Les élites parisiennes ne font pas confiance à l’école publique
Dans la polémique qui plombe déjà la toute nouvelle ministre de l’Education française Amélie Oudéa-Castéra, il serait malhonnête de dire que le fait que ses enfants soient scolarisés dans le privé est le coeur du problème. Si on se penche sur la vie de tous les ministres de l’Education nationale sous Emmanuel Macron, on constate en effet que l’enseignement privé y a toujours joué un rôle central.
Comme les enfants d’Amélie Oudéa-Castéra, Jean-Michel Blanquer, seul ministre de l’Education du premier quinquennat, a fait la plus grande part de sa scolarité au sein du Collège Stanislas, école privée catholique bien connue de l’élite parisienne. Ses enfants ont cependant fait la majeure partie de leur scolarité dans le public. Mais Pap Ndiaye (ministre en 2022 et 2023), historien marqué à gauche, et sa compagne, la sociologue Jeanne Lazarus, scolarisaient quant à eux leurs enfants dans la très prestigieuse Ecole alsacienne, elle aussi située au coeur du chicissime VIe arrondissement de Paris. Le jeune premier ministre Gabriel Attal, qui était ministre de l’Education au cours des six derniers mois de 2023, n’a pas d’enfant, mais a lui-même effectué sa scolarité au sein de cette même Ecole alsacienne. Bref, le constat est simple: les élites parisiennes ne font pas confiance à l’école publique. La vraie question est de savoir pourquoi.
C’est là que le bât blesse et c’est là que se trouve la première raison de la polémique. Aucun ministre de l’Education n’ose assumer que c’est avant tout pour bénéficier d’une certaine ségrégation que les écoles privées françaises ont autant de succès dans une France débordée par les crises sociales. Et aussi parfois parce que la pédagogie qui règne sur l’école publique peut déplaire. Tout comme les grèves à répétition.
La nouvelle ministre, même au bénéfice d’avoir voulu briser le tabou, a donc été très maladroite en mettant en avant des raisons de proximité et de remplacements peu fiables d’enseignants absents, bien moins graves dans l’école publique du VIe arrondissement à laquelle ses enfants sont rattachés que dans le reste du pays.
C’est ainsi que l’on arrive à la deuxième vraie raison de la polémique: ce dérapage, au tout premier jour du nouveau gouvernement Attal, illustre déjà les dangers d’avoir voulu mettre en place une équipe ministérielle de puncheurs pour relancer le quinquennat, notamment en vue des élections européennes de juin qui sont parties pour être dominées par le Rassemblement national.
Comme Rachida Dati et Gabriel Attal, Amélie Oudéa-Castéra a acquis la réputation d’être offensive dans les médias. Sur le dossier des Jeux olympiques de cet été, en tant que ministre des Sports, elle s’était notamment illustrée en répondant sans gants aux attaques de la maire de Paris Anne Hidalgo, notamment sur les problèmes de transports qui pourraient s’annoncer. «S’il faut livrer des Jeux sans elle, on les livrera sans elle. Au pire, s’il faut les livrer malgré elle, on les livrera malgré elle», affirmait la ministre à propos de la maire. La punchline avait fait grincer des dents du côté du CIO mais avait eu le mérite de mettre Anne Hidalgo en mauvaise posture.
C’est donc cela que veut désormais Emmanuel Macron. Des ministres qui répondent, qui existent médiatiquement, qui sortent du lot pour ne plus laisser la place aux populistes des extrêmes qui prennent toute la place. Une sorte de populisme du centre qui n’est pas sans risques, on l’aura vu dès la première sortie du nouveau gouvernement et cette polémique Oudéa-Castéra. En jouant son rôle de cogneuse sans tabou, elle aura réussi à réveiller tous les syndicats de parents d’élèves et surtout d’enseignants, parmi les plus sensibles du pays, alors que Gabriel Attal avait passé six mois à leur faire la danse du ventre. Une sortie de route d’autant plus problématique qu’elle se fait sur l’école, sujet explosif s’il en est en France.
Une sortie de route d’autant plus problématique qu’elle se fait sur l’école, sujet explosif s’il en est en France. La ministre a dû rendre des comptes aux syndicats ce lundi; gageons qu’Emmanuel Macron devra aussi en rendre aux journalistes lors de sa grande conférence de presse de rentrée, ce mardi soir.
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C’est donc cela que veut désormais Emmanuel Macron. Des ministres qui répondent, qui existent médiatiquement