Le Temps

En frappant le Yémen, Joe Biden risque une nouvelle guerre au Moyen-Orient

Les EtatsUnis, conjointem­ent avec le Royaume-Uni, ont mené des frappes contre les houthis au Yémen en réponse à leurs attaques contre des navires commerciau­x en mer Rouge

- SIMON PETITE, DES MOINES @simonpetit­e

Après avoir mis fin à leurs interventi­ons militaires en Afghanista­n et presque en Irak, les Etats-Unis seront-ils entraînés dans un nouveau conflit au Moyen-Orient? Le cauchemar revient hanter le pays après que le président démocrate Joe Biden, qui avait achevé le retrait d’Afghanista­n au début de son mandat, a autorisé des frappes contre les rebelles houthis au Yémen.

Ces miliciens proches de l’Iran, qui contrôlent une grande partie du pays de la péninsule arabique après une longue guerre, ont multiplié ces dernières semaines les attaques contre les navires en mer Rouge, une voie cruciale pour le commerce mondial. Le 9 janvier, les Etats-Unis disaient y avoir déjoué une attaque sans précédent contre leurs navires dans la région. Cet épisode aurait convaincu le président d’autoriser les frappes. Les houthis affirment agir dans le but de mettre fin à la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza après l’attaque du Hamas le 7 octobre dernier.

A la tête d’une coalition

Les Etats-Unis n’ont pas été seuls à passer à l’offensive. Des chasseurs britanniqu­es ont également été engagés contre des cibles au Yémen. Les deux pays font partie d’une coalition péniblemen­t constituée d’une vingtaine de pays afin de contrer la menace des houthis. Selon un communiqué de Joe Biden, les frappes de la nuit ont reçu le soutien des PaysBas, de l’Australie, du Canada et du Bahreïn, le seul pays arabe de cette coalition. Le président montre ainsi que les Etats-Unis n’agissent pas unilatéral­ement. Et de rappeler que le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté mercredi une résolution demandant aux houthis de cesser leurs attaques et permettant aux Etats dont les navires sont attaqués de se défendre.

En frappant des cibles au Yémen, Joe Biden va toutefois plus loin que cette résolution, dans l’espoir de dissuader d’autres attaques. Les premières déclaratio­ns des houthis indiquent qu’ils ne sont pas intimidés par ces attaques et qu’ils comptent bien y répondre, ouvrant la possibilit­é d’une escalade supplément­aire. De son côté, Joe Biden a menacé qu’il n’hésiterait pas à encore «défendre les Américains et la liberté du commerce internatio­nal», ouvrant la porte à d’autres bombardeme­nts. Un responsabl­e du Pentagone, sous le couvert de l’anonymat, a expliqué que les frappes avaient visé des dépôts de missiles ou de drones et des radars. Selon les médias américains, le Yémen a été frappé à plus de 60 reprises. Il s’agissait de «dégrader les capacités des houthis» de menacer les navires naviguant au large du Yémen, selon un communiqué de la coalition des Etats défendant les navires en mer Rouge. Une déclaratio­n à laquelle se sont aussi associés l’Allemagne, le Danemark, la Nouvelle-Zélande et le Corée du Sud.

Washington en première ligne

Malgré ces efforts de communicat­ion, les Etats-Unis sont bien en première ligne face aux houthis.

Mais l’administra­tion américaine n’est toutefois pas aussi isolée dans cette crise qu’elle l’est dans son soutien à la poursuite de la guerre à Gaza. Déjà très remontée par le fait que Washington ne réclame pas de cessez-lefeu à son allié israélien, l’aile gauche du Parti démocrate s’est immédiatem­ent inquiétée de ces frappes au Yémen. Sur CNN, l’élu de Californie Ro Khanna dénonçait le fait que le président n’avait pas demandé l’autorisati­on du Congrès, même si les élus ont été informés des frappes.

«La priorité est la désescalad­e en obtenant un cessez-le-feu à Gaza pour éviter que le conflit ne s’étende. C’est ce que nous conseillen­t nos alliés qatari, saoudien et émirati», a plaidé Ro Khanna. Selon le démocrate, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis savent de quoi ils parlent, car ils ont fait la guerre pendant huit ans aux houthis, «ce qui les a au contraire renforcés».

Les réactions étaient diamétrale­ment opposées du côté républicai­n. Dans un communiqué, Mitch McConnell, le leader des républicai­ns au Sénat a salué ces frappes. «Cette réponse militaire face à des instrument­s de l’Iran aurait dû être effectuée il y a longtemps», critiquait-il. L’opposition républicai­ne accuse depuis des semaines le président de faiblesse. Elle pointe notamment que les dernières troupes américaine­s en Irak toujours présentes dans le pays contre une résurgence de l’Etat islamique ont essuyé plus d’une centaine d’attaques depuis le 7 octobre de la part de milices pro-iraniennes.

Les républicai­ns appellent le président à davantage confronter Téhéran. Cette période électorale est propice aux surenchère­s. Mais, Donald Trump, le grand favori pour l’investitur­e de son parti pour défier Joe Biden lors de la présidenti­elle de novembre prochain, s’est singularis­é. Il a dénoncé vendredi ces frappes comme irresponsa­bles, alors qu’il ne cesse de railler la faiblesse du président.

Cette escalade intervient alors que le secrétaire à la Défense, Lloyd Austin, est toujours hospitalis­é et avait caché son hospitalis­ation au président pendant des jours dans une période de tension internatio­nale extrême.

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