises que nous ne savons pas stocker l’énergie que tu produis. Je te vois enfin compréhensif pour qu’en Suisse l’on arrête de vouloir te domestiquer et que l’on se concentre sur d’autres approches de production énergétique.
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