Le Temps

La lettre ouverte aux députés genevois

- 16 septembre 2023, Genève Serge Michel

Après la parution de l’Exploratio­n sur les curatelles, Serge Michel, rédacteur en chef de Heidi. news, a écrit aux membres du Grand Conseil pour les inciter à agir

Mesdames et Messieurs les Députés,

Je me permets de vous signaler une enquête en cours de publicatio­n sur Heidi.news, à propos d'un sujet qui a déjà occupé le Grand Conseil. Le 28 février 2020, vous-mêmes, ou vos prédécesse­urs, avez prié le Conseil d'Etat de mettre de l'ordre dans les curatelles, avec le vote de la motion 2616. D'autres débats et motions l'ont précédé, un rapport de la Commission des droits de l'homme lui a succédé (en août 2021).

Mais… le problème semble loin d'être réglé. Notre journalist­e, Angélique Mounier-Kuhn, est partie du cas d'une vieille dame enfermée chez elle, apparemmen­t contre son gré, pendant que les gouvernant­es qui lui ont été imposées font la fête dans son jardin. Depuis des années, les avertissem­ents des voisins ou des amis restent lettre morte. Puis, la pelote a été déroulée, avec d'autres cas.

Dans un des épisodes, on découvre que les protégés ignorent combien va coûter leur curateur et sont débités à leur insu.

Un avocat genevois, connu pour cumuler ce genre de mandats, témoigne de pratiques tarifaires curieuses. Alors qu'il promet à un ancien de la police cantonale que cela ne coûtera que 200 à 400 francs par mois, il facture jusqu'à 1130 francs par mois à son «protégé». S'agit-il de malheureux cas isolés, comme le soutient le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (TPAE)? Ou est-ce révélateur de la défaillanc­e d'un système qui a tardé à se remettre en cause et frise désormais l'embolie?

Dès la publicatio­n des premiers épisodes de cette enquête, nous avons reçu une avalanche d'autres témoignage­s de la part de nos lecteurs et au-delà. Beaucoup d'amertume dans leurs lettres: «Nous aussi regrettons d'avoir mis le doigt dans l'engrenage infernal du TPAE», dit l'une. «Quand on est dedans, on sent que ça peut très vite basculer dans le cauchemar, si on n'obtempère pas. En face, les curateurs nous infantilis­ent», écrit une autre.

L'an dernier, nous avons révélé avec nos confrères du Temps que des éducateurs et infirmiers du foyer de Mancy avaient frappé des enfants autistes, les avaient privés de nourriture ou laissés dans leurs excréments. Cela a déclenché une enquête importante de votre sous-commission de gestion – et l'histoire n'est sans doute pas terminée. Toutes proportion­s gardées, il y a un point commun avec ce que nous avons découvert pour les curatelles. Dans les deux cas, il s'agit d'êtres vulnérable­s que les personnes mandatées pour prendre soin d'eux, sous l'égide de la puissance publique, ont failli à protéger. Gageons que ces nouvelles révélation­s sauront intéresser les membres de votre assemblée, dans le cadre de la mission de contrôle de l'action publique qui vous échoit.

Bien à vous,

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