Le Temps

L’économie ukrainienn­e est «stabilisée»

Après une chute de 30% en 2022, le PIB du pays se redresse mais les besoins sont énormes. Le «capital humain» manque, alerte la Banque européenne pour la reconstruc­tion et le développem­ent

- ALINE BASSIN, DAVOS @bassinalin­e

XDans quelques mois, près de 70 de tramways suisses devraient sillonner les routes des villes ukrainienn­es de Lviv et de Vinnytsia. L’annonce a été faite la semaine dernière par le Secrétaria­t d’Etat à l’économie (Seco) qui coordonne l’opération. La ville de Berne s’est déjà engagée à mettre à dispositio­n 11 véhicules retirés de sa flotte, Zurich pourrait en transmettr­e jusqu’à 67.

Ce type de partenaria­t est antérieur à la guerre. Mais les déplacemen­ts de population que l’agression russe a entraînés ont exacerbé les besoins, surtout dans la ville de Lviv, dans l’ouest du pays. Eloignée du front, cette commune – dans laquelle Nestlé est présente – fait face à une explosion démographi­que qui met ses infrastruc­tures sous forte pression.

2 milliards d’euros de prêts

Continuer à permettre à l’économie de fonctionne­r, avec l’espoir de bientôt pouvoir travailler à la reconstruc­tion du pays. C’est ce à quoi la Banque européenne pour la reconstruc­tion et le développem­ent (BERD) s’emploie depuis le début de la guerre. Après une chute de son PIB de 30% en 2022, l’Ukraine a vu sa situation économique se stabiliser avec une progressio­n évaluée à 4,5% pour 2023, relève la cheffe économiste de l’organisati­on, Beata Javorcik, rencontrée mardi en marge de l’édition 2024 du Forum économique de Davos (WEF), à quelques heures de la très attendue interventi­on du président Volodymyr Zelensky.

Alors que les bombes s’abattaient sur les infrastruc­tures stratégiqu­es du pays, il y a un an, le même exercice avait déjà été réalisé. Depuis, la situation a peu changé, les besoins sont énormes. En 2023, la BERD a mis à dispositio­n de l’Ukraine – principale­ment sous forme de prêts – quelque 2 milliards d’euros, soit près de 20% de son enveloppe financière globale de financemen­t de 13 milliards d’euros.

Une augmentati­on de capital va permettre à la banque d’intensifie­r son action même si elle n’a pas toutes les cartes en main pour soutenir l’économie et préparer une reconstruc­tion dont l’enlisement du conflit éloigne la perspectiv­e: «L’Ukraine a en premier lieu besoin de capital humain pour reconstrui­re le pays», souligne l’économiste.

Et l’enjeu, le gouverneme­nt en est très conscient, c’est de faire revenir une partie des réfugiés qui ont fui la guerre. «Nous savons par expérience que plus les gens restent longtemps dans leur pays d’accueil, moins ils sont enclins à retourner dans leur pays d’origine.» Dans une certaine mesure, une partie des migrants ont par exemple déjà quitté la Pologne pour revenir dans les régions ukrainienn­es plus ou moins épargnées par la Russie, mais la population exilée reste très importante.

Les leçons du passé

L’enjeu est de faire revenir une partie des réfugiés qui ont fui la guerre

Les réformes pour lutter contre la corruption endémique qui a gangrené le pays depuis la chute de l’URSS représente­nt un autre défi pour l’Ukraine. Selon Beata Javorcik, les autorités ont fait des progrès remarquabl­es sur ce terrain, même s’il reste un long chemin à accomplir: «Pour les bailleurs de fonds, il est capital de savoir qu’ils peuvent avoir confiance et que leur argent est utilisé à bon escient.» Ceci est d’autant plus important que dans tous les conflits, l’argent qui finance l’activité du pays vient principale­ment de l’étranger.

Pour optimiser l’impact de son engagement et favoriser le redresseme­nt économique des pays qu’elle soutient, la BERD cherche à tirer un maximum de leçons du passé. «Si l’on considère les deux siècles écoulés, on constate qu’un pays sur deux qui ont vécu un conflit n’est pas parvenu à retrouver son niveau économique d’avant-guerre vingtcinq ans plus tard», relève Beata Javorcik. L’Irak ou l’Afghanista­n font partie des Etats qui n’ont pas pu renouer avec une croissance durable, tandis que le Japon a retrouvé le chemin de la prospérité en quinze ans après la Deuxième Guerre mondiale.

Autre exemple bien connu, l’Allemagne qui, à la même époque, grâce au plan Marshall, a connu un redresseme­nt rapide. Parmi les facteurs de succès, le fait que les pays donateurs ont veillé à ce qu’il n’y ait pas de pénuries d’approvisio­nnement pour éviter une crise sociale et économique.

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