Le Service de renseignement de la Confédération fait peau neuve
«Un métier de voyou exercé par des seigneurs»: c’est en ces termes que le grand patron des services secrets français, Alexandre de Marenches, décrivait sa profession selon le Dictionnaire amoureux de l’espionnage de Vincent Jauvert paru l’an dernier. Ni voyou ni prince, ni Smiley ni James Bond, le Service de renseignement de la Confédération fait peau neuve. Son directeur, l’ancien ambassadeur Christian Dussey, rompu à la gestion de crises et chargé naguère de missions délicates au DFAE, vient d’annoncer la restructuration du SRC, dont il a la charge. Annonçant la «transformation» de son service, il la justifie par «l’évolution rapide des aspects hybrides des guerres et des crises actuelles, des progrès technologiques qui ont une influence directe sur les activités de renseignement et [par] la nécessité de répondre aux attentes d’une nouvelle génération de collaboratrices et collaborateurs envers leur employeur».
Le coeur de l’action du Service est formé par deux «centres d’impact». La réforme se caractérise par le fonctionnement en équipe d’entités relativement autonomes et complètes (le team des teams) et enfin par l’accent mis sur la recherche, le développement et la formation pour assurer la prise en compte des nouveaux défis et préparer la relève en continu.
Six nouvelles divisions se partageront la tâche. Le pilotage de l’ensemble des unités du Service et la gestion des risques reviendront à la division Governance, Risk and Compliance – on se croirait dans une grande banque!
La division principale Partenariats gérera les contacts du SRC à l’international et sur le plan national ainsi que la situation room, le Centre fédéral de situation accessible 24h/24, service d’alarme et de suivi des situations. On ne saurait assez souligner à quel point le SRC est relié à d’autres services analogues à l’étranger: la collaboration entre partenaires est vitale pour échanger des informations et suivre ce qui se passe dans notre entourage et au-delà. C’est d’abord la responsabilité du directeur luimême, qui doit pouvoir se déplacer et joindre ses homologues dans bon nombre de pays sur une base quasi permanente. A l’intérieur, les partenaires du SRC sont, en premier lieu, des directions de l’administration fédérale dans les Départements de la défense, de justice et police et des affaires étrangères. Puis viennent les cantons, qui sont un relais naturel de l’action du SRC, et les entreprises qu’il faut sensibiliser aux nouvelles menaces.
La recherche opérationnelle devient Capacités de renseignement, vouée au maintien des compétences techniques et à la recherche spécialisée pour l’ensemble du SRC, y compris dans le domaine de la science du renseignement. Les deux centres d’impact sont l’un chargé de la Prévention, qui pourra mener des opérations pour contrer les menaces détectées, et l’autre, la division principale Sécurité globale, qui devra fournir aux décideurs politiques des informations exclusives sur l’évolution de la situation internationale de sécurité et préparer la réaction rapide des autorités suisses. (On notera les adjectifs!) Enfin la division principale Soutien et Innovation assurera des fonctions transversales de logistique et déterminera le contenu de nouvelles prestations. Elle veillera à doter le SRC d’une efficacité et d’une agilité accrues. Le tout animé d’une volonté de transparence et de respect des conditions strictes de la loi, y compris des trois organes de contrôle.
Depuis l’affaire des fiches, la méfiance est de rigueur face aux activités de l’Etat fouineur. Cependant le monde change: un service de renseignement performant est un élément central de la politique de sécurité, particulièrement dans la période de guerre de l’information, de désinformation, de cyberattaques et d’extrémisme violent que nous traversons. Avec les nouvelles compétences que le parlement s’apprête à conférer au SRC, notamment en matière financière, le SRC transformé se veut un instrument à la hauteur des circonstances, un rouage essentiel pour la sécurité du pays.
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