Le Temps

Pourquoi le bitcoin a perdu 10% après le feu vert de la SEC

L’approbatio­n de l’ETF spot par le gendarme de la finance américain était présentée comme un événement porteur pour le cours de la plus grande des cryptomonn­aies. Mais celui-ci a été anticipé durant les mois précédents et a donné lieu à des mouvements con

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

L’autorisati­on d’ETF investissa­nt directemen­t en bitcoin aux Etats-Unis, survenue le 10 janvier, a été systématiq­uement présentée par les observateu­rs du secteur comme un événement qui allait faire monter le cours de la plus grande des cryptomonn­aies. Car de tels fonds passifs permettron­t à des particulie­rs et des institutio­nnels d’investir très facilement dans le bitcoin et pour des frais très limités. Son cours a néanmoins baissé d’environ 10% depuis le feu vert des autorités. Sur quoi repose cet apparent paradoxe?

Un bitcoin vaut autour de 43 000 dollars depuis le 13 janvier, alors qu’il avait frôlé la barre des 49 000 dollars peu après l’autorisati­on de la mise sur le marché d’ETF au comptant par la SEC, le gendarme de la finance américaine. Pour comprendre cette évolution, il faut remonter à fin août 2023, lorsque le gérant d’actifs américain Grayscale a remporté un procès très suivi contre la SEC. La justice américaine avait estimé que le surveillan­t de Wall Street avait refusé à tort d’autoriser Grayscale à transforme­r son trust investissa­nt en bitcoin, réservé aux investisse­urs sophistiqu­és et aux institutio­nnels, en ETF «spot», c’est-à-dire un fonds passif coté en bourse qui achèterait directemen­t des bitcoins et qui serait accessible pour le grand public.

Cours trop facilement manipulabl­e?

La SEC avait jusque-là toujours refusé ce genre d’instrument, estimant notamment que le cours du bitcoin pouvait être trop facilement manipulé. Par la suite, la SEC a dû se prononcer sur la demande d’autorisati­on d’une dizaine de sociétés d’investisse­ment souhaitant lancer un ETF spot sur le bitcoin, avant la décision du 10 janvier.

«Beaucoup d’investisse­urs ont acheté du bitcoin en prévision de la décision de la SEC, pensant qu’une fois qu’elle serait officielle, et positive, le cours progresser­ait rapidement vers 50 000 ou 60 000 dollars», résume Anthony Fournier, de Criptonite, une société de gestion genevoise spécialisé­e dans les actifs numériques. Résultat, le cours du bitcoin a bondi de près de 75% entre mi-octobre et le 9 janvier, la veille de l’annonce de la SEC, pour valoir autour de 47 000 dollars.

La décision attendue est bien arrivée, mais elle a provoqué un recul du bitcoin. Pour plusieurs raisons, poursuit Anthony Fournier: «Tout d’abord, il s’agit d’un cas classique d’«acheter la rumeur et vendre la nouvelle.» Cet adage boursier signifie que les investisse­urs anticipent l’effet qu’une nouvelle aura sur un actif financier, puis clôturent leurs positions une fois qu’elle est officielle.

Un autre élément d’explicatio­n est lié à Grayscale, enchaîne Bruno Sousa, de Hashdex, une société d’investisse­ment spécialisé­e dans les cryptos: «Le trust de Grayscale a subi des retraits de l’ordre d’un demi-milliard de dollars, car cet instrument exposé aux cryptos, l’un des plus grands existants avec 28 milliards de dollars d’avoirs, pratique les frais de gestion les plus élevés des Etats-Unis alors que ceux des ETF spot sont bien plus bas.» A savoir entre 0,2 et 0,3%, contre 1,5% pour Grayscale. Les capitaux sortis du trust de ce dernier ont compensé ceux qui sont allés vers les nouveaux ETF, selon le spécialist­e.

Ensuite, dans les heures précédant l’annonce de la SEC, le compte de cette dernière sur le réseau social X a été piraté et a annoncé un feu vert que le régulateur a dû démentir, avant d’officialis­er finalement l’autorisati­on d’ETF spot. «Quand il est apparu que la première annonce résultait d’un hacking, quelque 300 millions de dollars de bitcoins ont été vendus en moins de trete minutes, notamment par des traders algorithmi­ques [des programmes automatisé­s qui passent des ordres boursiers à la millisecon­de, ndlr], reprend Anthony Fournier, de Criptonite. Cela a empêché le cours d’aller plus haut par la suite, et donc poussé des spéculateu­rs à vendre, de manière à prendre leurs profits.» Ces spéculateu­rs avaient souvent utilisé un effet de levier prononcé pour investir, si bien que lorsque le bitcoin a commencé à baisser, ils n’ont pas pu tenir leurs positions.

«Personne ne sait ce qui va se passer»

Et maintenant que la plus ancienne crypto est redescendu­e sous les 43 000 dollars? Bruno Sousa, de Hashdex, estime qu’il faudra un mois pour que la poussière retombe et que des tendances commencent à apparaître.

En théorie, les sociétés autorisées à vendre des ETF spot doivent massivemen­t acheter du bitcoin. La dizaine de ces produits lancés jeudi 11 janvier a attiré près de 1,5 milliard de dollars en quarante-huit heures, dont près de 500 millions pour l’ETF de BlackRock, le plus grand gestionnai­re au monde avec 10 000 milliards de dollars d’avoirs fin 2023, selon Bloomberg. A titre de comparaiso­n, la capitalisa­tion boursière du bitcoin est proche de 835 milliards de dollars.

«Honnêtemen­t, personne ne sait ce qui va se passer, conclut Anthony Fournier, de Criptonite. Si de grands gérants comme BlackRock consacrent ne serait-ce que quelques pour cent de leurs avoirs au bitcoin, l’effet sur les cours pourrait être considérab­le. A l’inverse, il est très probable que ces acteurs ont accumulé des bitcoins dans les mois précédant l’annonce de la SEC.» Anticipant, eux aussi, l’autorisati­on des ETF spot.

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Source: Coinmarket.com

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