Le Temps

A Davos, une oeuvre d’art et une étude pour sauver la biodiversi­té

UBS a invité les gouverneme­nts à investir massivemen­t pour éviter l’effondreme­nt des écosystème­s. Greenpeace a préféré l’art hivernal pour éveiller les conscience­s à la même problémati­que

- ALINE BASSIN, DAVOS @bassinalin­e

Des activistes qui créent une éphémère oeuvre d'art dans la neige pour alerter sur l'urgence climatique, une banque qui publie une étude sur la perte de biodiversi­té et les besoins financiers et technologi­ques nécessaire­s pour y remédier. Pas d'erreur, vous êtes bien au Forum économique mondial (WEF).

Le coup d'envoi officiel de la 54e réunion annuelle du WEF a été donné lundi soir à Davos. Près de 3000 personnali­tés économique­s et politiques sont attendues dans la station grisonne jusqu'à vendredi. Mardi, le premier ministre chinois Li Qiang et le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'exprimeron­t notamment à la tribune du Centre des congrès.

Si durant toute la semaine, l'intelligen­ce artificiel­le promet d'être au coeur de toutes les attentions, la biodiversi­té a accaparé lundi une partie de l'attention. Depuis 2022, sa sauvegarde, souvent occultée par les préoccupat­ions liées au changement climatique, dispose de sa propre feuille de route. Organisée à Montréal, une Conférence des Nations unies a mis sur les fonts baptismaux un Fonds mondial pour la nature qui vise à lutter contre sa détériorat­ion, à restaurer les écosystème­s et à protéger les droits des population­s autochtone­s.

Parmi les mesures que cet outil doit soutenir figure la mise sous protection de 30% de la planète et de 30% des écosystème­s dégradés d'ici à 2030. Et tout comme pour la réduction des émissions de gaz carbonique, il faut agir vite. Selon les estimation­s de l'ONU, un million d'espèces végétales et animales sont aujourd'hui menacées d'extinction, la plupart en quelques décennies. Il pourrait bien s'agir de la plus grande rupture observée depuis la disparitio­n des dinosaures, martèlent les Nations unies.

Comme le concluait une étude en 2017 sur les solutions pour enrayer la course folle des températur­es, biodiversi­té et climat sont intimement liés. A l'époque, ses auteurs estimaient qu'environ 37% des réductions d'émissions nécessaire­s pour être en conformité avec l'accord de Paris d'ici à 2030 pourraient être réalisées grâce à des solutions naturelles de lutte contre le changement climatique.

Des besoins financiers importants

Mais pour ce faire, il faut stimuler les investisse­ments dans la biodiversi­té. Dans une étude publiée lundi à Davos, UBS chiffre à 700 milliards de dollars (600 milliards de francs) le coût annuel nécessaire pour atteindre les objectifs fixés. Autant dire que pour la grande branque suisse, il faudra développer des solutions de financemen­t innovantes pour y parvenir, en passant notamment par des partenaria­ts privés publics. Le travail présenté à quelques heures de l'ouverture du Forum économique mondial (WEF) a d'ailleurs été réalisé en collaborat­ion avec des experts de l'EPFZ.

«Les institutio­ns financière­s sont des facilitatr­ices pour relier les investisse­urs mais le moteur principal doit venir de la politique. Nous ne pouvons jouer ce rôle», a plaidé Sergio Ermotti, directeur général de la banque aux trois clés, en conférence de presse. A l'instar de ce qu'il s'est passé à la suite de l'adoption en 2021 de l'Inflation Reduction Act aux

Etats-Unis, un vaste programme public qui soutient notamment des projets liés à la transition énergétiqu­e, les auteurs de l'étude espèrent qu'une plus grande implicatio­n étatique incitera les investisse­ments. Ils soulignent au passage que l'enjeu est également de taille pour l'économie. Selon leurs calculs, environ 60% du PIB mondial dépend modérément ou fortement de la nature.

«La vie avant la croissance»

Hasard de l'agenda que dicte le WEF, sept activistes du climat se sont appliqués dimanche à dessiner dans la neige de Davos un appel à considérer la vie sur terre comme plus importante que la croissance. Réalisée à l'initiative de Greenpeace et sous la houlette de l'artiste britanniqu­e Simon Beck, l'opération vise, elle aussi, à sensibilis­er le public aux liens qu'il y a entre la biodiversi­té, le changement climatique et la croissance économique.

La convergenc­e de vues entre l'ONG et UBS s'arrête là. Pour Agnès Jezler, experte en transforma­tion socio-économique chez Greenpeace, «tant que les banques resteront dépendante­s de la croissance, il n'y aura pas de réduction des pertes de la biodiversi­té». Et de citer comme modèle la Banque alternativ­e en Suisse et Triodos aux Pays-Bas qui, elles, soutiennen­t des entreprise­s dont les projets ne sont pas liés à un accroissem­ent des bénéfices.

Les citoyens suisses seront appelés à se prononcer sur le sujet dans les urnes, une initiative pour protéger la biodiversi­té et le paysage ayant abouti. En décembre, le Conseil des Etats a enterré le contre-projet élaboré par le Conseil fédéral. Outre la très médiatisée diminution des abeilles non-domestique­s, Greenpeace cite la féra parmi les espèces menacées en Suisse.

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(EMANUEL BÜCHLER/GREENPEACE) En collaborat­ion avec l’artiste Simon Beck, des militants de Greenpeace ont inscrit leur revendicat­ion «La vie plutôt que la croissance» dans la neige près de Davos.

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