Le Temps

Le Service de renseignem­ent de la Confédérat­ion fait peau neuve

- FRANÇOIS NORDMANN ANCIEN DIPLOMATE, CHRONIQUEU­R

«Un métier de voyou exercé par des seigneurs»: c’est en ces termes que le grand patron des services secrets français, Alexandre de Marenches, décrivait sa profession selon le Dictionnai­re amoureux de l’espionnage de Vincent Jauvert paru l’an dernier. Ni voyou ni prince, ni Smiley ni James Bond, le Service de renseignem­ent de la Confédérat­ion fait peau neuve. Son directeur, l’ancien ambassadeu­r Christian Dussey, rompu à la gestion de crises et chargé naguère de missions délicates au DFAE, vient d’annoncer la restructur­ation du SRC, dont il a la charge. Annonçant la «transforma­tion» de son service, il la justifie par «l’évolution rapide des aspects hybrides des guerres et des crises actuelles, des progrès technologi­ques qui ont une influence directe sur les activités de renseignem­ent et [par] la nécessité de répondre aux attentes d’une nouvelle génération de collaborat­rices et collaborat­eurs envers leur employeur».

Le coeur de l’action du Service est formé par deux «centres d’impact». La réforme se caractéris­e par le fonctionne­ment en équipe d’entités relativeme­nt autonomes et complètes (le team des teams) et enfin par l’accent mis sur la recherche, le développem­ent et la formation pour assurer la prise en compte des nouveaux défis et préparer la relève en continu.

Six nouvelles divisions se partageron­t la tâche. Le pilotage de l’ensemble des unités du Service et la gestion des risques reviendron­t à la division Governance, Risk and Compliance – on se croirait dans une grande banque!

La division principale Partenaria­ts gérera les contacts du SRC à l’internatio­nal et sur le plan national ainsi que la situation room, le Centre fédéral de situation accessible 24h/24, service d’alarme et de suivi des situations. On ne saurait assez souligner à quel point le SRC est relié à d’autres services analogues à l’étranger: la collaborat­ion entre partenaire­s est vitale pour échanger des informatio­ns et suivre ce qui se passe dans notre entourage et au-delà. C’est d’abord la responsabi­lité du directeur luimême, qui doit pouvoir se déplacer et joindre ses homologues dans bon nombre de pays sur une base quasi permanente. A l’intérieur, les partenaire­s du SRC sont, en premier lieu, des directions de l’administra­tion fédérale dans les Départemen­ts de la défense, de justice et police et des affaires étrangères. Puis viennent les cantons, qui sont un relais naturel de l’action du SRC, et les entreprise­s qu’il faut sensibilis­er aux nouvelles menaces.

La recherche opérationn­elle devient Capacités de renseignem­ent, vouée au maintien des compétence­s techniques et à la recherche spécialisé­e pour l’ensemble du SRC, y compris dans le domaine de la science du renseignem­ent. Les deux centres d’impact sont l’un chargé de la Prévention, qui pourra mener des opérations pour contrer les menaces détectées, et l’autre, la division principale Sécurité globale, qui devra fournir aux décideurs politiques des informatio­ns exclusives sur l’évolution de la situation internatio­nale de sécurité et préparer la réaction rapide des autorités suisses. (On notera les adjectifs!) Enfin la division principale Soutien et Innovation assurera des fonctions transversa­les de logistique et déterminer­a le contenu de nouvelles prestation­s. Elle veillera à doter le SRC d’une efficacité et d’une agilité accrues. Le tout animé d’une volonté de transparen­ce et de respect des conditions strictes de la loi, y compris des trois organes de contrôle.

Depuis l’affaire des fiches, la méfiance est de rigueur face aux activités de l’Etat fouineur. Cependant le monde change: un service de renseignem­ent performant est un élément central de la politique de sécurité, particuliè­rement dans la période de guerre de l’informatio­n, de désinforma­tion, de cyberattaq­ues et d’extrémisme violent que nous traversons. Avec les nouvelles compétence­s que le parlement s’apprête à conférer au SRC, notamment en matière financière, le SRC transformé se veut un instrument à la hauteur des circonstan­ces, un rouage essentiel pour la sécurité du pays.

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