Les paysages rêvés de l’estampe
Au Musée Jenisch, le voyage en Italie ne s’arrête pas avec l’exposition Disegno disegni. Un étage plus haut, la visiteuse, ou le visiteur, peut prolonger son périple entre arcs de triomphe et architectures folles, images saintes ou mythologiques, paysages, ruines et allégories, grâce à la présentation d’une série de gravures, elles aussi italiennes, dans une exposition tirée des collections du Cabinet cantonal des estampes, intitulée De Raphaël à Piranèse et placée sous le commissariat de la conservatrice adjointe, Anne Latour.
Si le dessin est un art des débuts, de la solitude, de l’unique, la gravure est un art de l’après, un art qui pense sa diffusion, sa multiplication, ses pérégrinations et son influence futures. Sa réalisation nécessite des techniques et des dispositifs élaborés, c’est un travail d’atelier qui convoque des compétences diverses.
Jouer sur deux tableaux
Raphaël, montre l’exposition, est parmi les premiers artistes en Italie à saisir l’intérêt publicitaire que représente la gravure. Le maître ne pratique pas l’art de l’estampe, il choisit plutôt de s’entourer de graveurs d’expérience, comme Marcantonio Raimondi ou Ugo da Carpi, dont la tâche sera de faire connaître et rayonner son travail à travers l’Europe. Loin de redouter la copie, Raphaël les encourage et s’inspire en cela des artistes du nord comme Dürer, qui jouent à la fois sur la peinture et la gravure pour assurer leur renommée. Sur ce modèle, la «gravure d’interprétation» – qui reproduit des tableaux – fleurit et se diffuse largement.
Autre point fort de cette petite exposition, ces estampes représentant des vues imaginaires qui mélangent l’inspiration antique et les paysages réels. Le Vénitien Giambattista Tiepolo, dont on a vu des dessins à l’étage en dessous, se livre à ces caprices, tout comme le célèbre Piranèse dont on peut voir ici quelques magnifiques inventions architecturales. E. Sr
■